A partir de la littérature orale des Caraïbes, l’ethnologue guadeloupéenne Lucie Pradel analyse la lecture du monde de ces sociétés à travers leurs mythes. Elle en retire une « écocritique » qui refuse le défaitisme environnemental de certains scientifiques.
Titulaire d’un doctorat (PhD) en ethnologie de l’université de Laval au Canada (Québec), Lucie Pradel réside en Guadeloupe et est maître de conférences en littératures et civilisations du monde anglophone à l’université des Antilles. Ses recherches portent également sur les traditions orales et le patrimoine culturel. Elle a récemment publié « L’âme du monde. Pour une écocritique du patrimoine culturel » chez Hermann/Presses de l’université de Laval. Un ouvrage dans lequel elle examine à la loupe les littératures orales de nombreux pays de la Caraïbe dont Cuba, la Guadeloupe, la Jamaïque, Haïti, Marie-Galante, la Martinique, Sainte-Lucie et Saint-Martin, entre autres.
Lucie Pradel a été influencée par un courant de pensée philosophique qui souligne qu’il nous faut habiter le monde autrement, c’est-à-dire revoir notre rapport à la nature, la façon dont nous traitons les animaux, et changer nos imaginaires. « La proposition est donc de revisiter le passé, de voir comment on peut être dans le monde différemment et inventer le futur. J’en viens donc à la littérature orale car à travers les contes, les légendes et les mythes nous avons une lecture particulière du monde. Les mythes ont divinisé la nature, comme l’eau, la forêt, la foudre, le tonnerre. Certains éléments du panthéon africain ont été transférés dans la Caraïbe, comme à Cuba et en Haïti. »
Refusant « le défaitisme » de certains scientifiques et politiques, l’ethnologue défend l’idée que nous sommes aussi des acteurs. « C’est à nous de prendre des initiatives contre l’éco-anxiété. Il faut regarder les problèmes en face et sans crainte. Les mythes nous disent qu’il existe une éthique de la relation avec une chaîne biologique où tous les éléments sont solidaires et inclusifs. La nature a encore beaucoup à nous apprendre, dans notre vie sociale, spirituelle et artistique. Elle est centrale et c’est elle qui permet d’harmoniser notre vie sur terre ».
Lucie Pradel, « L’âme du monde. Pour une écocritique du patrimoine culturel » - Hermann/Presses de l’université de Laval, 391 pages.
Habiter le monde autrement
« Dans cet ouvrage je m’intéresse à notre rapport avec le monde naturel, toute cette chaîne biologique dont nous faisons partie. Pour cela j’ai analysé des mythes, des contes, des légendes et des proverbes de la Caraïbe francophone, anglophone et hispanophone », explique Lucie Pradel à La1ere. L’auteur a eu recours en grande partie à des travaux qui ont été effectués dans les années vingt par une folkloriste américaine. Une somme de milliers de pages passée quasiment inaperçue car les témoignages avaient été recueillis en créole.Lucie Pradel a été influencée par un courant de pensée philosophique qui souligne qu’il nous faut habiter le monde autrement, c’est-à-dire revoir notre rapport à la nature, la façon dont nous traitons les animaux, et changer nos imaginaires. « La proposition est donc de revisiter le passé, de voir comment on peut être dans le monde différemment et inventer le futur. J’en viens donc à la littérature orale car à travers les contes, les légendes et les mythes nous avons une lecture particulière du monde. Les mythes ont divinisé la nature, comme l’eau, la forêt, la foudre, le tonnerre. Certains éléments du panthéon africain ont été transférés dans la Caraïbe, comme à Cuba et en Haïti. »
Les mythes nous disent qu’il existe une éthique de la relation avec une chaîne biologique où tous les éléments sont solidaires et inclusifs. La nature a encore beaucoup à nous apprendre, dans notre vie sociale, spirituelle et artistique. Elle est centrale et c’est elle qui permet d’harmoniser notre existence sur terre
(Lucie Pradel)
"Contre l’éco-anxiété"
Concernant l’état du monde, en particulier les menaces écologiques et environnementales qui pèsent sur lui, Lucie Pradel affirme qu’elle n’est « pas pessimiste ». « Dans mon livre, je veux dire qu’il nous faut avoir une approche apaisée de la question. A travers la littérature orale que j’examine, notre monde est beau et il y a moyen d’agir de manière individuelle à différents niveaux, par des petits gestes à transmettre de manière éducative, pour la protection de la nature », dit-elle.Refusant « le défaitisme » de certains scientifiques et politiques, l’ethnologue défend l’idée que nous sommes aussi des acteurs. « C’est à nous de prendre des initiatives contre l’éco-anxiété. Il faut regarder les problèmes en face et sans crainte. Les mythes nous disent qu’il existe une éthique de la relation avec une chaîne biologique où tous les éléments sont solidaires et inclusifs. La nature a encore beaucoup à nous apprendre, dans notre vie sociale, spirituelle et artistique. Elle est centrale et c’est elle qui permet d’harmoniser notre vie sur terre ».
Lucie Pradel, « L’âme du monde. Pour une écocritique du patrimoine culturel » - Hermann/Presses de l’université de Laval, 391 pages.