L'odeur du pétrole empeste l'air, les champs sont maculés d'une boue noire: une semaine après les dévastations de l'ouragan Dorian, l'île de Grand Bahama est confrontée à une marée noire qui complique davantage les efforts de reconstruction
La1ere avec AFP •
Au cataclysme climatique s'est ajouté une catastrophe environnementale quand les vents violents se sont abattus sur le dépôt pétrolier de la société norvégienne Equinor, situé à six kilomètres à l'est du village de High Rock. Une partie des toits en aluminium de cinq des dix cuves du terminal se sont envolés et deux de ces cuves ont été transpercées, laissant s'échapper le pétrole, a indiqué Erik Haaland, un porte-parole de Equinor.
"Un poison"
Le pétrole "est mortel, mortel", martèle Marco Roberts, 38 ans, un masque à la main. "La pollution rentre" dans le sol, polluant la nappe phréatique et "on ne peut plus utiliser l'eau pour se laver ou la boire", ajoute-t-il. Il évoque un "poison" en rappelant que du pétrole s'est déjà infiltré dans le sol, mélangé à la pluie qui est tombée la veille.
Entre les décombres de ce qu'étaient leurs maisons, une dizaine d'habitants du village de High Rock, sur la côte sud de cette île des Bahamas, ont monté une tente sous laquelle ils partagent l'aide d'urgence venue de Nassau.
Près de son terminal pétrolier de South Riding Point, la terre est recouverte d'une pâte noire et visqueuse, et l'air est empli de l'odeur entêtante du combustible. Les parois des cuves sont couvertes du pétrole qui s'est déversé sur le sol. L'étendue de la pollution est toujours inconnue, et on ne sait pas si le pétrole a atteint les eaux de l'océan Atlantique.
"Pas aussi idiots"
Sur la plage à proximité, Joseph Darville cherche à savoir si le pétrole a atteint la mer. Les eaux ont retrouvé leur calme et leur couleur turquoise intense, mais le paysage paradisiaque est gâché par la végétation endommagée et les débris laissés par l'ouragan de catégorie 5. Ce militant de l'ONG écologiste Waterkeepers Bahamas s'était farouchement opposé à la construction de ce terminal, sur une côte où les habitants sont dépendants du tourisme, de la pêche et où la nappe phréatique n'est qu'à un mètre sous la surface.
Les poissons qui nagent près de la plage sont un bon signe, pour le moment, dit-il. Ils viennent de la "magnifique barrière de corail", à cinq kilomètres de la côte, peuplée de vivaneaux, mérous, bananes de mer et autres homards, une industrie qui pèse 7 milliards de dollars selon lui. La marée noire "est un signe pour que nous ne soyons pas aussi idiots dans l'avenir", conclut-il.