Au matin du 21 août 2020, Yolande Gabriel, une Martiniquaise de 65 ans, prise d'un malaise cardiaque, contacte le SAMU afin d’être secourue. Mais rien ne se passe comme prévu pour la victime. À l’autre bout du fil, alors qu’elle énumère ses nombreux symptômes, l’assistante de régulation du SAMU, agacée du long récit de la martiniquaise et du fait qu’elle ne puisse s’exprimer clairement [alors qu’elle était essoufflée] finit par la mettre en ligne avec un médecin. Il s’emporte à son tour, comme en témoignent les extraits des écoutes téléphoniques qu’ont pu se procurer les filles de la victime "Mais putain, mais parlez dans le téléphone ! " L’appel a duré un peu moins de 10 min, d’après l’enregistrement. Le médecin finit par envoyer une ambulance privée au domicile de la Martiniquaise. Mais à ce moment-là, Yolande Gabriel est en arrêt cardio-respiratoire depuis 10 à 15 minutes. Son décès est déclaré à 10 h 10.
En juin 2022, les deux filles de la victime, Laura et Christine ont porté plainte pour homicide involontaire et omission de porter secours. Lancée dans une longue procédure, elles ne se désarment pas et attendent que justice soit faite. Ce lundi 05 juin 2023, elles étaient devant le ministère de la Santé afin de dénoncer un courrier de l’ARS Île-de-France du 17 mai dernier, qui disculpe en grande partie les médecins responsables de la prise en charge de Yolande Gabriel. Les deux femmes réclament un entretien avec le Ministre de la Santé, "J’aimerais que ce ministre [François Braun] à qui on envoie des lettres depuis mars 2022, qui certes n’étais pas ministre à l’époque (...) cesse de se cacher derrière la procédure judiciaire en cours ", déclare Laura François à Outre-mer la 1ère.
Une expertise contradictoire est en cours
La procédure judiciaire en cours est longue et usante pour les filles de la victime. Les conclusions pourraient être rendues d'ici à deux ans. C’est pourquoi leur avocat, maître Jean-Victor Coubris, va saisir la commission de conciliation.
Un expert va nous convoquer [toutes les parties mises en causes] de sorte que nous puissions ensuite avoir un rapport d’expertise contradictoire. Il va trancher sur des éventuels manquements et les conséquences que ça a pu avoir
l'avocat de la partie civile
En règle générale, cette démarche peut aboutir à une indemnisation des victimes d’erreur de prise en charge médicale.
"Le syndrome méditerranéen"
Laura et Christine, les deux filles de la Martiniquaise s’interrogent sur un éventuel acte de racisme de la part du corps médical, et font état de " syndrome méditerranéen " En d’autre terme, certains médecins ont la tendance de croire que quelques patients exagèrent l’expression de leur douleur et symptômes. Des présupposés dont a été victime Yollande Gabriel, d’après sa fille Laura "[le médecin] il aurait entendu son accent martiniquais, et il s’est dit que cette dame me dit qu’elle a des difficultés respiratoires, mais elle doit en faire des tonnes donc voilà ", dit-elle.
La commission de conciliation bientôt saisie
Une hypothèse que leur avocat espère infondée, "très sincèrement, j’ose espérer que non ! Mais on est en droit de se poser la question. Ce n’est pas nous qui parlons de ce syndrome, mais le corps médical. Donc c’est qu’il existe … " estime maître Coubris. Ce dernier reste donc prudent, et attend les conclusions de l’expertise en avançant tout de même l’hypothèse " d’un défaut de prise en charge ". L’avocat des filles de Yolande Coubris doit saisir la commission de conciliation d'ici à la fin du mois de juin.
En attendant, Laura et Christine poursuivent leur combat et ne s'arrêterons pas tant que toutes les zones d’ombres ne seront pas levées .