Lamia Mounavaraly a 24 ans, Mathilde Lebon 25. La première est de Saint-Denis de la Réunion et travaille pour l’OCDE (organisation de coopération et de développement économiques) à Paris. La seconde vient de Saint-Benoît et s’occupe aujourd’hui de gouvernance de la ville en région parisienne.
Elles sont toutes les deux venues dans l’Hexagone pour leurs études supérieures, à Sciences Po Paris. Un lieu où elles ont pu développer en partie leur engagement.
"En évoluant à Sciences Po et à Paris, on voit qu’il y a beaucoup d’associations et rejoindre une asso devient presque quelque chose d’obligatoire. C’est vrai qu’il y a de choses que j’ai apprises, reconnaît Lamia. Quand je retournais au pays, je voyais que ce n’était pas aussi évident. On a réalisé qu’il y avait énormément de ressources à La Réunion mais qu’elles n’étaient pas forcément bien visibles ou structurées."
Un manque évident
À Paris, elle et Mathilde se sont par exemple engagées dans l’association Politiqu’Elles qui cherche à promouvoir les femmes dans la société et à lutter contre le sexisme. Sensibilisées aux questions d’égalité, elles font le constat qu’il y a un peu partout "un manque évident de représentation des jeunes femmes dans les institutions, dans les médias".
Engagées par ailleurs sur l’île de La Réunion même si elles continuent de travailler en région parisienne, elles ressentent aussi un "manque de réseau de femmes, de réseau intergénérationnel" qui aiderait les jeunes Ultramarines à s’investir dans la vie publique.
Face à cette situation, les deux Réunionnaises décident en janvier 2022 de plancher sur une association qui répondrait à ces besoins. Quelques mois plus tard, en mai, naît "Aujourd’hui Les Citoyennes". Sa mission ? "Donner tous les outils aux jeunes femmes pour qu’elles puissent s’engager dans la vie publique, que ce soit dans les médias, en politique, dans une association", résume Lamia.
Charte remise au ministre de l'Éducation
La première action organisée par l’association a été une formation gratuite d’une semaine à Saint-Denis de La Réunion, en juillet dernier. "On a réuni 15 jeunes femmes entre 18 et 35 ans. Il y avait des cours à la fois théoriques sur la politique nationale et locale, le féminisme d’un point de vue national et local ; et aussi des outils plus pratiques pour construire son engagement, apprendre à parler en public, ou encore du media training", énumère Lamia.
À l’issue de cette formation, les 15 participantes ont travaillé "sur une charte avec 10 recommandations adressées aux acteurs de la vie publique locale". Elles ont d’ailleurs donné une première version de ce document au ministre de l’Éducation Pap Ndiaye, lors de sa visite sur l’île la semaine dernière.
Parmi les recommandations, il y a par exemple le fait de rebaptiser les rues avec des noms de femmes, ériger des statues de femmes importantes, ou intégrer systématiquement la question du genre dans les politiques mémorielles comme celle sur l’émancipation de l’esclavage.
De nouvelles formations
Une nouvelle mouture sera publiée à partir du 26 octobre prochain. Mais à qui sera-t-il destiné ? "On aimerait interpeler le ministère des Outre-mer, pour qu’il sache que des travaux sont entrepris. Mais nos cibles principales sont plutôt les collectivités locales, l’université à La Réunion, des élus, liste Lamia. Notre but, c’est d’ouvrir une fenêtre de dialogue, d’un peu pousser tous les acteurs à voir ce qu’ils font et ce qu’ils peuvent améliorer." Le tout pour engager un travail commun.
Lamia et Mathilde ne comptent pas s’arrêter là. Elles réfléchissent déjà à d’autres modules de formation, plus courts sur un weekend ou en webinaire, pour toucher "des jeunes femmes en activité ou des jeunes mamans qui sont intéressées mais ont des contraintes".
Elles vont aussi organiser un événement à Paris et, pourquoi pas, développer un réseau des Réunionnaises dans l’Hexagone, pour répondre toujours au même mot d’ordre : la solidarité féminine.