Jésus né dans une favela, des hommages aux peuples indigènes et aux artistes noirs: les défilés fastueux du carnaval au sambodrome de Rio débutent dimanche soir, avec une forte dose de contestation en plus du strass et des paillettes.
Outre-mer la 1ère avec AFP •
Le carnaval a toujours été synonyme de transgression, mais la situation politique du Brésil, gouverné depuis un an par le président d'extrême droite Jair Bolsonaro, a stimulé l'esprit critique des écoles de samba.
La championne en titre, Mangueira, sera la troisième à se présenter dimanche, avec un défilé qui s'annonce très engagé: un Jésus "au visage noir, au sang indigène et au corps de femme", né dans une favela et prêchant un message de tolérance. Le choix de ce thème a suscité de nombreuses critiques de groupes ultra-conservateurs, qui l'ont jugé blasphématoire.
"Mangueira représente le Jésus de l'Évangile: le Jésus de l'amour, l'ami des opprimés", a affirmé récemment sur Twitter le pasteur baptiste Henrique Vieira, militant de gauche et fervent opposant à Bolsonaro, contrairement à la grande majorité des membres d'Eglises évangéliques. Il a participé lui-même à l'élaboration du défilé, suggérant aux chorégraphes des références bibliques.
Pour la première fois, les écoles de samba, qui donnent toute sa splendeur au carnaval brésilien, se présenteront sans subvention publique de la mairie. Depuis son élection en 2016, le maire Marcelo Crivella, pasteur évangélique, a toujours snobé la plus grande fête populaire du Brésil.
Les subventions, qui s'élevaient à deux millions de réais par école en 2017 (environ 625.000 euros au taux de change moyen de cette année), ont été réduites progressivement, jusqu'à disparaître cette année. Les écoles ont donc dû se réinventer, avec des chorégraphes plus jeunes redoublant de créativité pour faire face aux problèmes budgétaires, recyclant notamment des costumes ou des pièces de chars d'années précédentes.
"Cette nouvelle génération fait du carnaval un art, mais aussi une fête politique, engagée", explique l'historien Luiz Antonio Simas, auteur de nombreux ouvrages sur le carnaval.
La question indigène
École la plus titrée du carnaval de Rio avec 22 trophées, Portela évoquera lors du dernier défilé de dimanche un des sujets les plus sensibles sous le gouvernement Bolsonaro: la question indigène. Le thème choisi par l'école aux couleurs blanche et bleue rend hommage au peuple Tupinamba, qui vivait à Rio avant l'arrivée des colonisateurs européens.