Bataille de Bir Hakeim : il y a 80 ans, le Bataillon du Pacifique écrit son histoire en Libye

Un groupe du Bataillon du Pacifique sur un Bren-Carrier, le caporal André Doucet à la guitare
Il y a 80 ans, en pleine Seconde Guerre mondiale, la bataille de Bir Hakeim faisait rage dans le désert libyen. Du 27 mai au 11 juin 1942, 600 volontaires du Pacifique, Tahitiens et Calédoniens notamment, se sont battus aux côtés des forces françaises libres face à la célèbre Africakorps de Rommel. À l'occasion de l'anniversaire de ces combats, zoom sur le Bataillon du Pacifique et ses héros des Outre-mer.

Regardez "Le bataillon du Pacifique : 1942, ceux de Bir-Hakeim !" (16 minutes)

Il y a 80 ans, en pleine Seconde Guerre mondiale, la bataille de Bir Hakeim faisait rage dans le désert libyen. Du 27 mai au 11 juin 1942, 600 volontaires du Pacifique, Tahitiens et Calédoniens notamment, se sont battus aux côtés des forces françaises libres face à la célèbre Africakorps de Rommel. À l'occasion de l'anniversaire de ces combats, zoom sur le Bataillon du Pacifique et ses héros des Outre-mer. ©Outre-mer la 1ère

En mai 1941, 600 militaires du Pacifique partent de Tahiti, puis de Nouméa. Ils composent le Bataillon du Pacifique et viennent de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie, des Nouvelles-Hébrides. Après quelques mois de formation militaire en Australie, ils se retrouvent en 1942 au cœur du désert Libyen, à Bir Hakeim, point stratégique de défense des alliés vers la route de l’Egypte. Ensemble, ils vont résister 15 jours aux assauts de Rommel et de son Africa Korps. Bir Hakeim est le premier échec de l’armée allemande. 80 ans après, les rares survivants témoignent, leurs descendants racontent dans une série de quatre reportages que nous ferons vivre sur plusieurs semaines.

  • Episode 1 - La naissance du Bataillon
  • Episode 2 - La bataille démarre
  • Episode 3 - De l’héroïsme à la mort !
  • Episode 4 - La mémoire intacte
Nouméa le 3 mai 1941, lors de la prise d'armes avant le départ du Bataillon

En 1940, les établissements français de l’Océanie, qui deviendront Tahiti après la guerre, et la Nouvelle-Calédonie sont administrés par des gouverneurs aux ordres du régime de Vichy.  Mais à Papeete en 1940, la vie est tranquille. Un jeune officier de la "Coloniale", originaire du sud de la France, va changer pas mal de choses dans ce calme ambiant. Il s’appelle Félix Broche.

Félix Broche, Commandant de la compagnie autonome d'infanterie coloniale autonome de Tahiti

Nous rencontrons François Broche au Musée de l'Ordre de la Libération à Paris. Historien et spécialiste de la seconde guerre mondiale, il s'installe dans un fauteuil et nous raconte l'histoire de son père, qu’il n’a jamais connu, et la genèse du Bataillon. "Capitaine des tirailleurs sénégalais en poste à Tunis, mon père est nommé Commandant de la compagnie autonome d'infanterie coloniale autonome de Tahiti (CAICT). Il arrive à Papeete en juillet 1939 et il a le coup de foudre pour cette île. En juin 1940, c'est l'armistice, mon père est furieux car il est officier de carrière et n'a pas eu l'occasion de se battre. Il a connaissance de l'appel du général de Gaulle, et Tahiti se rallie en septembre à la France libre, peu de temps après les Nouvelles-Hébrides et la Nouvelle-Calédonie.
Désireux de combattre sur le sol français, il demande son rappel qui lui est refusé, il va alors recruter une troupe de volontaires Polynésiens pour combattre avec les alliés. Il rencontre les chefs coutumiers locaux qui se retirent dans la montagne près du mont Aorai pour interroger les esprits, et ces chefs vont donner leur assentiment à mon père."

Il va recruter une troupe de volontaires polynésiens, avec l'accord des chefs coutumiers, pour qu'ils puissent combattre avec les alliés.

