Ils font partie de ces 150 citoyens tirés au sort et chargés par le gouvernement de "définir les mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40% d'ici à 2030 par rapport à 1990". Tous les cinq se sont très vite retrouvés et ont fondé un petit groupe informel des Outre-mer qui a souhaité peser dans les débats.
Percée verte aux municipales
Au lendemain du second tour des municipales qui a vu plusieurs grandes villes remportées par EELV (Europe Ecologie les verts), les conventionnaires ont été reçu au palais de l’Elysée à Paris. Six membres de la Convention citoyenne pour le climat tirés au sort ont pu présenter succinctement au président la démarche et le contenu de leurs propositions.Emmanuel Macron leur a fait part de sa volonté d’aller vers plus d’écologie, dans une certaine mesure, et de continuer à solliciter les membres de la Convention.
Pas de blanc-seing
Après le discours du président, aucun des membres ultramarins de la Convention citoyenne ne donne de blanc-seing au gouvernement. Ils attendent tous de voir les mesures préconisées par la Convention mises en œuvre. Mais pour certains dont le Réunionnais Guillaume Robert, il y a un sentiment de "satisfaction". Emmanuel Macron a "tenu sa promesse", déclare cet assistant d’éducation à Outre-mer la 1ère.Je m’attendais à ce qu’il valide certaines mesures, mais pas dans cette proportion-là. 146 mesures, c’est fantastique. Maintenant j’attends qu’il passe aux actes. Les paroles c’est bien, les actes c’est mieux.
Le Réunionnais attend donc avec impatience la suite, c’est-à-dire, le débat parlementaire sur les propositions de la Convention.
Guillaume Robert est aussi "satisfait" car la convention dispose "d’un droit d’alerte". Ses membres seront associés à la poursuite du processus. Emmanuel Macron a d’ailleurs précisé que des groupes de travail seraient constitués dès mardi et que le président de l’Assemblée nationale recevrait les membres de la Convention "dès le mois prochain".
Rencontre avec le président
Toutefois Guillaume Robert déplore un peu le fait que le Président ait très peu évoqué les Outre-mer. A la fin du discours, il a été le voir directement pour lui en faire part. "Je lui ai dit de mettre le paquet sur les investissements Outre-mer et en particulier le recyclage dans lequel on a beaucoup de retard".Le Réunionnais, comme tous ses camarades d’Outre-mer, espère que la Convention citoyenne aura aussi des déclinaisons dans chacun des territoires hors de l’Hexagone.
Boycott de la cérémonie à l'Elysée
Natacha Turko, elle, a préféré ne pas venir au palais de l’Elysée par conviction politique. La jeune étudiante guyanaise installée à Montpellier se dit "sceptique" depuis le début de la Convention citoyenne.C’est un discours très politique avec de jolis mots. Au vu du résultat des municipales, le président n’avait pas d’autre choix que d’être complaisant avec la Convention citoyenne et les questions écologiques car on voit que ça préoccupe beaucoup les Français. J’avoue ne pas être convaincue, j’attends les actes face à l’urgence climatique.
Toutefois l’étudiante guyanaise reconnait un mérite à cette convention : "Elle aura permis un débat sur la société que l’on souhaite pour le futur". Natacha Turko plaidait en faveur de la baisse du temps de travail, une proposition qui a été abandonnée par la Convention. Mais elle n’en tire aucune amertume. Elle s’avoue "contente" d’avoir participé à "cette expérience formidable et très utile", mais l’invitation à l’Elysée, elle ne souhaitait pas y donner suite.
"Je ne crois pas en l’honnêteté d’Emmanuel Macron et d’une réelle volonté de mettre en œuvre une politique écologique car ce n’est pas compatible avec un programme économique libéral basé sur la surproduction, la surexploitation des travailleurs et de la terre", déclare-t-elle à Outre-mer la 1ère. "Face au discours "verdoyant" d’Emmanuel Macron, J’attends de voir ce que vont devenir tous les permis d’exploration minière en Guyane par exemple", insiste-t-elle.
