Aux îles Marshall, un sarcophage nucléaire inquiète les Etats-Unis

Dôme de protection des déchets nucléaires sur l'atoll d'Enewetak aux îles Marshall.
Le Congrès américain a récemment exigé une enquête sur un grand dôme en béton rempli de déchets nucléaires, menacé par la montée du niveau de la mer. La décharge se situe à 3.600 kilomètres au nord de la Nouvelle-Calédonie.
 
Surnommé "la tombe", le grand dôme en béton abrite la décharge nucléaire des îles Marshall. Il contient dans sa fosse des tonnes de déchets radioactifs provenant de dizaines de tests de bombes atomiques américaines effectués pendant la guerre froide. Le Congrès américain a souhaité que le ministère de l'Énergie rédige un rapport sur l'état du dôme de béton vieillissant, dans un délai de six mois. La demande fait partie d'un grand projet de loi sur la défense approuvé par le président Trump.

Environnement
Avant les essais nucléaires, dans les années 1940 et 1950, les habitants de l’atoll d’Enewetak ont été exilés et transférés sur des îles voisines. Aujourd’hui, seules trois des 40 îles de l’atoll ont été qualifiées de sûres pour la vie humaine. Elles hébergent actuellement environ 650 résidents. L’île sur laquelle se situe le dôme, Runit, reste bien entendu inoccupée. Le niveau de la mer autour des îles Marshall augmente. D’ici 2030, il pourrait être entre 3 et 16 centimètres plus élevé qu’aujourd’hui, ce qui entraînerait davantage d’inondations côtières. D’ici 2100, le dôme et ses déchets pourraient être entièrement submergés.

Nucléaire
Plus de 40 essais d'armes nucléaires ont eu lieu sur ou près de l'atoll d'Enewetak, un ancien site américain d’essais nucléaires dans le Pacifique entre 1946 et 1958, y compris une explosion nucléaire sur l'île Runit. Le cratère formé par l’explosion a été utilisé à partir des années 1970 pour stocker les déchets nucléaires. Il a ensuite été recouvert de dalles de béton pour former un dôme protecteur de 115 mètres. Mais le fond de la fosse n’aurait pas été recouvert de béton. Les marées montantes pourraient donc amener l’eau de mer à s’infiltrer dans le sarcophage…

Inquiétude
Le gouvernement américain (US Department of Energy) a pris la mesure du risque. Il craint que la structure ne se détériore et ne soit vulnérable à l'élévation du niveau de la mer causée par le changement climatique. Le secrétaire à l'Énergie, Dan Brouillette, doit établir un rapport qui sera remis aux comités concernés de la Chambre et du Sénat. Il doit présenter "un plan détaillé pour réparer le dôme afin de s'assurer qu'il n'aura pas d'effets néfastes sur la population locale, l'environnement ou la faune". Le rapport doit également évaluer l'état extérieur de la structure et les effets potentiels de la radio activité sur l'environnement dans un contexte d’élévation du niveau de la mer. L'état du dôme a été mis en cause dans une récente enquête du Los Angeles Times. Le grand quotidien de la côte Ouest a également révélé l'envoi de 130 tonnes de sols contaminés par la radio activité depuis les terrains d'essais nucléaires du Nevada (photo) jusqu’aux îles Marshall.
Ancien site d'essais nucléaires dans le Nevada.
Essais
Des dizaines d'essais à la bombe atomique ont eu lieu aux Îles Marshall, dont un au large de l'atoll de Bikini en 1946. Le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, s'est dit préoccupé par le "risque de fuite de matières radioactives" après avoir rencontré la présidente des Îles Marshall, Hilda Heine, en mai 2019. L'amendement au projet de loi sur la défense a été présenté par la députée démocrate de Hawaï, Tulsi Gabbard, qui est en course pour devenir la candidate démocrate aux élections présidentielles de l'année prochaine. "Le gouvernement américain est responsable de ce site de stockage et doit assurer la protection des personnes et de notre environnement contre les déchets toxiques qui y sont stockés", a-t-elle déclaré. Au moment des essais nucléaires, les Îles Marshall étaient un territoire créé par l'ONU mais administré par les États-Unis. Il est indépendant depuis 1979.