Leurs ombres habillent les murs de la fondation La Maison rouge à Paris : venues des Etats-Unis, les poupées de l'exposition "Black Dolls" mettent au jour un pan méconnu et symboliquement très fort de l'histoire afro-américaine. A voir jusqu'au 20 mai 2018.
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Fabriquées entre 1840 et 1940 par des Afro-Américains, en majorité des femmes, et offertes aux enfants, la soixantaine de poupées noires artisanales exposées appartiennent à Deborah Neff, avocate new-yorkaise. Débutée il y a un peu plus de vingt ans lorsqu'elle découvre une poupée sur une foire d'antiquités à Atlanta, sa collection en comprend aujourd'hui plus d'un millier.
L'avocate, qui documente ses trouvailles depuis une dizaine d'années par le biais de photographies d'époque, espère parvenir à retracer l'histoire de ces objets dont on sait encore peu de choses, mais qui ont une valeur d'archive. Représentant des personnes réelles, transmises de génération en génération et portant le nom de leurs créatrices, ceux des enfants qui les reçoivent et leur date de fabrication, elles permettent d'en savoir plus sur la vie quotidienne des Afro-Américains entre le 19e et le début du 20e siècle.
En effet, pendant l'esclavage, aboli en 1865, leurs dates de naissance ne sont pas conservées, l'état civil et l'accès à la propriété leur sont refusés et les familles souvent séparées. Avec cette exposition de La Maison rouge, ancienne usine du quartier de la Bastille à Paris qui fermera ses portes fin 2018, ces poupées franchissent pour la première fois l'Atlantique.
Nuance des couleurs de peau, texture des cheveux, variété des vêtements, yeux, nez et bouche cousus main : ces poupées, "censées être des objets domestiques et ordinaires", font preuve d'une modernité, d'une diversité et d'un niveau de détails surprenants, explique à l'AFP Nora Philippe, réalisatrice, auteure et commissaire de l'exposition. Outre leur valeur historique, ces poupées ont aussi une dimension politique. "La norme aux Etats-Unis au 19e siècle et au début du 20e, c'est que les poupées sont blanches et représentent des projections idéales pour la fillette de ce qu'elle sera en tant qu'adulte", poursuit la commissaire.
A travers ces personnages en tissu, les femmes et les enfants noirs se voient donc non seulement "représentés en tant que sujets", mais incités à aimer leur peau, leurs cheveux, leur négritude. Cette collection de poupées s'inscrit ainsi dans la longue lignée de la lutte pour l'émancipation des Afro-américains, des abolitionnistes du 19e siècle au mouvement des droits civiques notamment. Ceux-ci soulignent l'importance pour les Noirs d'écrire leur propre histoire et la nécessité pour les Etats-Unis d'honorer la mémoire des victimes de l'esclavage.
Exposer ces poupées noires en France n'est pas anodin, estime Nora Philippe. Malgré quatre siècles de colonisation et deux siècles d'esclavage, moins de documents d'époque ont été conservés qu'aux Etats-Unis. "En cherchant les équivalents de ces poupées dans les zones coloniales de la France, on ne trouve rien" qui témoigne de l'expérience des femmes noires esclaves, déplore-t-elle.
"Une petite prise de conscience est tout de même en train d'avoir lieu", tempère-t-elle, due à "des femmes afro-descendantes qui font un travail énorme de communication, de recherche ou militant". La persistance de ce rejet et la nécessité de témoigner ont fait l'objet de plusieurs documentaires récents : "Trop noire pour être française" (Isabelle Boni-Claverie, 2015), "Mariannes noires" (Mame-Fatou Niang, 2016) ou encore "Ouvrir la voix" (Amandine Gay, 2017). Il reste cependant en France "toute une histoire à écrire", conclut-elle.
L'avocate, qui documente ses trouvailles depuis une dizaine d'années par le biais de photographies d'époque, espère parvenir à retracer l'histoire de ces objets dont on sait encore peu de choses, mais qui ont une valeur d'archive. Représentant des personnes réelles, transmises de génération en génération et portant le nom de leurs créatrices, ceux des enfants qui les reçoivent et leur date de fabrication, elles permettent d'en savoir plus sur la vie quotidienne des Afro-Américains entre le 19e et le début du 20e siècle.
En effet, pendant l'esclavage, aboli en 1865, leurs dates de naissance ne sont pas conservées, l'état civil et l'accès à la propriété leur sont refusés et les familles souvent séparées. Avec cette exposition de La Maison rouge, ancienne usine du quartier de la Bastille à Paris qui fermera ses portes fin 2018, ces poupées franchissent pour la première fois l'Atlantique.
Nuance des couleurs de peau, texture des cheveux, variété des vêtements, yeux, nez et bouche cousus main : ces poupées, "censées être des objets domestiques et ordinaires", font preuve d'une modernité, d'une diversité et d'un niveau de détails surprenants, explique à l'AFP Nora Philippe, réalisatrice, auteure et commissaire de l'exposition. Outre leur valeur historique, ces poupées ont aussi une dimension politique. "La norme aux Etats-Unis au 19e siècle et au début du 20e, c'est que les poupées sont blanches et représentent des projections idéales pour la fillette de ce qu'elle sera en tant qu'adulte", poursuit la commissaire.
L'existence de ces poupées met en lumière la résistance des Afro-Américains de l'époque à des standards racistes, érigeant la blancheur en modèle, et la profondeur de leur réflexion sur la représentation des Noirs.
A travers ces personnages en tissu, les femmes et les enfants noirs se voient donc non seulement "représentés en tant que sujets", mais incités à aimer leur peau, leurs cheveux, leur négritude. Cette collection de poupées s'inscrit ainsi dans la longue lignée de la lutte pour l'émancipation des Afro-américains, des abolitionnistes du 19e siècle au mouvement des droits civiques notamment. Ceux-ci soulignent l'importance pour les Noirs d'écrire leur propre histoire et la nécessité pour les Etats-Unis d'honorer la mémoire des victimes de l'esclavage.
Exposer ces poupées noires en France n'est pas anodin, estime Nora Philippe. Malgré quatre siècles de colonisation et deux siècles d'esclavage, moins de documents d'époque ont été conservés qu'aux Etats-Unis. "En cherchant les équivalents de ces poupées dans les zones coloniales de la France, on ne trouve rien" qui témoigne de l'expérience des femmes noires esclaves, déplore-t-elle.
"Une petite prise de conscience est tout de même en train d'avoir lieu", tempère-t-elle, due à "des femmes afro-descendantes qui font un travail énorme de communication, de recherche ou militant". La persistance de ce rejet et la nécessité de témoigner ont fait l'objet de plusieurs documentaires récents : "Trop noire pour être française" (Isabelle Boni-Claverie, 2015), "Mariannes noires" (Mame-Fatou Niang, 2016) ou encore "Ouvrir la voix" (Amandine Gay, 2017). Il reste cependant en France "toute une histoire à écrire", conclut-elle.