Professeur de littérature à l’Université catholique de Lille, directeur de collection aux éditions Philippe Rey, Christian Séranot a passé sa vie à œuvrer pour sa passion : l’édition et les écrivains. Il raconte son parcours éclectique dans #MaParole.
Éditeur chez Stock, Lattès, Bibliophane, au Rocher et aux éditions Le Serpent à plumes, Christian Séranot exerce désormais chez Philippe Rey. Élu chargé de la communication à Sarcelles, il est l’un des très rares éditeurs antillais dans l’Hexagone.
#1 De Dakar à Obock
Natif d’Algérie, Christian Séranot a passé sa jeunesse entre l'Afrique et l’Hexagone, au gré des mutations de son père militaire. "Il s'est engagé. Il voulait connaître du pays, échapper à la misère (NDLR en Guyane) et se cultiver". Peu de temps après son arrivée dans l'Hexagone, son père s'est marié avec une Martiniquaise, la mère de Christian Séranot, de son frère et sa soeur.
À la maison, les parents ont toujours exigé de bonnes notes. L’éducation était stricte, mais ouverte sur le monde. Christian Séranot a, très jeune, beaucoup voyagé. Il a été à l’école au Cameroun, à Granville, à Carcassonne puis au Sénégal. À Dakar, il a été dans la classe du neveu de Léopold Sedar Senghor. Sylvain, "c'était un garçon très sportif, très félin. Moi j'étais un peu rond, pataud et déjà complexé", s'amuse aujourd'hui Christian Séranot. Il se rappelle malgré tout de trois années passionnantes et enrichissantes. C’est aussi à Dakar qu’il a découvert les injustices sociales, le fait que certains enfants devaient travailler et pas d’autres.
Pendant les vacances, la famille se rendait en Martinique. A l'âge de 16 ans, Christian Séranot y est resté plus longuement. Son père lui avait offert Le cahier d'un retour au pays natal d'Aimé Césaire. "Je me posais des questions sur mon origine. (...) J'ai fait la connaissance de certains cousins, j'ai appris à danser. J'ai toujours été maladroit. Les Antilles me sont devenues familières à partir de ce voyage-là", raconte Christian Séranot dans #MaParole.
Au lycée, le futur éditeur a fait ses classes à Djibouti, un lieu dont il garde des souvenirs émerveillés. Après le bac, Christian Séranot est parti à Paris pour y faire des études de littérature. Mais là, le bon élève a préféré faire la fête et surtout ne pas étudier. Informée par la famille en région parisienne, sa mère, soucieuse de son avenir, lui a envoyé un billet d’avion pour Djibouti. Elle lui avait même trouvé un emploi d’instituteur.
Christian Séranot n’a jamais regretté d’avoir suivi l'injonction de sa mère. Djibouti et en particulier Obock l’ont inspiré à jamais. Obock, c'est dans cette petite ville côtière où Rimbaud, le poète devenu trafiquant d'armes, avait échoué. Pour Christian Séranot, ces deux années à Obock durant lesquelles il a exercé le métier d'instituteur ont été passionnantes. Mais il a fallu reprendre le chemin de l'université et Christian Séranot a décidé de revenir à Paris pour y étudier la philosophie.
#2 Du Rocher au Serpent à plumes
À Paris, Christian Séranot a poursuivi ses études puis il s’est lancé dans le journalisme. Il a été repéré par le groupe Hersant grâce à ses chroniques littéraires écrites dans le bulletin de l’UGAG, L’Union des Guyanais et Amis de la Guyane présidée par Henriette Dorion-Sébéloué.
Embauché à l’hebdomadaire France-Antilles, Christian Séranot a alors commencé à rencontrer des personnalités qui l’ont petit à petit mené vers l’édition. En premier lieu Daniel Radford, son mentor "éditeur à l'âge de 30 ans". Ce Guadeloupéen était alors à la tête de Seghers, la maison d’édition qui a publié Maryse Condé (prix Nobel alternatif de littérature en 2018). Quand il a rencontré Christian Séranot, il l’a poussé à s’orienter vers ce milieu alors très fermé.
Le journaliste a aussi fait la connaissance de Simone Gallimard, la belle-fille de Gaston Gallimard, le créateur de la célèbre maison d’édition. Elle dirigeait alors le Mercure de France. Christian Séranot a régulièrement rencontré et échangé avec l’éditrice qui lui a donné de précieux conseils tout au long de sa carrière. "Elle m'a beaucoup appris. Elle connaissait bien les dessous de l'affaire Emile Ajar/ Romain Gary", se souvient-il.
Grâce à Daniel Radford, il est entré aux éditions Stock, vieille maison connue pour avoir publié les écrits d’Alfred Dreyfus, puis plus tard ceux de James Baldwin. "Quand on entrait dans le hall, il y avait une magnifique photo de James Baldwin", se souvient avec émotion Christian Séranot dans #MaParole. Il a publié au côté de Claude Durand, Raphaël Confiant, Xavier Orville, Rachid Mimouni et Gisèle Pineau. Après Stock, il a travaillé chez Lattès, aux éditions du Rocher puis au Serpent à plumes. Au Serpent à plumes, il y passait sa vie, dormant régulièrement au bureau pour pourvoir finir de lire et d’annoter des manuscrits.
Il se souvient dans #MaParole de ce jour où est arrivé un pli contenant le manuscrit d’un certain Serge Bilé qu’il ne connaissait pas. Il s’agissait d’un texte sur les noirs dans les camps de concentration. Il a fait publier Noirs dans les camps nazis et ce livre a été l’un des best-seller du Serpent à plumes.
#3 La justice, le bonheur et La Fouine
Christian Séranot a aussi travaillé à la télévision pour RFO. Il était rédacteur en chef de Voix au chapitre présenté par Daniel Picouly et Karine Lemarchand. Il a ensuite intégré la maison d’édition Philippe Rey pour laquelle il œuvre encore. Avec cette maison d’édition, il a publié des auteurs tels que Gisèle Pineau, Christiane Taubira et Lilian Thuram. Il se rappelle en particulier de Mes étoiles noires de Lilian Thuram ou de L’esclavage expliqué à mes filles de Christiane Taubira.
Christian Seranot a choisi ce métier d’éditeur par passion des livres, mais surtout des écrivains. Il a noué de solides amitiés avec Patrick Chamoiseau, "la personne la plus généreuse que je connaisse", Edouard Glissant et Roland Brival qu’il a aimés suivre et éditer.
Il a aussi à son tour écrit des livres sur des sujets très variés : les juges d’instruction, la prison, le bonheur, l’amitié franco-islandaise. Il a même rédigé la biographie d’un rappeur très connu : La Fouine, ami de son fils Orson. Très attaché à la ville de Sarcelles, Christian Séranot a été élu en juin 2020 au conseil municipal chargé de la communication. Il donne aussi des cours de littérature à l’Université catholique de Lille.
Prise de son : Denis Deygout
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♦♦ Christian Séranot en 5 dates ♦♦♦
►1989
Responsable de la rédaction parisienne de France-Antilles hebdo
►1993
Secrétaire général et créateur du Prix des hémisphères avec Chantal Lapicque
►Mars 2004
Directeur littéraire des éditions Le Serpent à plumes
►2008
Editeur et conseiller éditorial chez Philippe Rey
►13 novembre 2013
Co-auteur de Drôle de parcours (Flammarion) avec La Fouine et Karim Madani