La jeune femme salue le travail de la Convention et de ses membres et fait entièrement confiance à ses collègues. "Mes camarades ultramarins sont bien présents et je suis bien représentée", ajoute-t-elle. Elle aussi plaide pour "des petits frères et sœurs" de la Convention dans les collectivités d’Outre-mer.
L'abandon des 110km/h
"Il y a eu beaucoup de points positifs car le président a validé la majorité de nos propositions" (NDLR, 146 sur 149 présentées), note pour sa part la Guadeloupéenne Alexia Fundere. Et pour les trois mesures rejetées, les explications ont été "claires" selon l’étudiante, en particulier sur la limitation de la vitesse à 110 km/h sur les autoroutes préconisée par la Convention.Emmanuel Macron a préféré mettre de côté cette proposition pour éviter qu'elle ne "s'abîme dans une polémique" et connaisse le "même sort" que la mesure des 80 km/h.
Pendant toute la période de la Convention citoyenne pour le climat, Alexia Fundere s’est prise de passion pour les questions environnementales au point d’aller mener des interviews en Guadeloupe, chez elle, sur le chlordécone.
Le crime d'écocide
C’est ainsi que la jeune femme s’est intéressée au crime d’écocide, une mesure qu’elle appelait vraiment de ses vœux et à laquelle le président a longuement fait référence dans son discours. "Il s’engage à faire passer cette proposition au niveau national et international", salue la Guadeloupéenne.Alexia Fundere nous donne la définition du crime d’écocide : "c’est le fait de reconnaitre et de punir une modification néfaste pour l’environnement et d’en réparer les dommages causés". Pour elle, "les conséquences du chlordécone auraitent pu être prises en compte plus rapidement si ce scandale avait été considéré comme un crime d’écocide reconnu par la loi".
C’est pourquoi elle est reconnaissante à Emmanuel Macron de faire en sorte d'inscrire ce crime dans le droit international et de réfléchir à la façon de l'intégrer dans le droit français comme il l’a déclaré.
Le peu "d'écho" des Outre-mers
Carl S. se dit lui aussi "satisfait" de ce parcours qu’il a mené avec la Convention citoyenne pour le climat. Cet étudiant guadeloupéen en école de commerce à Rennes rend hommage à cette organisation "inédite et surprenante", il salue aussi la volonté du président de vouloir "valoriser les travaux de la Convention"."On a donné beaucoup de notre temps, de notre énergie. On a beaucoup travaillé, on y passé des week-ends. J’ai l’impression qu’on a fait un peu notre part". Seul bémol pour ce Guadeloupéen : le peu "d’écho" des Outre-mer. "On a pourtant écrit une lettre au président dans laquelle on demande des conventions citoyennes locales. J’aurais aimé que le président en parle, mais je ne sais pas s’il a pu la lire", déclare-t-il à Outre-mer la 1ère.
Malgré tout, après cette aventure, le Guadeloupéen se dit "optimiste". Il espère qu’il y aura "des fonds Outre-mer pour développer les pistes cyclables" et créer enfin de "vrais transports en commun dont on manque cruellement localement".
Points mensuels avec le gouvernement
Etudiant en école de commerce à Clermont-Ferrand, Tristan Dourouguin est, lui aussi, venu assister à cette grand-messe élyséenne organisée pour mettre en valeur les travaux de la Convention citoyenne.Le jeune réunionnais ne s’attendait pas "à des réponses aussi concrètes". Il est globalement "content" et "rassuré" que la Convention soit associée à la suite des travaux et se félicite de la prochaine rencontre avec le président de l’Assemblée nationale. Il voit aussi d'un oeil favorable la mise en place de points mensuels de la Convention avec le gouvernement.
Calendrier
Le président de la République a en effet déclaré qu’il souhaitait que les propositions de la Convention qui sont prêtes soient mises en oeuvre au plus vite en indiquant que certaines seraient abordées lors d'un prochain Conseil de défense écologique d'ici fin juillet. Des mesures figureront dans le plan de relance économique, écologique et social, qui sera soumis au parlement dès la fin de l'été, a-t-il également annoncé.Des groupes vont être mis en place dès mardi pour travailler sur les mesures qui méritent d'être encore affinées ou complétées. Le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand recevra les membres de la Convention dès le mois prochain.