François Broche

Episode 1 - La naissance du Bataillon

Le vieux chef de Papenoo, Tetileroo Teriierooiterai, déclare alors : "On ne peut pas rester sans continuer la lutte, le popa [le blanc, ndlr] mènera le Tahitien là où il doit aller. Les esprits de la vallée, les esprits de la mer sont à nos côtés pour la lutte, et les dieux farouches qui hantent nos hauts sommets, sont descendus pour nous soutenir dans la grande bataille. Le vent qui se lève, c’est celui de la guerre des Maoris, jusqu’à la victoire il soufflera et chassera la brise parfumée de nos soirées heureuses. Jusqu’à la victoire, nous ne penserons plus qu’à la guerre." 

300 Tahitiens s'engagent dont Jean Roy Bambridge, John Martin, William Grand ainsi que Pea Tutehau qui compose le chant devenu célèbre des Tamarii volontaires. C'est près de la batterie de défense de 65 qui garde l'accès de la baie de Papeete que les jeunes Polynésiens reprennent ce chant :
"Nous sommes les enfants de la batterie, que tu as appelé, nous obéissons à la loi de notre mère patrie, nous voici tes enfants que tu as appelé et qui ne connaîtront de repos que sur le champ de bataille." 
Ces futurs soldats fiers de leurs coutumes vont traverser la guerre avec leurs guitares et leurs chants, ce qui leur vaudra le surnom de bataillon des guitaristes que leur donneront les Britanniques.

Les Polynésiens du Bataillon du Pacifique


François Broche continue son récit : "En octobre 1940 le général De Gaulle nomme mon père Commandant supérieur des troupes du Pacifique, lesquelles troupes n'avaient pas encore d'existence. Mais il avait obligation de rejoindre son poste à Nouméa, la capitale du Pacifique à l'époque."

Sur place, le désormais Commandant Broche lève un deuxième corps de 300 volontaires calédoniens composé en grande partie de caldoches, de métropolitains ou de "broussards" qui avaient participé activement au ralliement du Caillou à la France libre. Le bataillon du Pacifique est alors constitué de 600 hommes. A Londres le général De Gaulle a vent de l’affaire, il ne tarde pas à grossir cet évènement, en maître de la communication qu’il est.
"Nous savons aujourd'hui que, sous l'impulsion de leur chef, les colonies françaises du Pacifique mettent sur pied de vastes ressources et des hommes dont on entendra parler. De Sidney à Papeete en passant par Nouméa, on veut la même victoire !"  

Regardez l'épisode 1 de notre série sur la naissance du Bataillon du Pacifique : 

1er épisode de la série "le Bataillon du Pacifique à la bataille de Bir-Hakeim" ©Outre-mer la 1ère

Le goût de l’aventure  

Qui sont ces hommes, pourquoi s’engagent-ils ? L’étude socio démographique effectuée par Yacine Benhalima, auteur du Bataillon du Pacifique (l'Harmattan) et arrière-petit-fils de William Grand, nous permet d’y voir plus clair. "Les Polynésiens qui s’engagent proviennent des classes sociales populaires, il y a des pêcheurs, des marins, des ouvriers, des chauffeurs, des employés. Ils viennent s’engager spontanément à l’appel du capitaine Broche. La plupart faisant partie de la compagnie qu’il avait commandée, ils avaient fait leur service militaire puis avaient été démobilisés. Ils ne comprennent pas que la guerre ne puisse continuer sans qu’ils aient combattu. Mais la plupart d’entre eux n’avait jamais quitté l’Océanie et avait en eux ce goût de l’aventure." 

Et François Broche de rappeler  : "Pour eux mon père représentait le Metua, le père, le surnom qui lui a été donné par les Polynésiens. Il faisait l'unanimité auprès de ses hommes qui avaient toute confiance en lui. Il n’était pas qu’un soldat mais un animateur et médiateur de la vie sociale et militaire de ses hommes." 

Jeunes et insouciants  

La plupart de ces jeunes Pacifiens n'ont pas encore 20 ans lorsqu'ils embarquent en mai 1941 sur le paquebot Monowai. C'est notamment le cas de Ari Wong Kim âgé de 16 ans qui usurpe l'identité de son frère pour pouvoir partir à la guerre. "On était fous, on partait se promener", nous confie-t-il 81 ans plus tard. Ari Wong Kim est le dernier survivant du Bataillon du Pacifique. Chevalier de la Légion d’honneur, il vit désormais dans un Ehpad dans le Calvados.

