Alain Jean-Marie : "Le jazz, c'est une maladie bien agréable dont on ne guérit pas" #MaParole

Alain Jean-Marie est l'invité de #MaParole
Il est considéré comme l’un des plus grands jazzmen français. De sa jeunesse en Guadeloupe puis à Paris, en passant par le Canada, Alain Jean-Marie a accompagné au piano les plus grands : Chet Baker, Bill Coleman ou encore Abbey Lincoln. Son épopée de jazzman est à découvrir dans #MaParole.

Récemment récompensé d’une victoire du jazz, Alain Jean-Marie a eu le triomphe modeste. Et pourtant, cette victoire lui était remise par le père du free-jazz : Archie Shepp. De quoi être fier et d'en parler. Mais le cabotinage, ce n’est pas du tout la tasse de thé de l’un des plus grands jazzmen français. Alain Jean-Marie n’a jamais été très loquace. Du coup, dans #MaParole, on l’a un peu poussé à nous raconter son parcours exceptionnel. Et il nous a un peu parlé de lui, mais à son rythme. 

 

#1 Les bals du samedi soir

Tout a commencé à Pointe-à-Pitre. Alain Jean-Marie a toujours eu l’impression de baigner dans la musique. "Quand j’allais chez le dentiste, il y avait de la musique dans la salle d’attente. Dans les transports aussi". Certains n’y prêtent pas attention. Alain Jean-Marie a toujours eu les oreilles grandes ouvertes. Très tôt, il s’est passionné pour une émission de jazz à la radio.

Et puis à l’âge de 8 ans, il a pris des leçons de piano chez une voisine, madame René. "J’étais un peu honteux, car j’arrivais toujours chez elle avec les doigts couverts d’encre", raconte-t-il dans #MaParole. "Mon niveau était très bas", ajoute-t-il. Très vite, Alain Jean-Marie a préféré apprendre tout seul. Il s’entraînait aussi à reproduire des chansons ou des musiques qu’il avait aimées. A l’adolescence, vers 14/15 ans, il s’est retrouvé à jouer dans des orchestres qui animaient les bals du samedi soir. Une école d’endurance. Ça commençait à 21h et ça s’arrêtait à 5h du matin. C’est là qu’il a commencé à côtoyer des musiciens guadeloupéens, particulièrement talentueux tels que le saxophoniste Robert Mavounzy.

Tous les lundis, Alain Jean-Marie se rendait rue Lamartine à Pointe-à-Pitre dans la boutique d’Henri Debs. C’est là, grâce à l’argent gagné aux bals, qu’il s’est constitué une solide culture en matière de musique et de jazz. Henri Debs qui lui-même était musicien avait un studio d’enregistrement dans lequel Alain Jean-Marie a accompagné de nombreux musiciens.

Alain Jean-Marie

 

#2 La Cigale

A l’âge de 22 ans, Alain Jean-Marie a été invité à participer au festival Terre des hommes au Canada. Il a fait la connaissance de deux musiciens martiniquais. Jean-Claude Montredon d’abord. Il avait son âge et très vite, ils ont aimé jouer ensemble jusqu’à aujourd’hui. Et puis Marius Cultier, pianiste martiniquais, qui a été leur mentor à tous les deux.

Pendant trois ans au Canada, Alain Jean-Marie a encore progressé au piano au contact de nouveaux musiciens et de clubs de jazz qu’il découvrait. Après quelques séjours en Guadeloupe et en Martinique, le jeune pianiste a choisi de partir pour Paris en 1973 après un détour par le Maroc. Il avait 27 ans et un solide bagage musical. Il s’est rendu très logiquement à la Cigale où se produisaient des musiciens guadeloupéens, le saxophoniste Robert Mavounzy et le tromboniste Albert Lirvat. Et coup de bol : leur pianiste venait de démissionner. "Il s’appelait Rolf Schubert, c’était un Allemand", se souvient Alain Jean-Marie qui n'a jamais oublié ce nom. Dès son arrivée, le pianiste s’est retrouvé engagé dans un orchestre qui jouait tous les soirs avec juste une pause les mardis. Le pianiste vivait de sa passion, logeait dans un hôtel qui coûtait "20 francs par jour" et il était "le plus heureux du monde". En 1975, la Cigale a fermé. Terminé la vie réglée comme du papier à musique. Alain Jean-Marie a commencé à travailler pour différents clubs de jazz dont l’Opportun. Un club de jazz unique qui recevait les plus grands musiciens de passage à Paris. C’est à cette époque qu’Alain Jean-Marie a accompagné d'immenses artistes tels que Bill Coleman ou Chet Baker.

 

#3 La rue des Lombards

La carrière d’Alain Jean-Marie n’a donc jamais connu de pauses. Il a aussi accompagné de grandes chanteuses en enregistrement ou en tournées. Abbey Lincoln, Dee Dee Bridgwater ou encore Barney Wilhem. Le pianiste a aussi enregistré de nombreux albums. Quelques-uns en solo, beaucoup en trio, sa formation préférée. Dans les années 90, Alain Jean-Marie a renoué avec ses racines en enregistrant une série de trois albums intitulée Biguines reflections. Jamais à court de projet, à 76 ans, Alain Jean-Marie prépare deux albums, l’un avec Roger Raspail et Patrice Caratini (tropical jazz trio), l’autre avec Diego Imbert. Il s’agira d’un album de reprise de thèmes de Bill Evans, "mais pas comme Bill Evans", précise Alain Jean-Marie qui pendant longtemps n’a pas osé s’attaquer à ce monument du jazz. Le pianiste guadeloupéen possède pourtant selon un journaliste du Monde un "CV long comme la rue des Lombards". Cette rue de Paris constellée de clubs de jazz (le Duc des Lombards, le Baiser salé, le Sunset-Sunside), Alain Jean-Marie continue de s’y produire très régulièrement. Car comme il le dit si bien : "le jazz, c'est une maladie dont on ne guérit pas, sauf que c'est bien agréable".

A la prise de son : Bruno Dessommes

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♦♦Alain Jean-Marie en 5 dates ♦♦♦

►29 octobre 1945

Naissance à Pointe-à-Pitre

►1973

Arrivée à Paris

►1992

Triple album Biguine reflections

►2000

Django d'or

►2021

Victoire d'honneur du jazz