Dans le petit monde de l'aviron en salle, Kévin Scott est connu comme le loup blanc. Lorsque le Polynésien s'installe pour sa course sur 2 000 mètres, le speaker s'attarde longuement sur la présence de ce rameur venu de loin. Le public applaudit. Kévin, 39 ans va se classer quatorzième des championnats d'Europe. Huitième français. "6 minutes 40 secondes, nous confie-t-il. Ça va. Je l'ai joué prudent car j'ai eu très vite mal aux jambes. Il y avait un Allemand à côté de moi. Christian Alm. Très efficace. J'ai suivi son rythme." Pas de podium pour le rameur du CAP Marara Tahiti. La veille, l'autre rameur du club, Carlos Balana avait pris la quatrième place nationale sur le 500 mètres des 60/69 ans. Pas de médaille non plus. Mais il n'empêche que depuis quelques années, l'aviron indoor polynésien a pris une autre dimension.
Deux mois juste pour aider
1er juillet 2016. Kévin Scott reçoit une offre plutôt inédite : partir deux mois en Polynésie pour encadrer des stages dans l'unique club d'aviron du territoire. "Il n'y avait que vingt licenciés. Le club venait de recevoir des bateaux en provenance de Nouvelle-Zélande. Mais sans la moindre connaissance pratique." L'essai de Kévin se révèle concluant. On lui propose même de rester sur place. Kévin accepte. Le passionné va transmettre sa passion. Six ans et demi plus tard, la Polynésie compte huit clubs et pas moins de 350 licenciés. + 1 650 % !
Comment expliquer ce succès soudain ? "Déjà, on ne s'est jamais positionnés en concurrent de la pirogue, du paddle ou du surf. Ensuite, l'aviron indoor permet à des rameurs de niveaux très divers de s'entraîner ensemble. C'est plutôt rare." Sans oublier que Kévin Scott est un grand fan du système éducatif anglo-saxon. "La compétition n'est pas une fin en soi. Elle doit juste permettre de se surpasser. Alors qu'en France, on souffre de "championnites". Il faut être LE champion. Sauf que tout le monde ne peut pas être LE champion ! Heureusement en Polynésie, on se fait plaisir avant tout."
La Polynésie se laisse tenter
Sur un territoire tourné vers la mer, Kévin a fait le pari un peu fou de l'aviron indoor. Un pari gagné malgré les idées reçues. "Dans un club nautique, l'aviron en salle, c'était souvent la punition. Tu te retrouvais sur la machine parce qu'il y avait trop de vent ou qu'il faisait trop froid. Bref, c'était souvent associé à quelque chose de négatif." Alors le directeur technique fédéral a beaucoup travaillé. Seul. Dans son coin. "C'est vrai que les entraînements proposés il y a quelques années, avaient un côté lassant. J'ai échangé avec des rameurs étrangers. Et j'ai commencé à développer de nouveaux contenus."
Car Kévin Scott a également un côté geek. Revendiqué. Il sait créer des applications spécifiques. Ou enrichir celles qui existent déjà. Comme la célèbre Kinomap, l'appli d'entraînement indoor interactive. "J'ai tourné des vidéos en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie. Elles sont maintenant sur le site. Le rameur peut ainsi s'entraîner chez lui en ayant l'impression de ramer sur le lagon. Une belle façon de promouvoir l'aviron et les territoires du Pacifique."
Tendre la main aux jeunes
Pour Kévin, l'aviron indoor constitue l'activité idéale. "Le sport santé par excellence. Bien pratiqué, il n'y a aucun risque de blessure. Le cœur travaille. Tu transpires. C'est parfait." Un sport idéal qui peut aussi avoir un rôle sociétal. Face à la montée de l'obésité chez les jeunes Polynésiens, Kévin a lancé l'appli Calorie Quest. "C'est une façon de sensibiliser notre jeunesse qui enchaîne les Coca à longueur de temps. L'application leur permet de dépenser les calories du soda ingurgité sur le rameur. Sauf qu'ils s'y mettent à trois ou quatre et en douze minutes, ils n'y arrivent pas ! J'espère que ça leur fait un électrochoc. Le Coca est facile à consommer mais très difficile à effacer."
Autre projet : un championnat de Polynésie scolaire d'aviron indoor. Dès 2023. Pour encore mieux profiter de l'année olympique à venir. "Nous souhaitons organiser un challenge entre écoles. Six ou sept établissements scolaires sont déjà équipés de rameurs. L'équipe championne se retrouverait aux championnats de France en janvier 2024." Kévin Scott n'en a donc pas fini avec les envies. Les idées. L'an prochain, la délégation polynésienne devrait logiquement être plus étoffée qu'en 2023. "L'ambition est simple : créer un véritable échange. Un moment de partage. Et continuer à faire rayonner la Polynésie dans le petit monde de l'aviron."