C'est aussi un déchirement pour beaucoup d'entre eux, dont le jeune John Marcel Faatae Temariihuriariitehuiupooivaea Martin qui n'a que 18 ans et auquel sa mère signe une dérogation.

En 1967 lors de sa rencontre avec François Broche, John Martin se souvient du moment du départ : "Maman me donne une enveloppe et me demande de ne l'ouvrir que lorsque l'on ne verrait plus la terre tahitienne à l'horizon.

Cette lettre de ma mère, je l'ai ouverte au large, et ce fut pour moi une révélation. Revenir sur mon île est devenu alors une idée fixe."

John Martin

Le Bataillon des Guitaristes, Francois Broche, ed Fayard

John Martin et sa mère

Roland Martin, son fils, que nous avons joint à Tahiti, nous rappelle que lorsque John a lu la lettre, il a eu envie de sauter par-dessus le bastingage et de rejoindre à la nage. "Mais il voulait y aller car il avait en lui ce sentiment patriotique d'un devoir à accomplir."  Sa mère lui disait n'avoir rien voulu lui montrer : "Ça me fait de la peine de me séparer de toi mon fils unique, je ne voulais mettre aucune entrave à ta décision. Fais bien attention à toi, mon fils, reviens moi car j'aurai trop de peine de ne plus te revoir."

Les Calédoniens suivront quelques semaines plus tard. Jean Tranape vient de terminer son service national, il est incorporé au Bataillon à l’automne 1940. Issus d’une vieille famille calédonienne, les frères Porcheron vont s’engager le 3 mai, deux jours avant le départ, le jour où Henri Sautot, gouverneur de Nouvelle-Calédonie, remet à Félix Broche le fanion du Bataillon lors d’une prise d’armes à Nouméa.

Quelques cameramen amateurs immortalisent l’instant sur leur pellicule 16 mm Kodak, Auguste Mercier et Jean Vergé seront des passeurs d'Histoire. Les Calédoniens dans leur uniforme de la Première Guerre mondiale avec leurs casques coloniaux défilent aux cotés des Polynésiens, très élégants dans leur uniformes cousus par la communauté chinoise de Tahiti. "Nous étions impeccables dans nos tenues beige clair, shorts gris foncé, molletières, chaussures et calots bleus. Les Calédoniens eux font peine à voir avec leurs vieux uniformes", se souvient avec une pointe d’ironie Jean Roy Bambridge. On connaît la rivalité ancestrale entre Calédoniens et Tahitiens, mais tous seront unis dans le désert Libyen.  

Les troupes calédoniennes du Bataillon du Pacifique

Le 5 mai 1941, renforcé par les volontaires Calédoniens et des Nouvelles-Hébrides, le Bataillon du Pacifique quitte Nouméa au complet pour Sydney en Australie à bord du paquebot le Zealandia. Ils ne savent pas qu'ils ne reverront pas leurs îles de sitôt. Ils partent non seulement à l'aventure, mais aussi vers la guerre. 156 d’entre eux y laisseront leur vie.        

Episode 2 - La Bataille démarre

La chenillette Britannique Bren Carrier, engin d'attaque léger préféré des Pacifiens et de la Légion

Le Bataillon du Pacifique, après sa formation militaire de plusieurs mois en Australie, rejoint le Moyen Orient au début de l’année 1942. Le général Koenig va ainsi pouvoir déployer sa Brigade Française Libre dans le désert Libyen sur le point de Bir Hakeim, en Arabe le puits du vieillard. Le but premier, freiner la progression Allemande qui envisage de s’ouvrir la route du canal de Suez. Car en détenant ce passage de la mer Méditerranée, Hitler pourra continuer son expansion dans cette partie du monde et s’ouvrir la porte vers le pétrole.

Le duel est à un contre dix entre les "Free French" et l’Afrika Korps du "Renard du désert", le Maréchal Erwin Rommel, sans doute le meilleur militaire allemand de la seconde guerre mondiale. Hitler vient de le nommer Maréchal après la première victoire à Tobrouk. Les gars du Bataillon du Pacifique vont vite se trouver engagés dans des opérations de harcèlement des forces de l ‘Axe, avec les Jock Columns. Ce sont des petites unités de combat très mobiles, idéales dans cette tactique de guerre du désert.

