"En d’autres termes, nous avançons !" L’association Décoloniser les arts répond aux critiques

De gauche à droite sur la photo : Leïla Cukierman, Gerty Dambury et Françoise Vergès.
Face aux attaques lancées contre le courant de pensée dite décoloniale, l’association Décoloniser les arts, fondée notamment par des artistes d’Outre-mer, fait front et affirme avancer.
 
En septembre 2018, des membres de l’association Décoloniser les arts (DLA) publiaient chez L’Arche Editeur l’ouvrage collectif "Décolonisons les arts !", sous la direction des artistes et écrivaines Leïla Cukierman, Gerty Dambury (Guadeloupe) et Françoise Vergès (La Réunion). Ce livre, rassemblant les contributions de quinze créateurs issus d’univers différents, dont des Outre-mer, s’attachait à déconstruire et analyser le racisme et les discriminations dans le monde de la culture en France, et proposait des solutions précises pour remédier à cette situation.
 

Nouveau courant de pensée

Cette initiative s’intégrait plus généralement à un nouveau courant de pensée et de recherches universitaires dénommées décoloniales en France, qui existent également depuis les années quatre-vingt dans les pays anglo-saxons. Face à ces émergences, une riposte politique s’est progressivement organisée, prenant dernièrement la forme d’un "appel de 80 intellectuels", qui ont publié dans le journal Le Point en décembre une tribune intitulée "Le ‘décolonialisme’, une stratégie hégémonique". Parmi les signataires, les philosophes Elisabeth Badinter et Alain Finkielkraut, l’académicien Pierre Nora et le journaliste Bernard de La Villardière, entre autres.

"La stratégie des militants combattants "décoloniaux" et de leurs relais complaisants consiste à faire passer leur idéologie pour vérité scientifique et à discréditer leurs opposants en les taxant de racisme et d'islamophobie. D'où leur refus fréquent de tout débat contradictoire, et même sa diabolisation. D'où, également, l'utilisation de méthodes relevant d'un terrorisme intellectuel qui rappelle ce que le stalinisme avait naguère fait subir aux intellectuels européens les plus clairvoyants", relevait notamment cet appel.
 

Attaques

Devant ces attaques, l’association Décoloniser les arts (DLA) a tenu à réagir. Dans un texte qu’elle a fait parvenir à La1ere.fr, DLA rappelle "que des forces résistent en France à la décolonisation n’est pas nouveau. Pour autant, nous devons les analyser dans leurs formulations actuelles. (…) De droite comme de gauche, ces groupes ne sont pas très nombreux mais bénéficient d’une grande bienveillance de la part des médias et des maisons d’éditions. Il faut, disent les membres de ces groupuscules, contenir un complot qui viendrait des États-Unis et qui mettrait en danger l’édifice de la civilisation européenne. Pas moins !"

"Qu’elles et ils ignorent que des autorités scientifiques de leur propre monde (français), ayant reçu une éducation française, des diplômes français, travaillant dans des institutions françaises prestigieuses - Collège de France, INSERM, universités, CNRS - ont développé une critique de l’universalisme occidental, nous stupéfait", poursuit DLA. "Que ce soit à nous de le leur rappeler est d’autant plus ironique, nous les prétendus "indigénistes", "racialistes" et "communautaristes".
 

"Représentations discriminatoires"

Dans ce texte ayant pour titre "En d’autres termes, nous avançons !", l’association rappelle ses objectifs : la décolonisation des esprits, et "comprendre comment s’étaient insinuées en nous des images, des représentations, des points aveugles, une ignorance de notre propre histoire, un manque d’outils théoriques. Et encore l’état des lieux du monde des arts et de la culture : Qui était à la direction ? Qui travaillait dans les coulisses, qui nettoyait, gardait les lieux ? Quelles programmations étaient proposées ? Quelle place dans les écoles d’art, de théâtre, de cinéma et de musique était donnée à ce qui a pris le nom de 'diversité' ?"

"L’analyse des représentations discriminatoires ne se limite pas pour nous à la ‘déconstruction des imaginaires’ ou à la dénonciation des images", précise DLA. "Nous voulons comprendre l’économie de leur production et de leur diffusion, comment se fabrique la précarisation économique dans le monde artistique et culturel, les effets psychiques de cette économie de la précarisation : épuisement des énergies, compromission devenue inévitable, coût (financier, psychique et physique) de l’intégration déguisé en progrès, et comment se fabrique le consentement, aussi parmi nous, à un régime d’inégalités, de hiérarchie".  

"En d’autres termes, nous avançons !" Lire l’intégralité du texte de DLA ci-dessous