Installé à Dubai depuis de nombreuses années, le "couple Blata" se pensait invincible. Mais les influenceurs aux 7 millions d’abonnés sont retombés sur Terre. L’arnaque a été pointée du doigt pour la première fois, il y a un an, lorsque le rappeur Booba s’est intéressé à eux. Depuis, tout s’enchaine : création d’un collectif d’aide aux victimes, propositions de lois, dépôt de plaintes, …
Et en moins d’une semaine, la situation a déjà évolué. Mercredi, en début de soirée, les vidéos de promotions pour des placements financiers ont été retirées du compte de Marc Blata. Quelques minutes plus tard, son compte est introuvable, tout comme celui de sa femme et de plusieurs autres influenceurs francophones, eux aussi dans le viseur de la justice. Est-ce la fin des "influvoleurs", comme on les surnomme désormais ?
"Copier-coller-encaisser"
Telle était la promesse de Marc Blata sur ses réseaux sociaux. Marc Singainy Tevanin, de son vrai nom, est accusé par des dizaines de personnes de les avoir arnaquées en faisant la promotion de placements financiers trompeurs. Un procédé bien rodé, des promesses de gains instantanés, et un compte Instagram utilisé comme vitrine. Toutes ces pratiques sont portées devant la justice depuis ce lundi 23 janvier par le Collectif d’Aide aux Victimes d’Influenceurs (AVI). Selon l'avocat des victimes, Maître Alexandre Dakos, le préjudice s'élèverait à 6 millions d'euros, entre les escroqueries, les placements de produits, les NFT (des œuvres d'art virtuelles) et autre placement.
Sur les publications épinglées sur son profil, on trouvait facilement des liens pour s’inscrire à un canal Télégram (un réseau social composé de groupes de discussion). Ceux promus par l’influenceur d’origine réunionnaise étaient alimentés par de faux témoignages de gagnants ou de captures d’écrans de comptes bancaires complètement bidonnées.
Marc Blata supervisait la "formation" et conseillait à ses apprentis trader des placements "sûrs". Sur chacune de ses publications, il ventait ses talents de trader en disant "imiter les meilleurs".
Ici (sur ce compte) ça a toujours pété (marché, ndlr), avec 10K, j’ai fait 100K. Allez suivre les autres, mais chez nous, c'est réel, j’ai vraiment acheté ces voitures, et j’ai vraiment déménagé, j’ai acheté des maisons.
Story Instagram Marc Blata
À ce jour, 88 victimes ont décidé de s'unir au sein du collectif AVI pour dénoncer devant la justice la malhonnêteté de son fonds de commerce. Parce qu'après avoir déposé une somme d'argent via son "programme" de trading, les victimes n'ont jamais revu la couleur de leur argent. Lorsque les abonnés, tombés dans le panneau, s'en rendaient compte, il était déjà trop tard. Car non seulement ils avaient tout perdu, mais à l'inverse, les influenceurs s'enrichissaient.
En effet, chaque nouvelle inscription rapportait une commission au couple. Et leur réponse était la même à chacun des abonnés qui se plaignaient. Selon le collectif d'aide aux victimes AVI, "Marc Blata s’est présenté comme quelqu’un qui dénonçait les influenceurs. Les gens ont eu confiance en lui. Son mode opératoire est de culpabiliser la victime". Mais la manigance se décline aussi sous la forme de NFT (des œuvres d'art virtuelles), que les acheteurs ne verront également jamais.
Des agissements qui ont forcé les abonnés à se manifester sur les réseaux sociaux auprès du rappeur Booba, qui recueillait les témoignages et rassemblait les preuves contre les "influvoleurs".
"Il fallait une loi"
Alors qu'actuellement aucune loi précise n'encadre les professions liées à l'influence, certains députés, dont Arthur Delaporte, député NUPES, veulent réglementer ces nouvelles pratiques. "Il fallait une loi.(...) Il faut aller plus loin en renforçant un certain nombre d'interdictions, notamment pour les produits de santé, les jeux d'argent et de hasard". Le député des Français de l’étranger Stéphane Vojetta s'est associé à son homologue pour créer une "initiative commune pour réguler l’influence" présentée ce mercredi 25 janvier en salle de presse de l'Assemblée Nationale. Mais dès septembre 2022, l'idée était déjà évoquée lors de l'audition de Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications.
Marc Blata, lui, ne semblait pas affecté jusqu'à mercredi soir où son compte s'est vu suspendu. En effet, il n'a pas hésité à partager une vidéo dans laquelle il réagit à la plainte de plus de 80 personnes. "C'est triste, mais je suis obligé de vous dire la vérité, quelle fierté, seulement 80 personnes se sont plaintes".
Les solutions pour faire face aux "influvoleurs"
Le ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire semble s'être penché sur le sujet, en reprenant les travaux de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), il envoie un message fort de lutte contre les fraudes et les placements de produits douteux.
Mais comment se prémunir d'une telle menace ? Les posts sponsorisés et les placements de produits gravitent sur les écrans de tous les utilisateurs, la seule véritable solution serait de ne plus être sur les réseaux sociaux. Néanmoins, pour les plus connectés, la DGCCRF conseille de ne surtout pas succomber à un achat compulsif, de comparer et de faire jouer la concurrence en se renseignant sur les prix d'autres sites web.
La plateforme Instagram (META) a pris l'initiative de supprimer plusieurs comptes au contenu frauduleux, nul doute que les influenceurs trouvent un nouveau moyen de s'exprimer. Néanmoins, la visibilité ne sera plus jamais la même et le réseau social prône davantage de rigueur quant aux multiples dérives sur les réseaux sociaux.