C'est la fête à Moulins. Nous sommes le mercredi 12 juillet. Après une dizaine de jours d'émeutes, la France a retrouvé un semblant d'apaisement. Les nuits sont calmes. Les grandes vacances ont commencé. La température se veut plus clémente, alors que le thermomètre dépassait les 35°C la veille. Le 14 juillet approche. Et cerise sur le gâteau, la ville-préfecture de l'Allier, en Auvergne, accueille l'arrivée de la 11ᵉ étape du Tour de France. Le Belge Jasper Philipsen s'impose après 179,8 km de route depuis Clermont-Ferrand. Jonas Vingegaard, lui, garde le maillot jaune. C'est donc la fête à Moulins.
Pourtant, ce soir-là, une fois minuit passé, la fête prend des airs de bal macabre. Sur la place Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny où s'est installée la fête foraine, une violente bagarre éclate entre deux groupes de personnes, apprend France Bleu Pays d'Auvergne.
"Des gens se sont mis à courir. Il y avait beaucoup de sang", racontent sobrement Sébastien Joly et Stéphane Cloffulia, deux forains, à nos confrères de La Montagne, le journal local auvergnat. "Nous avons d’abord pensé à porter les premiers secours aux blessés. Nous avons effectué de premiers points de compression en attendant les ambulances."
Deux Tahitiens grièvement blessés
Quand la police arrive sur place, il est déjà trop tard. Les agresseurs, une petite dizaine d'individus, ont filé, indique Bénilde Moreau, le directeur de la sécurité publique de l'Allier, à Outre-mer la 1ère. Les secours, eux, se pressent pour venir en aide aux victimes. Quatre personnes, âgées d'une trentaine d'années et originaires de Polynésie française, sont blessées. Une a reçu des coups de poing, les autres des coups de couteau. Deux Tahitiens sont gravement atteints. Un hélicoptère est dépêché pour les amener le plus rapidement possible au CHU de Clermont-Ferrand.
Quatre jours après la bagarre, le procureur de la République de Moulins, Jérôme Piques, informe qu'un des blessés est déjà sorti de l'hôpital. L'autre n'est plus en danger et devrait sortir prochainement, dit-il à Outre-mer la 1ère. Le représentant du ministère public précise par ailleurs que "l'enquête est en cours pour tenter d'identifier les auteurs". Ce sont tous des hommes, âgés entre 20 et 30 ans. L'origine des agresseurs circule déjà dans la presse : ils seraient originaires de Mayotte. Mais pas tous. "Il n'y a pas que des Mahorais", nuance le directeur départemental de la sécurité publique.
L'enquête devra permettre de répondre à plusieurs questions pour comprendre ce qu'il s'est passé en cette journée qui s'annonçait festive, mais qui a plongé Moulins dans la torpeur. Selon les autorités, les protagonistes impliqués dans la rixe se connaissaient. Un différend, déjà à l'origine de tensions entre eux, serait à l'origine de l'affrontement. Mais ce que la police ne sait pas, c'est si les agresseurs se sont rendus à la fête foraine avec pour seul objectif de régler leurs comptes, en sachant qu'ils y trouveraient les Polynésiens. Ou si l'attaque résulte plutôt d'une dispute qui a mal tourné. Les autorités ont lancé un appel à témoins dans La Montagne pour tenter d'identifier les malfrats.
Depuis plusieurs années, les Français originaires de Mayotte se sont petit à petit implantés dans cette ville rurale du centre de l'Hexagone. Le maire Pierre-André Périssol, à la tête de la municipalité depuis 1995, ministre du Logement sous Jacques Chirac et ancien député de droite (1993-1995 puis 2002-2007), s'est attiré les faveurs de la communauté mahoraise. En 2015, il a poussé les Mahorais à créer leur propre association, l'Association Mayotte Moulinoise. En guise de reconnaissance, l'édile a été reçu à Mamoudzou au mois de février, où on lui a remis le titre symbolique d'"Ami de Mayotte", rapporte Mayotte Hebdo. Lui qui se faisait une joie d'accueillir une étape du Tour de France dans sa ville n'a pas réagi aux évènements dramatiques survenus dans la nuit du 12 au 13 juillet. En attendant de retrouver les agresseurs, Moulins n'a plus trop le cœur à la fête.