Au Ghana, "l'Année du retour" attire les afro-américains descendants d'esclaves

De nombreux touristes afro-américains se pressent au Ghana pour "l'Année du retour", un voyage en quête de ses racines dans le pays qui fut l'un des plus importants points de départ de la traite négrière. 
La pasteur américaine Roxanne Caleb a les yeux embués en sortant d'un donjon obscur où des esclaves africains étaient détenus avant de traverser l'Atlantique vers les Etats-Unis. "Je n'étais pas prête à voir cela. J'ai le coeur brisé", confie-t-elle à l'AFP alors qu'elle visite le fort de Cape Coast, sur la côte du Ghana. "Je n'arrive toujours pas à imaginer qu'un humain traite un autre être comme un rat", ajoute-t-elle.
 
Une touriste se photographie au fort de Cape Coast, point de départ ghanéen de la traite négrière.

Roxanne Caleb fait partie des visiteurs afro-américains se déplaçant en masse pour l'"Année du retour" du Ghana. Ce sont douze mois pendant lesquels le pays d'Afrique de l'Ouest, qui fut un des importants pays de départ de la traite négrière entre les XVe et XVIIIe siècles, organise des événements pour commémorer le premier bateau d'esclave arrivé en Virginie il y a 400 ans. 
 

Fort Cape Coast


Le fort de Cape Coast, à 150 km au sud-ouest de la capitale Accra, est prisé des visiteurs. Murs blanchis à la chaux, rangées de canons, le fort était une des dizaines de prisons parsemant la côte atlantique où étaient emprisonnés les esclaves avant leur voyage vers le Nouveau Monde. 
 

Parmi les Afro-américains célèbres qui visitent le site historique, une délégation du Congressional Black Caucus, le groupe parlementaire rassemblant les élus de la communauté afro-américaine s'y est rendue le mois dernier, menée par la présidente démocrate de la chambre basse du Congrès américain Nancy Pelosi.
 

Ne pas oublier l'histoire


Pour les touristes, la visite est un rite de passage plein d'émotion. Pour Sampson Nii Addy, agent pénitentiaire de la police de Montgoméry en Alabama, cette visite entreprise avec sa famille a été "éducative". "Je pense que tous les Noirs devraient venir ici apprendre l'histoire et comment les gens étaient traités", a assuré l'homme de 52 ans à l'AFP. "On ne peut pas oublier l'histoire, mais on peut toujours en tirer des leçons", a-t-il ajouté.

Le Ghana, une des démocraties les plus stables du continent africain, tente d'inciter les Afro-américains à découvrir leurs origines, voire à s'installer de manière permanente. En 2009, le président américain Barack Obama avait visité le fort de Cape Coast avec toute sa famille, décrivant l'endroit comme un lieu "de tristesse profonde".
 

Pèlerinage et économie


Avec "l'Année du retour", le pays espère voir augmenter son nombre de visiteurs de 350.000 en 2018 à 500.000 cette année, dont 45.000 Afro-américains. Selon Kojo Keelson qui a été guide dans la région pendant neuf ans, le Ghana attend quelque 830 millions d'euros de recettes touristiques cette année. "C'est comme un pèlerinage. Cette année, nous avons beaucoup plus d'Afro-Américains que les années précédentes". 

Akwasi Awua Ababio, coordinateur des événements de "l'Année du retour", souligne les forts taux d'occupation des hôtels et affirme que "l'enthousiasme est au rendez-vous, nous avons beaucoup de personnes venant des Etats-Unis et des Caraïbes". Selon lui, le Ghana espère stimuler son économie mais aussi convaincre les descendants d'esclaves de s'y installer pour de bon, afin d'aider le pays à se développer. "Nous devons penser à comment les accueillir pour tirer parti de leur expertise et de leurs réseaux", ajoute Akwasi Awua Ababio.