Les Pacifiens autour d'un canon de 75 dans le désert rocailleux de Bir Hakeim.

Mais petit à petit l’étau va se resserrer autour d’eux et Rommel, le 27 mai déclenche les opérations d’encerclement en attaquant d’abord Bir Hakeim par l’Est avec la divivion blindée italienne Ariete. Tirailleurs africains du Bataillon de Marche numéro 2, la plupart Centrafricains, artilleurs du 1er régiment d’Artillerie, légionnaires de la 13ème demi Brigade légère, et Pacifiens du Bataillon du Pacifique se retrouvent dans le "Chaudron", côte à côte sur leurs positions, après avoir creusé des trous dans le désert rocailleux pour se protéger. Ils résistent au premier assaut en détruisant 35 chars. Un autre survivant de cette bataille, le Fusilier marin Paul Leterrier, 101 ans qui vit à Cherbourg, se rappelle de la présence des Calédoniens et des Tahitiens.

Ces Néo-calédoniens et ces Tahitiens, tous autant qu'ils étaient, c'étaient des armoires à glace, des costauds. Ils étaient gonflés, je m'en souviens. Je les ai bien connu lorsque j 'ai été blessé et évacué à Alexandrie.

Paul Leterrier, survivant de Bir-Hakeim

Les Pacifiens, que Koenig attendait avec impatience, plient sans rompre, et vont attaquer la position de Rotonda Signali le 2 juin avec les Légionnaires. Ils subissent déjà beaucoup de pertes, mais Bir Hakeim est encerclé par les forces de l’Axe. Le général Koenig et le Lieutenant-Colonel Broche parviennent  à communiquer grâce a l’utilisation de la langue polynésienne de leurs opérateurs radios, Snow et Thunot,ordonnant le repli vers la position initiale. Allemands et Italiens sont bernés. Mais le plus dur est à venir pour ces magnifiques combattants dans le désert Libyen.

Regardez le deuxième épisode de notre série : 

Nous continuons notre série sur les 80 ans de Bir Hakeim, cette célèbre bataille du désert Libyen pendant la seconde guerre mondiale, avec le Bataillon du Pacifique engagé aux côtés des forces françaises libres face à l 'Africa Korps du maréchal Rommel A un contre dix les Français vont résister, mais lorsque Rommel lance l 'attaque du 27 mai, la situation est délicate pour les soldats Calédoniens et Tahitiens. Eric Cintas, avec Victor Bachtik et Gilles Dagneau, nous raconte ce deuxième épisode.

Episode 3 - De l’héroïsme à la mort !

Les Pacifiens au lendemain de la sortie de l'enfer.


A partir du 6 juin 1942, l’assaut des Allemands s’intensifie sur Bir Hakeim, qui résiste toujours. Mais à quel prix ? Engagés dans la même batailleque les Pacifiens et les légionnaires, les artilleurs du 1er Régiment d’Artillerie et les tirailleurs du Bataillon de Marche numéro 2 (Oubangui Chari) voient s'abattre sur eux des hordes de stukas. Les positions françaises sont bombardées par la Luftwaffe.

La position commence à ressembler à un paysage lunaire, avec des cratères de bombes et ses trous d'obus qui donnent une pénible impression de désolation

Caporal Roger Ludeau

Les carnets de route d'un combattant calédonien du Bataillon du Pacifique

Les Free French tiennent face à l’assaut

En fait, si les Français s’en sortent tant bien que mal, c’est surtout grâce à l'ingéniosité du général Koenig, qui, ancien de la Grande Guerre, se rappelle qu’un soldat caché est un soldat qui survit. ll fait creuser des trous isolés à tous les soldats, pour éviter de subir les bombardements et mieux répondre aux attaques des chars et de l’artillerie allemande.

Bir Hakeim sous les bombes.

Le 8 juin, le maréchal Rommel fait venir des renforts avec des chars lourds et des canons de 88. Il lui faut Bir Hakeim. "Le sort de mon armée en dépend", dira-t-il plus tard. Malgré des réserves d’eau épuisées, les gars du BP 1 font encore un coup extraordinaire. Un groupe de Calédoniens mené par l’aspirant Jean Bellec avec Jean Tranape va rapporter cinq camions britanniques remplis de ravitaillement, en traversant les lignes italiennes.

