La cellule investigation de Radio France a révélé ce vendredi 21 avril qu'il a manqué de nombreuses archives à la justice pour pouvoir vraiment comprendre ce que les scientifiques savaient à l'époque. Depuis les années 80, ils alertaient sur les risques de cancer. Interviewé par franceinfo, le maire écologiste de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe et avocat historique des victimes du chlordécone a réagi ce vendredi.
franceinfo : Est-ce que vous êtes surpris par les révélations sur ces documents d'archives retrouvés grâce à une enquête de la cellule investigation de Radio France ?
Harry Durimel : Je ne suis pas surpris du tout parce que depuis le début, nous dénonçons cette connivence entre les affairistes, le business, les industriels, les pollueurs et l'État. Cette découverte [de la cellule investigation de Radio France] met à nu que le fric l'a toujours emporté sur la santé et tout cela porte atteinte à la démocratie et nous nous appliquerons à en faire bon usage.
Il y a eu entrave parce que depuis qu'on a déposé plainte en 2006, toutes les actions pour contrecarrer notre plainte sont venues du ministère public qui généralement défend le bien. Dès le départ, c'est le procureur qui a toujours fait appel. Toutes les entraves sont venues du ministère public et je pense qu'il est temps que l'État se rachète et puisse restaurer la confiance des citoyens dans la justice.
Ces révélations qui s'enchaînent vont faire croire que l'État est un bandit, un délinquant, or je crois en l'État de droit. Il est temps qu'on puisse renouer avec les règles de l'État de droit, avec les valeurs de la philosophie des Lumières qui sont les fondements de la République.
Est-ce que ces nouveaux éléments justifient la réouverture d'une enquête ou d'une nouvelle procédure judiciaire ?
Nous avons fait appel et la cour d'appel de Paris aura à se prononcer sous peu sur ce non-lieu dont nous contestons tous les fondements invoqués par le juge d'instruction et le procureur de la République. Que ce soit la prescription ou encore que l'État ne savait pas.
Aujourd'hui plus que jamais, on sait que l'État sait. Il ne pouvait pas ignorer que c'était du poison qu'on parsemait sur les sols et qu'on retrouve aujourd'hui dans nos corps, dans nos eaux et dans toute notre faune et notre flore. Je pense que cette pollution est systémique.
Je tiens à saluer le travail fait par les magistrats parce que sinon on n'aurait pas su tout ce qu'on sait aujourd'hui sur le chlordécone et non pas 'la chlordécone'. Pour nous depuis le début, on se bat contre le chlordécone. Dans tous les rapports d'expertise, on dit 'le chlordécone', c'est le cas aussi dans les réquisitoires, les ordonnances. C'est l'État qui a mis sur pied cette stratégie sémantique pour faire croire qu'on ne sait pas de quoi on parle. C'est depuis qu'on a porté plainte qu'on parle de 'la chlordécone' qu'on parle d'une molécule. C'est un pesticide où la main de l'homme a voulu nous empoisonner.
L'État a une responsabilité centrale selon vous ?
L'État continue dans cette même logique. Ayant fauté, l'État cherche à dissimuler sa faute. Le ministre Louis Mermaz qui a signé un des arrêtés de dérogation à l'interdiction d'utiliser le chlordécone, quand il a été entendu pendant des heures par les juges d'instruction, a répondu qu'il y a deux ans [seulement] qu'il avait entendu parler du chlordécone. Autrement dit on aurait imité sa signature, à son insu, ce qui constitue un faux en écriture publique et qui serait non-prescrit.
On a tout pour que justice soit rendue aux peuples guadeloupéen et martiniquais. Si nous ne l'obtenons pas, l'État devra prendre ses responsabilités et ériger une loi, mettre en place des dispositifs de prévention et de réparation.