Jésus né dans une favela, des hommages aux peuples indigènes et aux artistes noirs: les défilés fastueux du carnaval au sambodrome de Rio débutent dimanche soir, avec une forte dose de contestation en plus du strass et des paillettes.
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Le carnaval a toujours été synonyme de transgression, mais la situation politique du Brésil, gouverné depuis un an par le président d'extrême droite Jair Bolsonaro, a stimulé l'esprit critique des écoles de samba.
Chaque école défile durant 60 à 70 minutes et les jurés attribuent des notes sur des critères très variés, de la richesse des costumes à celle des chars en passant par l'harmonie avec laquelle les 3.000 membres de chaque école évoluent sur le sambodrome, une avenue de plus de 700 m longée de gradins.
La championne en titre, Mangueira, sera la troisième à se présenter dimanche, avec un défilé qui s'annonce très engagé: un Jésus "au visage noir, au sang indigène et au corps de femme", né dans une favela et prêchant un message de tolérance. Le choix de ce thème a suscité de nombreuses critiques de groupes ultra-conservateurs, qui l'ont jugé blasphématoire.
L'an dernier, Mangueira avait décroché son 20è titre en critiquant la dictature militaire (1964/85) et en rendant hommage à la conseillère municipale noire et lesbienne Marielle Franco, assassinée en mars 2018.
Cette fois, la chanson de Mangueira a pour titre "La vérité vous rendra libre", extrait d'un verset biblique cité à maintes reprises par Jair Bolsonaro, qui a bénéficié de l'appui massif des Eglises évangéliques lors de son élection en octobre 2018.
"Mangueira représente le Jésus de l'Évangile: le Jésus de l'amour, l'ami des opprimés", a affirmé récemment sur Twitter le pasteur baptiste Henrique Vieira, militant de gauche et fervent opposant à Bolsonaro, contrairement à la grande majorité des membres d'Eglises évangéliques. Il a participé lui-même à l'élaboration du défilé, suggérant aux chorégraphes des références bibliques.
Pour la première fois, les écoles de samba, qui donnent toute sa splendeur au carnaval brésilien, se présenteront sans subvention publique de la mairie. Depuis son élection en 2016, le maire Marcelo Crivella, pasteur évangélique, a toujours snobé la plus grande fête populaire du Brésil.
Les subventions, qui s'élevaient à deux millions de réais par école en 2017 (environ 625.000 euros au taux de change moyen de cette année), ont été réduites progressivement, jusqu'à disparaître cette année. Les écoles ont donc dû se réinventer, avec des chorégraphes plus jeunes redoublant de créativité pour faire face aux problèmes budgétaires, recyclant notamment des costumes ou des pièces de chars d'années précédentes.
"Cette nouvelle génération fait du carnaval un art, mais aussi une fête politique, engagée", explique l'historien Luiz Antonio Simas, auteur de nombreux ouvrages sur le carnaval.
"Notre village ne s'incline pas devant le capitaine", dit un couplet de la chanson de Portela, une référence à peine voilée à Jair Bolsonaro, ancien capitaine de l'armée dont la politique environnementale est jugée nocive par la plupart des autochtones vivant en Amazonie.
Sao Clemente, qui ouvrira le bal lundi, va évoquer pour sa part les fausses informations qui ont émaillé la campagne présidentielle de Bolsonaro. Un autre défilé très attendu sera celui de Mocidade, un hommage à la chanteuse mythique Elza Soares, 89 ans, ex-femme du footballeur de légende Garrincha, devenue une icône de la lutte contre le racisme et l'homophobie.
Carnaval monumental
Avec leurs chars monumentaux pouvant mesurer plus de dix mètres et leurs milliers de danseurs aux costumes parfois ornés de plumes géantes, les écoles de Rio vont défiler tour à tour pendant toute la nuit -- sept dimanche puis six lundi -- devant 70.000 spectateurs et des dizaines de millions de téléspectateurs.Chaque école défile durant 60 à 70 minutes et les jurés attribuent des notes sur des critères très variés, de la richesse des costumes à celle des chars en passant par l'harmonie avec laquelle les 3.000 membres de chaque école évoluent sur le sambodrome, une avenue de plus de 700 m longée de gradins.
Carnaval engagé
La championne en titre, Mangueira, sera la troisième à se présenter dimanche, avec un défilé qui s'annonce très engagé: un Jésus "au visage noir, au sang indigène et au corps de femme", né dans une favela et prêchant un message de tolérance. Le choix de ce thème a suscité de nombreuses critiques de groupes ultra-conservateurs, qui l'ont jugé blasphématoire. L'an dernier, Mangueira avait décroché son 20è titre en critiquant la dictature militaire (1964/85) et en rendant hommage à la conseillère municipale noire et lesbienne Marielle Franco, assassinée en mars 2018.
Cette fois, la chanson de Mangueira a pour titre "La vérité vous rendra libre", extrait d'un verset biblique cité à maintes reprises par Jair Bolsonaro, qui a bénéficié de l'appui massif des Eglises évangéliques lors de son élection en octobre 2018.
"Mangueira représente le Jésus de l'Évangile: le Jésus de l'amour, l'ami des opprimés", a affirmé récemment sur Twitter le pasteur baptiste Henrique Vieira, militant de gauche et fervent opposant à Bolsonaro, contrairement à la grande majorité des membres d'Eglises évangéliques. Il a participé lui-même à l'élaboration du défilé, suggérant aux chorégraphes des références bibliques.
"Não é militância de esquerda. É a Bíblia"https://t.co/MHkHBCQNqh
— Pastor Henrique Vieira (@pastorhenriquev) February 18, 2020
Sans subvention
Pour la première fois, les écoles de samba, qui donnent toute sa splendeur au carnaval brésilien, se présenteront sans subvention publique de la mairie. Depuis son élection en 2016, le maire Marcelo Crivella, pasteur évangélique, a toujours snobé la plus grande fête populaire du Brésil.Les subventions, qui s'élevaient à deux millions de réais par école en 2017 (environ 625.000 euros au taux de change moyen de cette année), ont été réduites progressivement, jusqu'à disparaître cette année. Les écoles ont donc dû se réinventer, avec des chorégraphes plus jeunes redoublant de créativité pour faire face aux problèmes budgétaires, recyclant notamment des costumes ou des pièces de chars d'années précédentes.
"Cette nouvelle génération fait du carnaval un art, mais aussi une fête politique, engagée", explique l'historien Luiz Antonio Simas, auteur de nombreux ouvrages sur le carnaval.
La question indigène
École la plus titrée du carnaval de Rio avec 22 trophées, Portela évoquera lors du dernier défilé de dimanche un des sujets les plus sensibles sous le gouvernement Bolsonaro: la question indigène. Le thème choisi par l'école aux couleurs blanche et bleue rend hommage au peuple Tupinamba, qui vivait à Rio avant l'arrivée des colonisateurs européens."Notre village ne s'incline pas devant le capitaine", dit un couplet de la chanson de Portela, une référence à peine voilée à Jair Bolsonaro, ancien capitaine de l'armée dont la politique environnementale est jugée nocive par la plupart des autochtones vivant en Amazonie.
Sao Clemente, qui ouvrira le bal lundi, va évoquer pour sa part les fausses informations qui ont émaillé la campagne présidentielle de Bolsonaro. Un autre défilé très attendu sera celui de Mocidade, un hommage à la chanteuse mythique Elza Soares, 89 ans, ex-femme du footballeur de légende Garrincha, devenue une icône de la lutte contre le racisme et l'homophobie.