Autonomie : pourquoi la Polynésie est-elle présentée comme un modèle pour la Corse ?

Le président Jacques Chirac en compagnie de Gaston Flosse salue des habitants de Papeete, le 26 juillet 2003 au deuxième jour de sa visite officielle en Polynésie.
Le mot a été lâché par Gérald Darmanin suite aux violences de 2022 en Corse : "autonomie". Le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer se rend lundi 6 février sur l'île méditerranéenne. La question du statut du département devrait de nouveau être mise sur la table.

Ce n’est pas forcément le débat auquel on s’attendait lors de l'élection présidentielle, mais par la force des choses et de certaines situations, le mot autonomie a été lancé une première fois par le ministre des Outre-mer de l'époque au sujet de la Guadeloupe fin novembre 2021, en proie à des violences urbaines. Le candidat Emmanuel Macron avait précisé qu’il "n’a[vait] pas de tabou" sur les évolutions institutionnelles.

Mais c’est finalement par un fait divers que le débat sur l’autonomie corse est revenu dans l'actualité, après l’agression en prison du nationaliste Yvan Colonna, impliqué dans l’assassinat du préfet Claude Erignac. Pour répondre à la colère des Corses, le ministre de l’Intérieur s’était rendu sur l’île en mars 2022, évoquant l’hypothèse d’une autonomie. Ce lundi 6 février, Gérald Darmanin se rend en Corse pour rendre hommage au préfet Claude Erignac. La question du statut institutionnel de l'île sera au menu des discussions avec les élus locaux.

Des territoires autonomes dans la République française

Une "discussion historique" pour le Président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, pour qui l’autonomie de son territoire doit être une "autonomie de plein droit et de plein exercice. (…) C’est un statut institutionnel qui existe déjà dans le droit constitutionnel français, même s’il s’applique à d’autres territoires. Je pense par exemple à la Polynésie."

Les collectivités d'Outre-mer régies par le présent article ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d'elles au sein de la République.

Article 74 de la Constitution de la Ve République

Les Outre-mer ont des particularités inscrites dans la Constitution aux articles 73 et 74. L’article 74 s’applique aux collectivités d’Outre-mer. Une loi organique définit le statut particulier de chacune d'entre elles. Elle détermine également les lois qui s’y appliquent. Les assemblées locales peuvent élaborer des règlements, sortes de lois spécifiques aux territoires. Seules les matières régaliennes sont exclues (justice, armée…). Ainsi, la Polynésie française est un "pays d’Outre-mer" au sein de la République française, et la Nouvelle-Calédonie est une collectivité d’Outre-mer à statut particulier.

La Polynésie française, un modèle d'autonomie pour la Corse

Le territoire de la Polynésie française s'administre librement par ses représentants élus. Il est représenté au Parlement de la République et au Conseil économique et social dans les conditions définies par les lois organiques. Le territoire détermine librement les signes distinctifs permettant de marquer sa personnalité dans les manifestations publiques et officielles aux côtés des emblèmes de la République.

Loi du 27 février 2004

La Polynésie française possède un président élu, un gouvernement et une assemblée également élue. Le gouvernement comprend un vice-président et sept à dix ministres, il se réunit en Conseil des ministres, arrête les projets de "loi du pays".

L’assemblée de la Polynésie française est composée de 57 membres, tous élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans. Son rôle est semblable à celui de l’Assemblée nationale, il passe par le vote du budget, contrôle l’action du gouvernement et donne aussi son avis sur les projets de loi métropolitains applicables sur le territoire.

Pour contrôler si les précisions prises par les autorités polynésiennes sont conformes à la loi nationale, un haut-commissaire de la République est sur place. Ce dernier est dépositaire de l’autorité de l’État et représente le Premier ministre et chacun des ministres.

    Les limites du statut

    Mais parce qu’autonomie ne veut pas dire indépendance, de nombreux domaines restent, en Polynésie comme en Calédonie, à la charge de l’État, notamment ceux qui sont régaliens :

    • Le maintien de l’ordre
    • La défense
    • L’immigration
    • La justice

    D’autres relèvent aussi des compétences de l’État comme la fonction publique.

    Néanmoins, ces limites n’empêchent nullement les décideurs locaux de mener des réformes, notamment économiques qui différencient ces territoires de l’Hexagone. En Polynésie française, pour financer la protection sociale qui est actuellement assurée par les travailleurs, le gouvernement de l’archipel a mis en place une TVA sociale active depuis le 1er avril 2022. De ce fait, la TVA locale a augmenté de 1,5%. C’est une différence notable avec l’Hexagone ou la sécurité sociale est financée par les cotisations sociales et l’impôt.

    Un combat commun

    Le président du Conseil exécutif de Corse souhaitait que le "statut d’autonomie de la Corse soit défini avant la fin de l’année" 2022. Mais le dossier est resté gelé depuis.

    La volonté corse a néanmoins reçu le soutien du président indépendantiste du Congrès de Nouvelle-Calédonie, Roch Wamytan. Ce dernier estime que le statut du Caillou pourrait également inspirer les discussions sur l’autonomie de l’île de beauté.

    Je ne suis pas tout à fait étonné de ce qui est arrivé (...) car c'est ce qui se passe quand le pouvoir de tutelle ne veut pas discuter avec des peuples qui sont en lutte pour leur identité, pour leur dignité, pour leur indépendance ou pour leur autonomie.

    Roch Wamytan

    En 2019 déjà, il avait signé une convention de partenariat entre le Congrès de Nouvelle-Calédonie et l’Assemblée de Corse.