La mort du Métua, Félix Broche

Mais le 9 juin, un coup du sort, qui était en réalité un vrai coup préparé des Allemands, va tomber sur le tête des Pacifiens. Le Metua (le Père) comme le surnommaient affectueusement les Polynésiens, Félix Broche, est tué avec son adjoint le Capitane Gaston Duché de Bricourt, par un obus qui visait très précisément l’abri où ils se trouvaient. Lui qui aura conduit ses hommes de la Polynésie à la Nouvelle-Calédonie jusque dans le désert de Libye ne verra pas la fin de cette bataille. Aussitot Koenig nomme Jacques Savey commandant du Bataillon du Pacifique.

Mon Pc est devenu invivable, un canon de 88 Allemand n'arrête pas de nous prendre pour cible

Lieutenant-Colonel Félix Broche

par liaison radio au PC Koenig



Le Lieutenant-Colonel Broche (à gauche) et le Général Koenig à Bir-Hakeim échangeant avant l'assaut.

Seul l'aide de camp de Broche, un jeune Tahitien du nom de William Grand, survit à ce coup de canon. Cette nouvelle va semer le trouble dans le Bataillon du Pacifique. Tous vont pleurer leur chef. Mais la guerre continue.

L’exploit, la sortie de vive force

A court de vivres et de munitions, il est alors temps de sortir pour les troupes françaises. Le général Koenig décide une sortie de vive force, les armes à la main, sans rien laisser aux Allemands. Ni munitions, ni carburant, ni matériel. Tout sera détruit. Seuls les blessés graves avec du personnel médical resteront à l’intérieur de la position.

Cette sortie s’effectuera par la porte Sud-Ouest, à l’emplacement du Bataillon du Pacifique. 75 % des hommes et du matériel s’extraient du chaudron de l’enfer, pour rejoindre les lignes anglaises à l’Azimut 213, à 7 kilomètres au Sud-Est de Bir Hakeim. Sur un couloir de 70 mètres déminé, alors que 200 avaient été demandés, toutes les troupes vont s’engager dans ce mince couloir, le Bataillon du Pacifique juste derrière la Légion Etrangère.

Ari Wong Kim, se souvient de ce désert Lybien où il était face aux Allemands et aux Italiens. Il a réussi lui aussi à se sortir de la position alors que les deux camions où il avait pris place ont sauté sur une mine. 10 Tahitiens perdront la vie dans cette sortie pas lui .

J'ai eu de la chance, beaucoup de chance. C'était la nuit, c'était la pagaille. Il n 'y avait plus de chefs et nous étions livrés à nous-même"

Ari Wong Kim

Tamari'i Volontaires, JC Shigetomi

Plus de 2000 fantassins s’avancent. Très vite les Allemands découvrent le pot aux roses. Les fusées éclairantes sont lancées, l’enfer se déchaine. Une rafale de mitrailleuse touchera John Martin le Polynésien, mais ne fera que percer sa boite de fromage, qui le sauve. Le nouveau chef du Bataillon, l’aumônier militaire Jacques Savey nommé au lendemain de la mort de Broche, n’aura pas cette chance. Une rafale de mitrailleuse italienne le tue.

Les Pacifiens se désaltèrent avec de la bière anglaise.


Ils ont tenu quinze jours. Il sortent de la position et rejoignent les colonnes Britanniques. Les hommes sont fatigués, hirsutes, épuisés mais beaucoup ont le sourire aux lèvres en voyant les premiers photographes. Ils savent que ce coup d'éclat est une démonstration militaire et que les FFL peuvent s'inviter désormais à la futur table des vainqueurs. Car tout ne s'arrêtera pas dans le désert.

Les Free French vont continuer le combat, soldats du Bataillon du Pacifique en tête. Le bilan est lourd pour les Pacifiens, 40 hommes y laisseront leur vie. Ils vont continuer la lutte, libèreront Rome en juin 1944, puis feront partie du débarquement en Provence en août 1944. 175 d’entre eux ne reviendront pas dans leurs îles.

