Chanté nwèl : malgré le coronavirus les Ultramarins de l'Hexagone s'adaptent pour faire entendre leur voix

Crise sanitaire et confinement oblige, l’organisation des chanté nwèl est un peu bousculée cette année. Alors pour maintenir cette tradition qui leur tient à cœur, des associations et des particuliers ont décidé de s’adapter et d'innover.
Pour certains c’est tout vu : cette année sera inhabituelle jusqu’à la fin et il n’y aura pas de chanté nwèl. Le flou sur la fin du confinement et ses modalités rend l’organisation trop incertaine et le risque sanitaire est dans toutes les têtes. 

Mais pour d’autres, pas question de ranger les ti-bwa et les chacha. Pour perpétuer la tradition antillaise malgré tout, associations et particuliers s’adaptent pour un chanté nwèl 2.0, dans le respect des gestes barrières.
 

"Ça va faire tout drôle cette année"

Noël pour nous, ce n’est pas le 25. Ça commence deux semaines avant !”, explique Karine Malflery. La quarantenaire, cuisinière dans une école, a découvert les chanté nwèl enfant lorsqu’elle s’est installée en Martinique avec ses parents. De retour dans l’Hexagone, en région parisienne, elle ne déroge pas à la tradition et chante chaque année les cantiques lors de rassemblements organisés par ses sœurs pendant quinze jours, auxquels participent “200 à 300 personnes”. "Ça va faire tout drôle cette année”, confie la Martiniquaise.
 
Contrainte par la crise sanitaire d’annuler ses plans pour Noël qu’elle devait passer en famille en Martinique, “trop risqués” et “compliqués” en termes d’organisation, elle et sa famille ont décidé de ne pas tirer de croix sur les chanté nwèl.
 

C’est quinze jours de dépression pour moi si je ne fais rien pour les chanté nwèl !


 “On se retrouvera en petit comité, juste en famille, chez ma tante, raconte Karine. Et comme le veut la tradition “chaque personne amènera du pâté, du boudin, du jambon antillais. Il y aura aussi des instruments pour accompagner les chants : les tambours, le ti-bwa, les chacha… Et aussi les cuillères qu’on cogne contre les verres ! Ça va être la cacophonie mais c’est ce qu’on aime”, conclut-elle en riant.

Comme Karine, les parents de Sophie Eustache ne pourront pas non plus se rendre en Martinique pour Noël où ils ont de la famille âgée donc à risque. L’étudiante en sciences politiques avait de toute façon prévu de rester dans l’Hexagone à cause de ses études. Et les chanté nwèl qui d’habitude “ouvrent vraiment la période de Noël”, vont aussi “passer à la trappe” : “rien n’est organisé avec le covid… On va peut-être tout simplement l’organiser chez nous en tout petit comité.
 

Concerts sur Zoom

Les gens qui sont seuls pètent les plombs. les chanté nwèl, c’est leur moment magique”, insiste Marie-Catherine Fardin, directrice artistique de l’association musicale Ethnick 97. Tous les ans, l’association organise des événements partout en France pour l’occasion, qui rassemblent près de 3 000 personnes.

Cette année, ils ne dérogeront pas à la règle, et c’est à distance,en visioconférence, qu’ils pousseront la chansonnette. Marie-Catherine est catégorique : “même si on n’est pas ensemble, on ne peut pas rester sans chanter des cantiques ! On peut adapter Noël à la situation”. 

Le 11 novembre dernier, sur un coup de tête, l’association décide d’organiser un Zoom spécial chanté nwèl, “pour donner du plaisir aux gens”. “Il y a eu un gros emballement”, raconte ravie, la Martiniquaise. 80 personnes sont au rendez-vous sur Zoom, 3 000 sur le facebook live. “On avait des spectateurs de l’Hexagone mais aussi des Antilles et même de deux ou trois autres pays !Une deuxième édition sera organisée le 21 novembre.
 

Un chanté nwèl inhabituel, pour “être à l’écoute, essayer d’aider” et donner l'opportunité à d’autres artistes de s’exprimer. “On est obligé d’accepter que l’année est difficile, poursuit la directrice artistique d’Ethnick 97. Les artistes n’arrivent pas à s’exprimer... à manger même car en ligne financièrement parlant, on ne gagne rien.
 

Chanté nwèl en présentiel

Certains restaurants font de leur côté le pari d’organiser des chanté nwèl dans leur établissement et attendent les doigts croisés de découvrir les directives du gouvernement pour le déconfinement. “Pour l’instant on organise ça le 5 décembre. Mais ça peut changer”, explique Alvina Tesson. La Guadeloupéenne a repris la salle de réception de l'Orangerie de Villette, à Pont-Sainte-Maxence, en juillet et compte sur ses mets antillais et le chanté nwèl pour se démarquer. “C’est quelque chose que je veux faire pour la communauté antillaise de notre établissement”, explique la jeune femme.

L’association Bahos compte également sur un chanté nwèl “physique”. “On essaye de maintenir. On a mis quelques dates sur la table déjà”, détaille Sylvain Couget qui gère la structure. Avec son association et son futur espace culturel, La caz à Liza, c’est le métissage et la créolité qu’il veut mettre en valeur. Ses chanté nwèl, il veut les ouvrir à tous : “on veut faire ça à notre sauce. L’idée c’est de faire une fête avec public qui chantent et des musiciens, antillais ou non. Traditionnellement les instruments c’est bois et tambour, nous on ajoute aussi du piano et de la guitare.

En attendant les nouvelles annonces relatives au déconfinement, ou à “l'adaptation” du confinement, à partir du 1er décembre prochain, les Antillais continueront donc de chanter, en ligne ou en petit comité.