Alcool, tabac, cannabis : la consommation est bien plus faible à Mayotte qu'ailleurs

En 2019, Santé Publique France a mené une étude sur la consommation de substances psychoactives à Mayotte. Les chiffres tranchent avec ceux observés ailleurs en France, et notamment dans l'Hexagone.

Quels rapports entretiennent les Mahorais avec l'alcool, le tabac et le cannabis ? Santé Publique France publie une enquête menée à Mayotte en 2019 qui s'intéresse aux usages de substances psychoactives dans le département. L'enquête Unono Wa Maore a été menée auprès de 4 770 personnes âgées de 15 à 69 ans. Ses résultats sont éloquents : à Mayotte, la consommation de ces substances est nettement moins fréquente qu'ailleurs en France. 

    Alcool : une consommation minoritaire et occasionnelle

    La consommation d’alcool à Mayotte est bien moins répandue que dans l'Hexagone : seuls 26 % des 18-69 ans interrogés à Mayotte avaient déjà bu de l'alcool dans leur vie. L'étude précise qu'en comparaison, "cette proportion approche les 95 % en métropole"

    Source: Enquête de santé à Mayotte 2019 – Unono Wa Maore

     

    Chez les majeurs, une très forte différence existe entre la consommation des hommes et des femmes : 42 % des hommes avaient expérimenté l’alcool et 24 % en avaient consommé dans l’année, contre respectivement 12 % et 5 % des femmes.

    Une grande partie des consommateurs d’alcool ne buvaient qu'occasionnellement : 33 % des hommes consommateurs et 60 % des femmes consommatrices ne buvaient de l'alcool qu’une fois par mois ou moins.

    Tabac et cannabis

    10% des personnes interrogées à Mayotte fumaient quotidiennement en 2019. C'est plus de deux fois moins que dans l'Hexagone (24%). Ce chiffre grimpe à 19% pour les hommes et chute à 2% pour les femmes. "La très large majorité des 15-69 ans n’avait jamais fumé, ou juste pour essayer", précise l'enquête. Si 18 % des lycéens de l'Hexagone déclaraient fumer quotidiennement en 2018, à Mayotte, en 2019, ils n'étaient que 4%. Néanmoins, le pourcentage d'hommes adultes fumant quotidiennement est relativement élevé (21 %), et se rapproche de ceux observés aux Antilles et en Guyane.

    Source: Enquête de santé à Mayotte 2019 – Unono Wa Maore

      6 % des adultes (11 % des hommes et 1 % des femmes) avaient déjà essayé le cannabis. Mais seuls 2% des adultes déclarent en avoir fumé dans l'année. Chez les mineurs, seuls 3% ont déclaré avoir déjà essayé le cannabis. Ces chiffres sont bien inférieurs à ceux observés dans les autres DROM et dans l'Hexagone, où 45% des adultes et 33% des mineurs ont déjà consommé du cannabis.

      Pourquoi une telle différence ?

      Que l'on parle de tabac, d’alcool ou de cannabis, "la part de consommateurs est nettement supérieure parmi les adultes nés en métropole". Le premier élément explicatif est culturel. La religion musulmane est très présente à Mayotte, et les interdits religieux sont probablement un facteur important pour éclairer les différences entre la consommation de substances à Mayotte et dans le reste de la France. Le poids de la religion est double : non seulement les pratiquants fument et boivent moins, mais on peut aussi supposer que parmi ceux qui consommeraient de l'alcool, du tabac et du cannabis, certains n'oseraient pas le déclarer aux enquêteurs. 

      Le contexte religieux (religion musulmane majoritaire) peut contribuer à expliquer un faible niveau, réel ou déclaré, de consommation d’alcool. 

      Enquête de santé Unono Wa Maore

      Les auteurs de l'étude soulignent aussi la question du pouvoir d'achat, plus faible en moyenne à Mayotte, alors que les prix des produits sont, eux, plus élevés sur l'île. Selon l’Insee, en 2015, les boissons alcoolisées et le tabac coûtaient en moyenne 64% de plus à Mamoudzou qu'à Paris.

      Le dernier élément explicatif concerne la méthodologie de l'enquête. Les mineurs interrogés l'ont été en présence d’un parent ou d'un représentant légal. Puisqu'ils n'étaient pas seuls avec les enquêteurs, ils ont peut-être menti sur leur consommation pour éviter des représailles. Les rédacteurs de l'étude notent aussi qu'ils n'ont pas réussi à couvrir l'ensemble de la population, notamment "certaines populations très vulnérables telles que les personnes vivant dans une grande précarité, dans des zones d’accès difficile, les sans-domicile, etc." Un manque susceptible d'influencer les résultats, puisque "ces populations pourraient avoir des comportements plus à risque".