Regardez le troisième épisode de notre série : 

Après la première offensive du 27 mai, les forces de l'Axe continuent d'encercler la position de la Brigade Française Libre,et les bombardements de la Luftwaffe s 'intensifient. Pourtant les hommes du Bataillon du Pacifique , comme leurs frères d'armes ont su se protéger dans le désert en creusant des trous les mettant relativement à l'abri des bombes. Mais le 9 juin, le Lieutenant-Colonel Broche, commandant du BP1,que les Polynésiens surnommaient le Metua, est tué. Calédoniens et Polynésiens vont pourtant s'en sortir.

Episode 4 - La mémoire intacte

En outre-mer on appelle désormais les soldats du Bataillon du Pacifique, "Ceux de Bir-Hakeim"

80 ans plus tard, les Français se souviennent–ils encore de Bir Hakeim ?
Un livre, des photos un peu piquées ou jaunies par le temps qui passe, un timbre officiel des postes de Polynésie Française émis cette année…Des documentaires aussi, dans lesquels les derniers témoins apparaissent, mais ont aussi disparu depuis.
Les traditions perdurent, parler, transmettre, c’est ce que fait le Xv du Pacifique.  

Les Héritiers du Xv du Pacifique

Ces soldats du Pacifique, qui composent l’équipe de rugby du Xv du Pacifique, sont aussi les héritiers du Bataillon. Ils viennent de Polynésie, de Wallis et Futuna et de Nouvelle Calédonie, toutes armes confondues. A travers les nombreuses manifestations dans lesquelles ils interviennent, auprès de la population civile, mais aussi militaire, ils sont les passeurs d’histoire. Comme lors prochainement lors des cérémonies du 14 juillet ou ils animeront les Invalides.
Mais aussi celle effectuée à la 1ère Division de Besançon, héritière de la 1ère Brigade Française libre de Bir Hakeim.

L'adjudant-chef Alexandre Filimoehala lors du Tawaso avec ses hommes

Ils en parlent avec beaucoup d’émotion lorsque leur manager, un casque britannique Tommy MKII dans les mains, évoque la bataille de Bir-Hakeim. Avec des mots simples Fili le manager, parle d’héritage, de respect et d'humilité rapport aux anciens.Ses hommes l’écoutent, lors d’un tawaso dans le camp de Valdahon. L’héritage se fait par la parole transmise, de père en fils. Le Caporal-Chef Jérôme, originaire de Nouvelle-Calédonie, militaire à Toulouse a les larmes aux yeux lorsqu’il évoque "ce Bataillon qui est une vraie fierté pour nous."

Nos pères sont venus, ils étaient 600, ils ont été respectés, ont tenu leur engagement à venir défendre la France, et ils ne sont repartis qu’une poignée. Oui ça nous parle Bir Hakeim et comment !

Matelot Tinorua, Polynésie

La 1ère

Le caporal Eliot, Calédonien lui aussi, pense à ses anciens, et essaie de se projeter comme eux l’ont fait il y a 80 ans. "Je n’imagine même pas l’ampleur de l’émotion de quitter sa famille et de se dire qu’on ne va peut-être pas revenir. Ce devait être dur mais ils étaient forts, très forts. Oui c’étaient des guerriers des Aitos du Pacifique." Après l’évocation les soldats, avec Lino à la guitare entonnent le Tamarii volontaire, chant polynésien des soldats du Bataillon du Pacifique, puis le Négoné, chant Kanak. La mélodie résonne dans le camp désert de Valdahon

Spécialistes et passionnés 

Les spécialistes qui parlent de Bir Hakeim sont d’abord ceux de l’institution militaire qui perpétuent ce devoir de mémoire et se projettent aussi dans leur travail, à travers les exemples des anciens, comme ceux du Bataillon du Pacifique. A Besançon au siège de la 1ere division, héritière de la 1ère Division Française Libre, le Colonel Jean-François, officier tradition nous parle de "ces hommes comme un exemple pour nous dans nos prises de décision au quotidien, auteurs d’une véritable prouesse militaire qui nous interroge encore."

Que manque-t-il ? Nombreux sont les historiens qui se sont penchés sur la bataille en elle-même. Chronologie des faits, aventures humaines, les livres sont nombreux et variés. Les plus touchants sont peut-être ceux de l'historien François Broche dans la recherche de vérité, (A l'officier des Iles, ed PGDR) officier des Iles), d’identité ou de traditions (le Bataillon des Guitaristes, ed Fayard).

