Alexandra Badea, une autrice et metteuse en scène d’origine roumaine qui s’intéresse aux Outre-mer

Naturalisée française depuis 2013, elle présente actuellement "La diagonale du vide" à Paris. Une pièce sur les Réunionnais de la Creuse. Dans une autre pièce, elle évoquait Saint-Pierre et Miquelon.

"Je me suis dit, ce troisième volet doit être lié à l’Outre-mer", explique Alexandra Badea, qui travaille depuis plusieurs années sur une trilogie autour des pages sombres de la colonisation. Dans sa pièce Thiaroye, l’autrice née en Roumanie il y a 42 ans, raconte le massacre de tirailleurs sénégalais près de Dakar en 1944. Le second volet, Quai de Seine, est consacré aux manifestants algériens tués dans Paris en octobre 1961. Pour le troisième volet, elle a choisi de parler des Réunionnais de la Creuse.

La diagonale du vide 

Le titre évoque une zone de l’Hexagone particulièrement faible en densité de population, et où figure notamment le département de la Creuse. C’est là que les autorités françaises ont choisi d’envoyer des enfants de la Réunion dans les années 1960 et 1970. La pièce se passe dans un ancien foyer qui les accueillait à leur arrivée. La comédienne réunionnaise Véronique Sacri incarne Eva, un fantôme qui revient hanter d’anciens camarades venus parler de leur douloureux passé à une journaliste. 

Ce qui m’intéressait dans les enfants de la Creuse c’était la notion de l’abandon, et plus particulièrement de l’abandon de l’Etat.

Alexandra Badea


Pour documenter sa pièce, Alexandra Badea a passé du temps dans la Creuse mais aussi à la Réunion. "C’est vraiment un endroit où j’aimerais retourner. Je trouve qu’il y a plein d’histoires qui retracent l'histoire de l’Europe, l’histoire du monde, dans cette petite île".

Saint-Pierre et Miquelon

Ce n’est pas la première fois qu’Alexandra s’intéresse aux Outre-mer. Dans sa pièce A la trace, présentée au public en 2018, Alexandra Badea emmenait un de ses personnages à la recherche d’une femme prénommée Anna Girardin, sur une île sans nom, mais qui ressemblait à s'y méprendre à Saint-Pierre et Miquelon.

Je cherchais une terre française très loin, une île isolée.  Cette île m’est venue comme ça. Je ne la connais pas du tout, mais j’ai un peu voyagé en regardant des photos et c’était très inspirant pour moi.

Alexandra Badea

 

C’est la France, en même temps c’est pas la France

L’intérêt d’Alexandra Badea pour les Outre-mer est lié à sa naturalisation française. "Assumer l’histoire de ce pays, avec ses moments de gloires et ses coins d’ombre", est l’obligation à laquelle sont tenus les Français d’adoption. "La première réaction que j’ai eue en entendant ces mots c’est : comment je vais assumer maintenant, moi, la colonisation ?", se rappelle l’autrice qui a fait ses études de théâtre à Bucarest. A l’intérieur de cette problématique, où place-t-elle les Outre-mer ? 

C’est clair qu’il y a une ambivalence. Parce qu’à la fois on les considère comme des territoires français à part entière, et on n’a pas le droit de dire que ce sont des anciennes colonies. Et en même il y a une politique quand même duplicitaire qui me pose problème.

Alexandra Badea


L’écrivaine et metteuse en scène formule une autre remarque : le manque de place laissée aux artistes qui viennent des Outre-mer pour s’exprimer dans l’Hexagone.

 

"La diagonale du vide"

Jusqu’au 6 février

Théâtre National de la Colline, à Paris

 

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