L’histoire de Joseph Germain débute sur son île natale de la Martinique. Originaire de la ville de Sainte-Marie dans le nord-est, il se passionne très rapidement pour le noble art. Dans les années 70, il fréquente une salle de boxe dans le quartier populaire de Sainte-Thérèse à Fort-De-France. Là-bas, il fait la connaissance d’un autre grand de la boxe, Daniel Londas. Il participe à quelques combats, mais sans jamais aller plus loin du fait de son âge, selon lui. "J’avais 25-26 ans, je me disais que ce n’était plus un âge pour réussir. [...] Pour moi, pour faire quelque chose de bien, il fallait commencer plus tôt", dit-il après quelques instants de réflexion.
Parti s'installer en France hexagonale après son service militaire, c'est là que l'envie de remonter sur les rings lui prend. Mais cette fois, plus question de cogner sur l’adversaire, le Martiniquais veut entraîner. "J’ai fait ce choix parce que j’aimais aussi enseigner et transmettre", avoue-t-il.
Des boxeurs à fort potentiel, il en a vu passer. Des champions, il en a façonné. Joseph Germain est de la trempe des plus grands : "J’avais un objectif quand j’ai commencé à entraîner, c’était d’avoir un boxeur que j’ai formé qui soit champion du monde", confie-t-il. Ce souhait, il l’a accompli à plusieurs reprises avec toujours la même hargne dans chaque coup de poing porté par ses poulains.
Quand j’ai réussi à avoir un boxeur champion du monde, la première fois, je me suis dit que c’était un coup de chance. Donc j’ai voulu recommencer. Et ça s’est fait de fil en aiguille, avec Mormeck, Herelius, et bien d’autres derrières.
Joseph Germain, entraîneur de boxe
L'homme des défis et des succès
Emporté par sa passion, Joseph Germain range ses gants et se retrouve de l’autre côté de la barrière. Il est dans l’ombre, ce rôle qui lui sied à la peau. Dénicheur de talent et entraîneur à succès, au fil du temps, il va se tailler une sacrée réputation dans le milieu. Le premier titre de champion du monde du Guadeloupéen Jean-Marc Mormeck en 2002, sera son premier fait d’armes. Une vraie success story de neuf ans va naître entre les deux hommes. "Quand j’ai rencontré Jean-Marc, il était boxeur amateur. Je l'ai formé, puis nous avons gravi les échelons ensemble", se remémore-t-il, assis sur sa chaise de bureau, dans sa salle encore dans son jus d'antan.
Des étapes, les deux hommes vont en franchir de nombreuses ensemble. Notamment dans les innombrables quêtes de défense du titre de champion du monde du Guadeloupéen. Mais la carrière de Joseph Germain ne se résume pas seulement à sa collaboration avec Jean-Marc Mormeck. Des boxeurs, il en a connu des dizaines. On peut citer aussi un autre Guadeloupéen, Steeve Herelius, avec qui il sera champion du monde WBA en 2010, ou encore le monstre, le Franco-Camerounais Carlos Netsing Takam. Ensemble, ils décrochent deux titres mondiaux entre 2013 et 2017 en catégorie WBO et WBF. "Carlos, avant de travailler ensemble, j’avais déjà remarqué qu’il avait un bon potentiel. Mais il fallait le façonner un peu. […] À deux, on a réussi à faire de grandes choses", se remémore-t-il avec un léger sourire de coin.
À "l'école des champions" comme on surnomme le club de boxe de Noisy-le-Grand, à cause des nombreux champions passés dans cette salle, Joseph Germain a eu entre ses mains les meilleurs de leur génération, comme le champion Olympique 2016, Tony Yoka. "On a travaillé ensemble, je lui ai donné un peu de mon savoir. C'était une belle réussite. [...] Après il a fait son choix de trouver un autre entraîneur", dit-il d'un ton mélancolique.
Dans l'histoire fusionnelle, quasi paternaliste qui existe entre le Martiniquais et ses poulains, il y a des déchirements, des ruptures, et des départs, quand l'envie de réussite se confronte à la réalité. "Quand les boxeurs atteignent un certain niveau, ils ont besoin d'un entraîneur attitré. Pas d'un entraîneur qui s'occupe d'une salle de boxe et d'autres boxeurs derrière." Mais pas rancunier et plutôt bon esprit, il comprend ces choix. "Un boxeur, ça ne dure pas éternellement. Quand il a des propositions intéressantes pour lui, il faut les saisir. Le tout, c'est de finir en beauté".
"L'Antillais, quand il est né, il était déjà boxeur"
Après avoir quitté tôt son île, Joseph Germain n'oublie pas ses racines. Il fut un temps responsable de l'équipe technique régionale de la Martinique, mais par manque de temps, il n'a pas pu imposer ses idées. L'homme garde néanmoins un regard avisé sur la boxe dans les Antilles, et son constat est implacable : "Des Mormeck, il y en a pleins là-bas. L'Antillais, quand il est né, il était déjà boxeur et il courait partout". Oui, mais voilà, comme dans toutes les pratiques sportives dans les Outre-mer, les pratiquants se heurtent tous aux manques de moyens. Un manque de ressources préjudiciable, selon Joseph Germain. "Quand un jeune arrive, on voit tout de suite son rythme et sa prestance. Mais le problème, c'est qu'il a besoin d'une adversité extérieure pour travailler, et aux Antilles, il n'y a pas assez de clubs. Les coûts économiques et logistiques sont des freins", observe-t-il.
On peut s'entraîner comme on veut, mais si on n'a pas de gala pour se battre, les jeunes se fatiguent vite.
Joseph Germain, coach de boxe
Présent dans le milieu de la boxe depuis plus d'une trentaine d'années, Joseph Germain veut retourner sur son île à sa retraite pour transmettre son savoir. "J’aimerais pouvoir entraîner et aider des clubs. Faire valoir mes contacts aussi. La boxe ce n’est pas seulement se battre, l’entourage, c'est aussi important pour bien placer son boxeur."
Entraîneur charismatique, le Martiniquais a été à maintes reprises récompensé pour son travail. En 2003, il a reçu le prix départemental du "Fair Play" de la part du Comité départemental Olympique et sportif ou encore "Les plaquettes d'or et d'argent" du Comité d'Île-de-France et de la Fédération française de boxe. Joseph Germain avance aujourd'hui avec la même envie de détecter et de former de futurs champions. Avec toujours le même leitmotiv : "Croire en son destin".