François Broche, dont le père le Lieutenant-Colonel Félix Broche a été tué à Bir Hakeim, reconnait lui-même que ce souvenir est très vivant dans les deux iles Françaises.

Il y a une fierté des Polynésiens et des Calédoniens qui ne peut se diluer dans l’oubli. Ils parlent de ces hommes comme "ceux de Bir Hakeim" qui ont invité De Gaulle à la future table des vainqueurs. Car ils ont aussi écrit leur part d’histoire en se portant au secours de leur mère patrie.

François Broche

La 1ère

Yacine Benhalima, arrière-petit-fils de William Grand l’ordonnance de Broche à Bor Hakeim (seul survivant de l’explosion qui a tué le chef du Bataillon) parle de cette pudeur qu’avait son aïeul.
Il a consacré son Master histoire 2 au Bataillon du Pacifique, en a fait un livre et et nous confie en visitant le musée de l’Ordre de la Libération son questionnement.

"Etaient-ils des héros ? Eux même je pense ne se prenaient pas pour des héros, ils se sont juste engagés, sans poser de questions. Pour moi ce sont des héros."

 Il y a aussi ceux, passionnés, qui consacrent une activité importante de leur vie à collectionner, à garder, à entretenir le souvenir. A Montrouge près de Paris Mme Blandine Bongrand Saint-Hillier, fille du Capitaine Bernard Saint-Hillier, de la 13ème Demi-brigade de la Légion étrangère, possède une collection unique de casques de la 1ere BFL, et une montagne de documents.

Et pourquoi pas un film un jour ?

D’autres au Havre comme Francoise Roumeguere, dont le père Jacques était officier artilleur à Bir Hakeim, a développé un blog des anciens de la 1ère BFL. Son fils Frédéric a même produit un documentaire (Bir Hakeim ici était l’âme de la France libre). Elle parle souvent de ce souvenir avec une de ses meilleures amies Francoise Amiel, fille aussi d’un officier du Bataillon de marche numéro 2, Henri Amiel, chef des tirailleurs centrafricains (Oubangui Chari)

Un timbre pour les 80 ans....comme une affiche de film !

Un seul film a été consacré à cette période de l’histoire de France, un Taxi pour Tobrouk, film de Denys de la Patellière, avec Lino Ventura Charles Aznavour et Maurice Biraud. La piste d’un film dans le désert est à creuser, pourquoi pas ?
On voit les têtes de ces hommes dans le désert harassés par la chaleur et la soif, on voit des héros fatigués, on lit des histoires incroyables dans les carnets de guerre des survivants, et des exploits à 1 contre 10…

On est en face d’une mosaïque incroyable de caractères, de portraits, le scénario est écrit et il ne demanderait qu’à être produit. Par le biais du cinéma on peut toucher le grand public.

Florence Roumeguere, fille du Lieutenant Jacques Roumeguere, Artilleur à Bir Hakeim.

Enfin, au-delà de ces eventuelles projections, on n’oubliera pas le plus important, les trois survivants que sont les derniers témoins encore passeurs d'Histoire :  Ari Wong Kim 98 ans, le dernier Polynésien du Bataillon du Pacifique, vivant au Breuil-en-Auge dans le Calvados ; Paul Leterrier, 101 ans, du 1er Bataillon des Fusiliers marins vivant à Cherbourg et enfin Paul Vigand, du 1er Régiment d'Artillerie, 101 ans vivant lui près de Bourges.

Les 3 survivants passeurs d'Histoire

Eux trois garderont jusqu’au bout de leur vie cette flamme allumée, et leurs familles vivant en Polynésie et en France perpétueront le souvenir de cette France qui ne se rend pas et qui se bat.

Regardez le quatrième épisode de notre série sur la bataille de Bir Hakeim : 

80 ans après, le devoir de mémoire reste encore, même si cet épisode brillant de la seconde guerre mondiale a peu touché le grand public. L’institution militaire continue à perpétuer le souvenir de ces hommes qui ont combattu pour la France. Des témoignages existent, des commémoration se font comme avec les hommes du Xv du Pacifique. Ou des auteurs ou historiens retracent encore les exploits de ces soldats. ©Outre-mer la 1ère