"Si l'épidémie prend les proportions qu'elle a prises en Ile-de-France par exemple, ce sera mille fois pire, ici, et à la crise sanitaire s'ajoutera la crise sociale", craint Sofiene Jaouadi, médecin généraliste.
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"Si l'épidémie prend les proportions qu'elle a prises en Ile-de-France, ce sera mille fois pire ici". Face à l'épidémie de coronavirus, Sofiene Jaouadi, médecin généraliste à Mayotte craint qu'une crise sociale ne s'ajoute à une possible grave crise sanitaire.
"On a une population très jeune, on n'aura peut-être pas beaucoup de cas très graves", espère-t-il, alors que le territoire, en décalage avec la métropole, est toujours en phase 2, avec 221 cas avérés, dont trois en réanimation, et trois décès, pour une population officielle de 256.000 habitants.
En cas de suspicion de coronavirus, "on les adresse à l’hôpital, où une filière covid a été mise en place, et où ils ont droit à des prélèvements (...) ensuite ils renvoient la personne chez elle avec les consignes de confinement, et la rappellent dès qu'ils ont les résultats", raconte le médecin. Mais "il y a des bugs, il y a des gens qui sont rappelés neuf jours plus tard".
Et "en tant que médecin, on n'est pas toujours prévenu que les patients envoyés ont été diagnostiqués covid. Moi personnellement je n'ai été prévenu pour aucun de mes patients", alors que certains se sont avérés malades.
"Depuis deux semaines, l'ARS nous associe à ses discussions et on a reçu nos premiers masques FFP2. On nous en a donné 60 par médecin", explique le généraliste, qui a pu travailler auparavant avec "un ancien lot de l'époque Bachelot" donné par un particulier.
"La situation à Mayotte est particulièrement préoccupante : plus de 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, 30 % des habitations n'ont pas l'eau courante et l’offre de soins est limitée", écrit le conseil, qui met en balance la jeunesse de la population (un habitant sur deux a moins de 18 ans) et une forte prévalence de l'obésité et du diabète, qui sont des facteurs de risque.
"On a eu très peur au début parce que l'hôpital n'a que 16 lits de réa, mais apparemment les capacités ont été portées à 50", rapporte le Dr Jaouadi. "Malgré tout, on est en sous effectif", dit-il, avec "une vingtaine de généralistes libéraux" pour toute l'île.
Aujourd'hui, le docteur Jaouadi a "entre 15 et 20 patients par jour", contre entre 40 et 45 habituellement. "Il y a moins de monde qui se déplace, comme il y a beaucoup de clandestins à Mayotte, ils n'osent pas sortir à cause des contrôles de police".
"Si l'épidémie prend les proportions qu'elle a prises en Ile-de-France par exemple, ce sera mille fois pire, ici, et à la crise sanitaire s'ajoutera la crise sociale", prévient-il, d'autant qu'il y a toujours des barrages, des "coupeurs de route", ainsi que des violences entre jeunes, récurrentes sur le territoire. "On craint que ça parte vraiment en vrille", surtout "si les gens ont faim".
"On a une population très jeune, on n'aura peut-être pas beaucoup de cas très graves", espère-t-il, alors que le territoire, en décalage avec la métropole, est toujours en phase 2, avec 221 cas avérés, dont trois en réanimation, et trois décès, pour une population officielle de 256.000 habitants.
Double épidémie
"On a le malheur d'avoir deux épidémies concomitantes, la dengue et le coronavirus", souligne le généraliste, installé à Mamoudzou depuis septembre 2018 sur "un coup de coeur".En cas de suspicion de coronavirus, "on les adresse à l’hôpital, où une filière covid a été mise en place, et où ils ont droit à des prélèvements (...) ensuite ils renvoient la personne chez elle avec les consignes de confinement, et la rappellent dès qu'ils ont les résultats", raconte le médecin. Mais "il y a des bugs, il y a des gens qui sont rappelés neuf jours plus tard".
Et "en tant que médecin, on n'est pas toujours prévenu que les patients envoyés ont été diagnostiqués covid. Moi personnellement je n'ai été prévenu pour aucun de mes patients", alors que certains se sont avérés malades.
60 masques par médecin
Mais même s'il y a "beaucoup de lacunes", il estime que "les choses vont dans le bon sens" désormais avec l'ARS [Agence régionale de santé]. "Au début, nous, les médecins généralistes, on n'avait pas du tout de masques, on a beaucoup gueulé" car quelques collègues ont été contaminés."Depuis deux semaines, l'ARS nous associe à ses discussions et on a reçu nos premiers masques FFP2. On nous en a donné 60 par médecin", explique le généraliste, qui a pu travailler auparavant avec "un ancien lot de l'époque Bachelot" donné par un particulier.
Dépistage limité
Dans un avis, le conseil scientifique qui assiste l'exécutif dans la crise a classé Mayotte dans "une catégorie à part"."La situation à Mayotte est particulièrement préoccupante : plus de 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, 30 % des habitations n'ont pas l'eau courante et l’offre de soins est limitée", écrit le conseil, qui met en balance la jeunesse de la population (un habitant sur deux a moins de 18 ans) et une forte prévalence de l'obésité et du diabète, qui sont des facteurs de risque.
"On a eu très peur au début parce que l'hôpital n'a que 16 lits de réa, mais apparemment les capacités ont été portées à 50", rapporte le Dr Jaouadi. "Malgré tout, on est en sous effectif", dit-il, avec "une vingtaine de généralistes libéraux" pour toute l'île.
Aujourd'hui, le docteur Jaouadi a "entre 15 et 20 patients par jour", contre entre 40 et 45 habituellement. "Il y a moins de monde qui se déplace, comme il y a beaucoup de clandestins à Mayotte, ils n'osent pas sortir à cause des contrôles de police".
Conditions de confinement compliquées
Il est par ailleurs difficile de faire respecter le confinement. "Les gens vivent dans des conditions très précaires dans des cases en tôle, où il fait chaud, c'est dur de leur dire de rester chez eux".C'est compliqué aussi, vu la pauvreté de la population, de mettre des amendes. Beaucoup vivent de l'économie informelle. On leur dit de respecter les gestes barrière, de se laver les mains, mais dans les bidonvilles, certains n'ont pas d'eau. Ils ont mis des affiches en shimaoré pour que les gens comprennent, mais si les gens ont faim, s'il fait 40 degrés dans la maison en tôle, ils sortent, il faut pas se leurrer.
"Si l'épidémie prend les proportions qu'elle a prises en Ile-de-France par exemple, ce sera mille fois pire, ici, et à la crise sanitaire s'ajoutera la crise sociale", prévient-il, d'autant qu'il y a toujours des barrages, des "coupeurs de route", ainsi que des violences entre jeunes, récurrentes sur le territoire. "On craint que ça parte vraiment en vrille", surtout "si les gens ont faim".