Un accord de cogestion de l’îlot de Tromelin inhabité, de retour devant l’Assemblée nationale en janvier

Un accord de 2012, entre la France et l’île Maurice sur la cogestion de l’île inhabitée de Tromelin, dans l’océan Indien, sera examiné par l’Assemblée nationale le mois prochain. Les deux pays ont laissé de côté le différend qui les oppose sur la souveraineté de l’île.
C’est un projet de loi qui dormait dans les tiroirs du Parlement depuis presque cinq ans. Un texte qui concerne un petit bout de terre inhabitée, l’île de Tromelin, située dans l’océan Indien, entre Madagascar, l’île Maurice et La Réunion.

Ce "projet de loi autorisant l'approbation de l'accord-cadre entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Maurice sur la cogestion économique, scientifique et environnementale relative à l'île de Tromelin et à ses espaces maritimes environnants", a été déposé pour la première fois au Sénat le 25 janvier 2012. A l’époque, Alain Juppé était ministre des Affaires étrangères et François Fillon, Premier ministre. Le texte a été adopté en première lecture par le Sénat le 18 décembre 2012.

"A Tromelin, on est chez nous"

Il devait être adopté en avril 2013, mais l’idée de cogestion de l’île avait alors provoqué une vive polémique, le député UDI Philippe Folliot craignant "un grave précédent d’abandon de souveraineté", Marine Le Pen parlant même d’un "traité anti patriotique". L'examen du texte avait finalement été ajourné. Le ministre des Outre-mer de l’époque, Victorin Lurel, s’était rendu sur place pour affirmer la souveraineté française : "A Tromelin, on est chez nous." 

Maurice et la France s’opposent de longue date à propos de la souveraineté de Tromelin. L’île a été découverte en 1722 par un navire français et la France y a installé une station météorologique en 1954, démontrant la présence de l’administration française. Mais Maurice la revendique depuis 1976 et s’appuie sur une interprétation différente du traité de Paris qui mettait fin aux guerres napoléoniennes... en 1814 !

"Un arrangement original et pragmatique"

Alors, après des négociations qui ont duré près de 20 ans, l’accord passé en 2010 entre les deux pays est décrit comme "un arrangement original et pragmatique" par le rapport du député Hervé Gaymard, en 2013. Il souligne que "la France n’a jamais souhaité ni ne souhaite encore transiger sur sa souveraineté sur Tromelin".

De plus, les deux pays tiennent le différend "délibérément à l’écart", d’autant qu’aucun élément de l’accord "ne peut être interprété comme un changement de position" de l’une ou l’autre partie. Ils établissent néanmoins une cogestion administrative en ce qui concerne la protection de l’environnement, les ressources halieutiques, l’observation des phénomènes naturels et la recherche archéologique.

L'enjeu de la ZEE

Car l’enjeu principal réside dans la Zone économique exclusive qui entoure Tromelin. Celle-ci représente 285 000 km², soit 2,8 % de la surface d’ensemble de la ZEE française. On y trouve surtout des thonidés et certaines espèces protégées menacées par la pêche illégale.

Les bateaux de pêche français dans la zone sont très rares. Mais le rapport parlementaire de 2013 s’inquiétait d’ "une certaine pêche illégale", notamment la capture de requins. Selon l’accord de 2010, la France et l’île Maurice s’engageaient "à mettre en œuvre rapidement une politique commune de la pêche".

Cet accord doit être débattu par l’Assemblée nationale à partir du 18 janvier prochain. En cas de ratification par le Parlement français, il pourra ensuite être validé par le conseil des ministres mauricien.

 

Tromelin, l’île aux esclaves oubliés
Tromelin est une île de 1,5 kilomètre de longueur sur 700 mètres de largeur, située à 560 kilomètres des côtes de l’île Maurice et à 450 km de Madagascar. Inhospitalière, l’île est un terrain plat dont le point culminant atteint les sept mètres, battu en permanence par les alizés, et dépourvu de végétation et d’eau douce.
Une petite communauté y a pourtant vécu, bien malgré elle. En 1761, le navire français L’Utile transporte 160 esclaves malgaches achetés en fraude, en direction de l’île de France, l’actuelle île Maurice. Le bateau s’échoue le 31 juillet sur cet îlot. L’équipage parvient à repartir sur une embarcation de fortune mais laisse sur place 80 esclaves. Aucun navire ne viendra les chercher avant le passage de La Dauphine, en novembre 1776, placée sous le commandement de Tromelin. Il ne restait alors plus que sept femmes et un enfant.
Cette année, la ville de Nantes a accueilli une exposition consacrée aux esclaves oubliés de Tromelin, dont le dossier de presse est téléchargeable ici.