Chemise tahitienne, salouva : les députés peuvent-ils s’habiller comme ils veulent à l’Assemblée nationale ?

Moetai Brotherson a fait une entrée remarquée à l'Assemblée nationale mardi.
Avec sa chemise à fleurs, son short et ses sandales, Moetai Brotherson a fait une entrée remarquée, mardi, à l’Assemblée nationale. L’élu polynésien compte bien siéger dans cette tenue. Mais un député peut-il siéger dans la tenue de son choix ? Officiellement, oui. Dans la réalité, non.
Costume-cravate pour les hommes et tailleur pour les femmes, la tradition est bien ancrée dans les mœurs politiques. Pourtant, le règlement de l’Assemblée Nationale, consultable en ligne, ne stipule aucun protocole vestimentaire pour les députés et leurs assistants.

« Un pingouin qui a avalé la banquise »

Aucune règle écrite, donc, ne force Ramlati Ali, la première femme élue députée à Mayotte, à abandonner son salouva, tenue traditionnelle dans le 101è département, pour accéder à l’hémicycle. Rien non plus n’oblige Moetai Brotherson, député polynésien, à troquer la chemise à fleurs et les sandales pour un costume-cravate.

Le gendre d’Oscar Temaru, ancien président de la Polynésie, a d’ailleurs précisé qu'il envisageait de venir en chemise tahitienne à l'Assemblée, "si les huissiers m'y autorisent" :

"Avec un costume vous ressemblez à Liam Neeson (acteur britannique, ndlr) moi je ressemble à un pingouin qui a avalé la banquise"
 

Moetai Brotherson sur RMC/BFM TV

Le député polynésien Moetai Brotherson (à droite), à son arrivée à l'Assemblée nationale, le 20 juin 2017.


Pas de fantaisie dans l’hémicycle

Pourtant, au moment de la première séance publique, mardi 27 juin, à 15h, les fantaisies vestimentaires seront vraisemblablement absentes. Comme ils en ont l’habitude, les huissiers veilleront au grain, interdisant l’accès de l’Assemblée aux tenues "non-conventionnelles" des élus, comme des journalistes. Prévoyants, les huissiers ont, dans un placard, un certain nombre de cravates de secours pour les étourdis et les rebelles…

"Tenue respectueuse" obligatoire

Dans un article daté de 2015, Francetvinfo rappelle qu’à l’été 2008, le député écologiste François de Rugy demandait l’autorisation pour les hommes d’ôter la veste et la cravate parce qu’il souhaitait "qu’on baisse la clim" pour montrer l’exemple. Hors de question pour le bureau de l’Assemblée qui a traité l'affaire lors de sa réunion du 9 juillet 2008.

"Confirmant, sur le rapport de M. le Président, le port obligatoire de la cravate dans l’hémicycle, le Bureau a souhaité rappeler à tous les membres de l’Assemblée la nécessité jusque-là observée d’avoir en toutes circonstances une tenue respectueuse des lieux."


Pour les femmes, la "tenue respectueuse des lieux" est plus floue. Le tailleur est de rigueur, mais pas obligatoire. Le pantalon est autorisé pour les dames depuis un coup d’éclat de Michèle-Alliot Marie en 1972. Comme le rappelle Slate, celle qui est alors jeune conseillère politique se voit refuser l’entrée de l’Assemblée parce qu’elle porte un pantalon. 

"Si c’est le pantalon qui vous gêne, je l’enlève!"


La future ministre  finira par rentrer, prouvant au passage que les usages peuvent eux aussi évoluer.

Habituée à portée la tenue traditionnelle mahoraise lorsqu’elle se trouve dans son département, Ramlati Ali, fraichement élue députée, explique qu’elle a l’habitude de s’habiller de façon "européenne" lorsqu’elle vient à Paris. Pour autant, elle confie qu’elle n’a pas encore décidé quelle tenue elle porterait vendredi, jour de son arrivée au Palais Bourbon.



Et le public alors ?

Les citoyens qui assistent aux séances de l’Assemblée, dans le public, sont, eux aussi, soumis à des règles, comme l’indique le site de l’Assemblée nationale :

"En application de l'article 8 de l'Instruction générale du Bureau, le public admis en séance doit porter une tenue correcte (pour les hommes : veste ou blouson à manches longues, pantalon long). Il se tient assis et découvert."

Les manteaux, les sacs et les objets personnels doivent, eux, rester au vestiaire.