Il était 12h40 quand les deux filles de Yolande Gabriel sont arrivées devant les urgences de l’hôpital de Melun, en Seine-et-Marne, là où travaille le médecin opérateur qui a eu leur mère au téléphone, le matin de son décès.
Pour rappel, au matin du 21 août 2020, Yolande Gabriel, une Martiniquaise de 65 ans, est prise d'un malaise cardiaque. Elle contacte le Samu afin d’être secourue, mais rien ne se passe comme prévu pour elle. À l’autre bout du téléphone, alors qu’elle énumère ses nombreux symptômes, le médecin s'emporte, comme on peut l'entendre dans la vidéo ci-dessous.
Il finit par envoyer une ambulance privée au domicile de Yolande. Mais à ce moment, la Martiniquaise est déjà en arrêt cardio-respiratoire depuis une bonne dizaine de minutes. Son décès sera prononcé à 10h10.
Lancées depuis maintenant quatre ans dans une longue bataille judiciaire contre ce dernier, les deux filles de la victime, Laura et Christelle, ont décidé en ce jeudi d’aller directement à sa rencontre. Et elles avaient un message à lui faire passer. "On veut juste lui dire Joyeux Noël et lui faire savoir qu’on ne l’oublie pas", lance Laura.
Dans un balai incessant de personnes et d’ambulances, les deux femmes sont postées là, pancarte et photo de leur mère à la main. Quelques curieux jettent un regard furtif, mais personne ne semble réellement se soucier du motif de leur présence. Ni même les membres de la sécurité de l’hôpital, venus en repérage au moment de leur installation. "Même si personne ne nous regarde, ce n’est pas grave, c’est trop difficile de rester les bras ballants sans rien faire", confesse Laura.
Une longue et "pénible" instruction
Seules contre tous, c’est un peu le credo que se répètent les deux filles de Yolande Gabriel. Depuis le début de l’affaire, elles ne lâchent rien. Le 10 juin 2022, une instruction a été ouverte par le parquet. Le juge nommé au début de l’affaire a été muté et remplacé, mais depuis, silence radio. Un mutisme que déplorent Laura et Christelle, sans oublier le fait qu’elles n’aient toujours pas été auditionnées.
On attend que le juge d’instruction prenne notre affaire au sérieux. Il a été nommé, mais n’a toujours rien fait. Tant qu’on n’est pas auditionnées, ni nous ni notre avocat n’ont accès aux actes qui ont été faits pendant l’enquête. On est complétement aveugle sur l'avancée.
Laura François Gabriel
Maître Jean-Christophe Coubris, avocat de la famille depuis le début de l’affaire, semble lui aussi désarçonné par la lenteur de l’instruction. Depuis septembre dernier, il relance régulièrement afin d'obtenir une audition des deux filles de Yolande. "J’en suis navré, car je comprends que les deux filles de Madame Gabriel sont très demandeuses d’une réponse. Ça va être le quatrième Noël qu’elles vont passer sans leur mère et sans réponse. Ça, ce n’est pas normal… "
Le 16 octobre dernier, une expertise judiciaire a été diligentée, mais pas dans un cadre judiciaire. La commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux s’est saisie de l’enquête, mais là encore, c’est un affront pour les deux Martiniquaises. "Cette expertise a été un vrai désastre, le médecin a été à nouveau blanchi par les deux experts. Ils ont estimé que notre mère avait donné trop d’informations au médecin et que cela avait pu le troubler", informe Laura.
On a effectivement eu cette expertise, et les experts n’ont manifesté aucune surprise face au ton employé par le médecin. Mais ce n’était pas réellement leur mission, leur rôle était plus de chercher une faute professionnelle. Maintenant, je laisse l’instruction agir et j’attends le rapport de cette expertise.
Me Jean-Christophe Coubris
Les deux filles de Yolande Gabriel ne comptent pas s’arrêter là, et promettent de continuer à se battre pour leur mère, tant que justice ne sera pas rendue.