Aimé Césaire : les archives de l'Assemblée nationale [#ParisCesaire]

Le plafond de la bibliothèque de l'Assemblée nationale, avec des peintures de Delacroix
L’Assemblée nationale dispose de l’un des fonds les plus intéressants sur Aimé Césaire. Le chantre de la négritude y a siégé 48 ans, entre 1945 et 1993, sans discontinuer, laissant des discours mémorables, des rapports et autres documents.
Si vous demandez à David Alliot son avis sur les archives d'Aimé Césaire conservées à la bibliothèque de l’Assemblée nationale, sa réponse fuse. «En terme de qualité, par le nombre de publications, de manuscrits et d’articles, c’est l’un des fonds les plus importants », explique-t-il. Editeur, écrivain, David Alliot a commis plusieurs livres sur Aimé Césaire.

Dans l’ambiance feutrée et hors d’âge de la bibliothèque de l’Assemblée, il nous montre une rareté : l’un des exemplaires du tapuscrit du "Cahier d'un retour au pays natal". « C’est l’œuvre nègre la plus traduite et commentée au monde » explique-t-il. Quand il tourne les pages, quelques ratures apparaissent, parfois ce sont des paragraphes qui sont biffés. « Des corrections, il y en a en permanence. Il y a des mots rajoutés. Mais avec le tapuscrit, on a accès à l’œuvre créatrice d’Aimé Césaire » reprend un David Alliot admiratif.


Il exhume ensuite le document qui a imposé le Aimé Césaire politique : la loi de départementalisation de 1946. Fraîchement élu à la tête de la mairie de Fort-de-France (en 1945), le jeune Martiniquais en est alors le rapporteur. C’est sa première intervention à l’Assemblée nationale. Dans le recueil jauni des propositions de lois, on y découvre une loi courte. Il n’y a que trois articles. « Mais c’est la grande œuvre d’Aimé Césaire. Cette loi va sortir les anciennes colonies (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Réunion) du statut colonial pour intégrer de plein droit la République Française. Le droit français s’y appliquera comme dans le Calvados ou à Paris ».

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C’est moins connu. Mais la bibliothèque recèle aussi des poèmes et textes écrits entre 1948 et 1950 et que l’on ne retrouve pas dans ce qui constitue l’ensemble de l’œuvre du poète. David Alliot les a réunis en un recueil qu’il a intitulé « Poèmes reniés ». Ecrits durant son appartenance au Parti communiste, ce spécialiste soupçonne Césaire d’avoir expurgé son héritage de ces textes qui renvoie à cette période communiste. Notamment l’un qui est une ode à Staline, et un poème un hymne à la gloire du PCF. "De facto, ils sont reniés. Quand Aimé Césaire met en ordre son œuvre pour la postérité, il les écarte. Les jugeait-il moins bons ? En tous cas, ils ne figurent plus dans sa rétrospective". Privilège d’un intellectuel qui a le bon goût de vieillir le plus tard possible et ne semble pas assumer sa période communiste.


Notre fin connaisseur de l’œuvre césairienne pourrait en sortir d’autres des documents, comme la préface commandée pour accompagner une nouvelle version d’un livre de Victor Schoelcher. Car pour être moins spectaculaires, ces discours, ces rapports et autres qui racontent ces près de 50 ans de vie parlementaire, sont autant de témoignages de la constance de l’homme politique à défendre les Outre-mer face à l’incompréhension des administrations. Un héritage précieux.