Seul otage français dans le monde, Olivier Dubois s’apprête à fêter un bien triste anniversaire et à battre des « records » malgré lui. Le journaliste d’origine martiniquaise a été enlevé le 8 avril 2021, au nord du Mali à Gao. Ce 8 octobre, cela fera 18 mois soit un an et demi qu’il est otage.
Ce 7 octobre, cela fait 547 jours qu’il est détenu par les djihadistes. Pourquoi 547 ? C’est la durée que deux journalistes de France Télévisions, Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, avaient passé dans les geôles des talibans, avant d’être libérés en juin 2011.
« Deux poids deux mesures »
« Avec cette captivité d’Olivier Dubois qui s’installe dans le temps, effectivement nous avons l’impression d’être peu entendus et pas du tout écoutés de la part de l’Etat français, et il serait temps que les choses avancent, pointe Canèle Bernard, la sœur du journaliste. Nous avons l’impression qu’il y a un deux poids deux mesures. »
« C’est difficile à comprendre et surtout à admettre, renchérit Benjamin Fouquoire, le beau-frère du Martiniquais. On essaye de faire le maximum pour que [sa situation] soit relayée quotidiennement mais ce n’est pas facile parce qu’il y a toujours une actualité qui en chasse une autre. » Il rappelle notamment qu’à l’époque où Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier étaient otages, les JT de France Télévisions égrenaient leur temps de captivité.
« Un record sur ces dernières années »
En égalant et dépassant ces 547 jours - car aucun signe de libération n’est donné actuellement - Olivier Dubois fait désormais partie des trois journalistes français à avoir été retenus le plus longtemps en otage. Les deux reporters à avoir été en captivité le plus longtemps sont Jean-Paul Kauffmann, détenu 1037 jours soit près de trois ans entre 1985 et 1988 au Liban, et Jean-Louis Normandin, lui aussi en retenu au Liban pendant 628 jours entre 1986 et 1987.
« C’est un record sur ces dernières années, reconnaît Arnaud Froger, responsable du bureau d’investigation de Reporters Sans Frontières (RSF). On n’avait pas eu un journaliste français qui avait été détenu aussi longtemps depuis [ceux] qui avaient été pris au Liban au milieu des années 80. Donc cela le situe dans une catégorie d’otages un peu particulière et on espère que les records ne vont pas continuer à être battus et qu’Olivier va être libéré le plus rapidement possible désormais. »
« C’est une voix qui s’est tue »
S’il n’y a « pas de règle en matière d’otages », « plusieurs facteurs » comme le contexte sécuritaire « extrêmement dégradé » dans la région peuvent en partie expliquer les difficultés pour la France à obtenir sa libération.
Spécialiste du Sahel et correspondant au Mali pour Le Point et Libération, Olivier Dubois a justement été enlevé alors qu’il cherchait à interviewer un lieutenant d’un groupe djihadiste lié à Al-Qaïda au Maghreb islamique.
Arnaud Froger tient à rappeler que « c’est un journaliste qui connaissait bien le territoire malien, qui y travaillait depuis de nombreuses années, que sa voix est importante, et que c’est une voix qui s’est tue ». Or dans un pays comme le Mali « où l’information est de plus en plus rare, libérer Olivier Dubois est d’autant plus important. »
Le fait qu’il soit seul n’aiderait pas non plus à sa libération : « Lorsque des otages sont pris par groupe d’un même pays, effectivement il y a plusieurs ressorts et la mobilisation est de fait décuplée », souligne Arnaud Froger.
Plus de traces de vie depuis mars
Ce dernier assure en tout cas que RSF est « en lien avec les autorités françaises ou maliennes » pour qu’il soit libéré au plus vite et « essaye de faire connaître son cas dans les médias et au grand public », notamment en déployant des banderoles en France ou en affichant son portrait sur le Panthéon. Mais pour le responsable du bureau d’investigation, cette détention qui continue « prouve qu’il faut en faire plus ».
RSF et la famille du Martiniquais espèrent aussi avoir des preuves qu’il est vivant. La dernière vidéo où on le voit s’exprimer a été publiée il y a plus de six mois, le 13 mars 2022.
Toutes professions confondues, c’est Ingrid Bétancourt qui détient le triste record de la détention la plus longue d’un otage français au XXe siècle, après avoir passé 2321 jours soit plus de six ans aux mains des FARC en Colombie.