"Pour nous, c’est émouvant que la Guyane existe dans le cadre de cette institution extrêmement prestigieuse qu’est l’académie des Césars" avoue Audrey Jean-Baptiste. "Écoutez le battement de nos images", le court-métrage documentaire qu’elle a réalisé en 2021 avec son frère Maxime concourt en effet ce vendredi lors de la cérémonie des Césars.
S’ils ont déjà été sélectionnés dans plus d’une centaine de festivals autour du monde, dont le célèbre Sundance aux États-Unis, les Césars ont eu saveur particulière pour les deux Guyanais. "C’est un honneur, on n’avait pas du tout prévu d’arriver jusque-là, rit Maxime Jean-Baptiste. Mais c’est important, pour notre travail en tant que cinéaste, mais c’est aussi important pour nous de représenter la Guyane, et cette histoire-là en particulier, des expropriations."
Seize minutes d’archives et de témoignages sur la construction du centre spatial guyanais à Kourou, et surtout une histoire. Celle des plus de 600 Guyanais et Guyanaises expropriés pour mener à bien ce projet. "On a voulu aborder la conquête spatiale française d’un point de vue guyanais, puisqu’on connaissait cette histoire des expropriés" argumente Audrey Jean-Baptiste.
Pour leur première coréalisation, quoi de mieux que ce sujet pour Audrey et Maxime Jean-Baptiste. Le court-métrage s’inscrit dans un appel à projets lancé par le CNES pour faire un film à partir d’images d’archives. "L’année où on a décidé de candidater, le thème était la construction du centre spatial de Guyane à Kourou. On a été tout de suite intéressé tous les deux, assez vite, on s’est dit que c’était l’occasion de travailler ensemble sur un film. » poursuit Audrey.
La mémoire du rapport au spatial en Guyane
"Ce n'est pas juste un film, c’est un lieu où on peut se renseigner sur l’histoire, observe Maxime Jean-Baptiste. Connaitre des faits et mieux comprendre que l’aventure spatiale en Guyane, elle a un prix. Je pense que le film peut aussi faire office d’archives." Pour le frère et la sœur, cette histoire particulière des expropriations, très peu connue de l’Hexagone, évoque plus largement le rapport de fascination et de distance qu’ont les guyanais avec l’aventure spatiale de Kourou. Alors, les témoignages interprétés par la comédienne kouroucienne Rose Martine, côtoient les images d’archives datant de plus de 60 ans.
Au-delà de cette histoire particulière et de l’issue de la cérémonie, c’est la Guyane qu’Audrey et Maxime Jean-Baptiste veulent représenter aux Césars. "De ma vie d’adulte cinéphile, je n’ai pas vu de film guyanais aux Césars, peut-être qu’il y en a eu avant et on n’a pas la mémoire de ça, mais rien que ça au-delà du film pour nous, c'est une grande fierté" conclue Audrey. Sentiment partagé par son frère Maxime, qui espère que le cinéma ultramarin pourra se faire une place plus nette dans le paysage français : "On minimise beaucoup les territoires d’outre-mer, comme des territoires de seconde zone qui n’ont rien à dire alors que pas du tout. Il y a un cinéma, une culture qui est propre. Des désirs et des façons de voir le cinéma, et c’est très important de dire ça".
Les deux jeunes réalisateurs guyanais sont déjà lancés dans leur seconde collaboration, un film documentaire de Maxime, coécrit avec Audrey, sur l’histoire de leur cousin Lucas Diomar, tué à Cayenne en 2012.