Alexandra travaille de nuit aux urgences. Depuis le premier cas de Covid-19 début mars, une cellule de crise a été mise en place dans cet hôpital et depuis, les patients affluent. Pour faire face à ce défi sanitaire, les urgences ont été divisées en deux secteurs. D'un côté, un circuit Covid-19 qui prend en charge les patients présentant des symptômes du virus: toux, fièvre, gêne respiratoire, altération du goût et de l'odorat ; de l'autre, un circuit "non Covid-19" qui reçoit les urgences "dites classiques" : les douleurs thoraciques, les coliques néphrétiques, les détresses psychiatriques, les suspicions d'AVC...
Le troisième étage de l'hôpital a été entièrement réaménagé pour accueillir les malades du Covid-19, une organisation spécifique a été mise en place pour gérer la surmortalité importante et toutes les hospitalisations conventionnelles ont été déprogrammées.
Se sentir utile et reconnue
Aux urgences, Alexandra est en première ligne. Elle prend son service à 19 heures et termine le lendemain à 7 heures. C'est elle qui reçoit en premier les patients atteints du Covid-19 et qui les oriente selon la gravité.Au début de la crise, des vols de gants, de masques et de solutions hydroalcooliques ont été suspectés. Désormais, chaque équipe reçoit, à sa prise de poste, son kit d'équipement pour travailler. Il comprend deux masques, une combinaison, des gants et une charlotte pour les cheveux.
Alexandra Lezeau, infirmière aux urgences.
Au regard de la situation, Alexandra reconnaît volontiers qu'elle exerce sa profession dans de très bonnes conditions et ce, malgré la pression, l'angoisse et le stress. "Il y a une très forte cohésion d'équipe. Nous sommes unis face à cette crise, nous faisons bloc", affirme-t-elle.
Une cellule psychologique est accessible pour pouvoir extérioriser un mal-être ou tout simplement parler. "Il n’est pas impossible que j’y ai recours à l’issu du confinement pour me libérer un petit peu."
Une solidarité exceptionnelle
Comme tous les personnels soignants, Alexandra est profondément touchée par les applaudissements des Français, tous les soirs à 20 heures. "Ces encouragements font chaud au coeur, ils sont le signe d'une reconnaissance sociale", indique l'infirmière.Une chaîne de solidarité pour soutenir les personnels soignants du centre hospitalier de Neuilly s'est également mise en place sur les réseaux sociaux.
Nous recevons des messages de soutien, des dessins d'enfants, des repas, des chocolats... Un restaurateur, contraint de fermer son établissement, nous a même prêté sa machine à café professionnelle à laquelle il a ajouté des centaines de capsules.
Alexandra Lezeau
Cette crise sanitaire aux conséquences dramatiques a aussi d'autres effets positifs. "Nos dirigeants prennent chaque jour davantage la dimension de notre investissement et de notre rôle essentiel", indique Alexandra Lezau qui se refuse à accabler le gouvernement. "Personne ne pouvait prévoir une crise de cette ampleur." Outre une prime, Alexandra espère une revalorisation des salaires des infirmières.
Nous avons réussi à tenir, mais il faut un retour. Il faut que l'on nous donne les moyens d'exercer notre profession.
Alexandra Lezeau, infirmière aux urgences
Au petit matin, lorsqu'elle rentre chez elle après une nouvelle nuit sous pression aux urgences, Alexandra ne peut s'empêcher de penser aux conséquences de cette crise. "Dans le quartier où j'habite, j'ai remarqué deux panneaux 'à louer' sur les vitrines de deux commerçants. Ils vont déposer le bilan."
Quelques heures de repos bien méritées et la jeune infirmière repartira aux urgences. Des nuits harassantes et très fortes émotionnellement s'enchaînent, mais depuis quelques jours une lueur d'espoir apparaît. Le nombre de patients atteints du Covid-19 diminue sensiblement, mais ne permet pas pour autant au personnel de relâcher la pression.
La crainte du déconfinement
"Je crains beaucoup le déconfinement et le retour de tous les patients chroniques qui, durant cette crise, se sont tenus éloignés de l'hôpital", affirme Alexandra. Et l'infirmière de prendre en exemple la période du Ramadan. Chaque année, de nombreux patients qui souffrent des conséquences du jeûne se présentent aux urgences.Même si cette crise sanitaire n'est pas encore enrayée, Alexandra n'a rien perdu de sa motivation et surtout de sa "fierté" d'être infirmière. "Cette période douloureuse a renforcé ma conviction d'avoir choisi ce métier et m'a donné toute la reconnaissance que je recherche depuis mes premiers pas dans cette profession."