"Pierre le Noir" est un personnage folklorique qui accompagne Saint-Nicolas, est-il un stéréotype raciste né du passé colonial néerlandais ? Ou est-il noir parce qu’il descend par la cheminée pour apporter des bonbons et cadeaux aux enfants ? Le débat fait rage aux Pays-Bas.
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Personnage Historique
La tradition autour de Saint-Nicolas dans le Nord de l’Europe est-elle raciste ? La question a été récemment soulevée aux Pays-Bas à cause de la présence depuis un siècle et demi d’un père fouettard d’apparence africaine, "Pierre le Noir".Comme le veut la tradition, chaque année, Saint-Nicolas arrive par bateau le troisième dimanche de novembre. Venue de tout le pays, des dizaines de milliers de résidents de Pays-Bas se sont réunis à Meppel, une ville de la province de Drenthe, le 14 novembre dernier pour accueillir le saint. Trois semaines durant, les enfants déposent chaque soir leur chaussons devant la cheminée pour recevoir des sucreries, jusqu’au soir du 5 décembre, jour de la distribution des cadeaux.
Le Saint Nicolas est flanqué, comme à l’accoutumée, d’une quarantaine de ses acolytes, plus ridicules que méchants. Affublés d’un costume médiéval clinquant, coiffés d’une perruque afro sous un chapeau à plume, ces pères fouettards sont surnommés "Svaart Pete" ou "Pierre le Noir" à cause de leur visages peint en noir. La grande majorité des Hollandais sont très attachés à cette tradition vielle de 150 ans.
"C’est sympa parce que tous les enfants sont contents et ça c’est le plus important", témoigne un jeune homme déguisé en Pierre le Noir. Une adolescente raconte son plaisir de jouer Pierre le Noir chaque année. "J’adore m’habiller en Pierre le Noir et voir la joie de tous les enfants. Ils sont tellement contents. On leur distribue des bonbons. C’est comme un conte de fées devenu réel et je suis la princesse".
Polémique
Mais cette fête nationale Néerlandaise n’est pas du goût de tous les citoyens. Depuis quelques années la tradition est remise en cause. Le 14 novembre dernier, quatre cars avait été affrétés pour emmener environ 200 personnes d’Amsterdam et Rotterdam afin de manifester leur désaccord pendant cet événement couvert en direct par la télévision public.
Les opposants à Pierre le Noir estiment que cela rappelle le temps où les gens du pays exploitaient des esclaves, notamment dans les colonies. De nombreux manifestants ont des racines dans les anciennes colonies comme le Surinam et Curaçao, aux Antilles. A leurs yeux, l’image de Pierre le Noir est raciste et dégradante. Jerry Afriyie, President de l’Association "Kick out Zwarte Piet" estime que "L'image de Pierre le Noir est dégradante. Les gens qui refusent l'évolution de ce personnage n'ont pas d'estime pour la communauté noire. C'est déshumanisant et cela dégrade notre qualité de vie et le bien-être de nos enfants".
Une autre manifestante se souvient : "Quand j'étais enfant, on m'appelait Pierre le Noir. On m'a dit que j'étais bête comme Pierre le Noir".
Compromis Coloré
Du coup, certaines grandes villes, comme La Haye et Utrecht, ont remplacé Pierre le Noir par une version «neutre » avec des visages d'autres couleurs. Ils ont même interdit aux "Pierre le Noir" traditionnels de se rendre dans les établissements publics comme les écoles, les maisons de retraites et des centres culturels.Tradition Forte
Mais de nombreuses communes du pays restent attachées à la tradition toute en démentant un spectacle raciste. Beaucoup de Néerlandais estiment que Saint-Nicolas reste une tradition forte et ils refusent tout changement.Marc Giling est membre de la Guilde des Saint-Nicolas et Pierre le Noir. Durant sa jeunesse il a porté avec fierté les habites de Pierre le Noir. Aujourd’hui il succède à son père et devient Saint-Nicolas pendant les trois semaines de fêtes : "Comme la tradition le veut, je crois que Pierre le Noir doit rester noir et c’est bien, parce qu’il doit être noir. Ce n’est pas une couleur de peau. C’est une mascarade, qui existe depuis des siècles partout en Europe."
Reste qu’en 2013, la Commission contre les discriminations raciales des Nations Unis a demandé qu’on en finisse avec le personnage de Pierre le Noir. Mais le gouvernement Néerlandais refuse de trancher, préférant laisser les citoyens décider eux même du sort du Père Fouettard.
Reportage de France Ô / Outre-mer 1ère