Comment le fournisseur des restaurants créoles parisiens a su rebondir en pleine crise sanitaire

Damien Delbart livrant des saucisses fumées à Sylvain Gaungoo, gérant de la Charrette Créole (Paris VIème).
Damien Delbart et sa société Man'tine saveurs ont dû s'adapter pendant le confinement. Le grossiste spécialisé dans les produits alimentaires créoles a élargi sa clientèle pour faire face à la fermeture des restaurants réunionnais, antillais et plus largement caribéens.
C’est la mi-journée. Damien Delbart a fini sa tournée dans le 14ème arrondissement de Paris. “Normalement, j’y suis tous les jours, la zone du quartier de Montparnasse, c’est un triangle d’or au niveau de la restauration créole." Mais le coronavirus et le confinement sont passés par là.
Damien Delbart est grossiste alimentaire. Sa société, Man’tine saveurs, fournit restaurateurs créoles et épiceries exotiques de Paris et de sa petite couronne en charcuterie, viande fraiche, fruits et légumes exotiques, morue salée et autres boissons et condiments. Man'tine pour "Manman Clémentine", un hommage à la grand-mère de son associée Bénédicte, une Guyanaise rentrée au pays.


Restaurants : 85% de son chiffre d'affaires

Ti Case Créole, Ile de la Réunion, La Créole, Aux Petits Chandeliers, Caffé Créole, Gwada Café... Depuis la réouverture des restaurants - ou du moins, de leurs terrasses en Ile-de-France -, le grossiste travaille à nouveau quotidiennement à Paris, mais certains restaurants ne font appel à lui que deux fois par semaine, à l'image de La Charrette Créole, située dans le 6ème arrondissement. “Globalement, avec les restaurants ouverts, je fais 25 à 30% des volumes habituels ( c'est-à-dire d'avant la crise sanitaire, ndlr ). On est loin du compte… pour eux!”
Car malgré les difficultés rencontrées, Damien s’estime chanceux. "Moi, à la rigueur, si je ne vends pas, je n’achète pas. Et puis, j’ai la chance d’être mobile.”  Cette mobilité, Damien l'a exploitée assez rapidement finalement, pendant le confinement.
Damien Delbart, devant La Charrette Créole, Paris VI
Le début de la crise a évidemment été très brutal pour le grossiste qui travaille aussi pour de l’événementiel. Première alerte : la fermeture avancée du salon de l’agriculture - "j’avais déjà livré mes clients le samedi pour le dimanche, mais pour eux, c’était rude"-. 
Finis, donc, les salons et festivals (type Solidays), pour un temps en tout cas. Mais le coup de grâce, c'est bien sûr la fermeture des restaurants. En temps normal, Damien Delbart réalise 85% de son chiffre d’affaires avec eux, livrant six jours sur sept . S'il reconnaît avoir été "sonné" les deux premières semaines, l'entrepreneur s'est "réveillé" assez vite.
 

Diversification de la clientèle

En se rendant à Rungis la deuxième semaine du confinement, il découvre ces files d’attente qui n’en finissent pas devant les boucheries et autres petits commerces, “comme au temps du rationnement.”  “Même si les restaurants s’effondraient, le commerce ailmentaire, lui, ne s’effondrait pas." Le grossiste décide alors de proposer ses services (saucisse fumée, poitrine) aux boucheries traditionnelles. Il faut dire qu à la base, le coeur de son métier, c’est cette charcuterie, fabriquée dans l‘Hexagone.

J’avais des contacts, je connaisssais des gens que je vois habituellement à Rungis. J’ai activé un réseau dormant.
-Damien Delbart, gérant de Man'tine Saveurs


"J’ai appelé les clients qui avaient des boutiques en leur disant : moi, je peux vous livrer tous les jours. Certains avaient peur d’aller eux-mêmes à Rungis.” Dès la troisième semaine de confinement, Man’tine saveurs reprenait son rythme de croisière, c’est-à-dire des livraisons quotidiennes. A l’époque, l’entrepreneur se dit : "il faut être présent, apporter du service. Les gens se souviendront.”

Mais Damien Delbart a conscience d’avoir pris quelques risques, il a eu peur de “sortir et de contaminer sa famille”. "Ce n’était pas évident. Ma femme et mes enfants sont asthmatiques. Mais je n’avais pas le choix. Au début, on ne savait pas pour les aides.”
Le Ti Case Créole ( Paris 14) fait partie des restaurants que Damien Delbart fournit.
Depuis, Damien Delbart a donc diversifié sa clientèle : des boucheries traditionnelles achètent ses produits fumés, il a aussi démarché des nouvelles épiceries exotiques, sur Créteil, Bobigny, Villetaneuse... Parmi elles Bao, le marché du soleil, à Saint-Denis. “Ils ont cartonné, eux!” 
Damien Delbart a même réussi à vendre sa gamme de charcuterie Man’tine à certains grossistes de Rungis qui la redistribuent, à leur tour, en province ou ailleurs en région parisienne.


Touché, mais pas coulé

Un mois après le début du déconfinement, Man’tine saveurs réalise entre 35 et 40% de son chiffre d’affaires d’avant la crise. “Ça peut paraître peu, mais en fait, c’est bien", convient l’entrepreneur. “De toute façon, je n’aurais pas pu faire plus pendant le confinement”, conclut-il.
Damien attend maintenant la réouverture complète des restaurants en région parisienne et espère que son activité événementielle pourra reprendre à la rentrée.