Comment la réforme des retraites pourra-t-elle être appliquée en Outre-mer ?

Le rapport d'information sur l'impact de la réforme des retraites dans les Outre-mer a été présenté devant la délégation aux Outre-mer de l'Assemblée nationale ce 10 février. Malgré les divergences entre les parlementaires, le rapport a été adopté par la majorité. 
Ce rapport d'information a été présenté à la délégation par trois rapporteurs, aux couleurs politiques très différentes : Serge Letchimy, député du groupe Nouvelle Gauche en Martinique, Mansour Kamardine, du groupe Les Républicains à Mayotte et Sophie Panonacle, députée La République en Marche de Gironde. Malgré les désaccords, ils ont réussi à faire front commun. Serge Letchimy a d'ailleurs déclaré au début de la présentation : "Je suis contre ce projet de loi, mais radicalement contre". La majorité des députés ayant travaillé sur l'élaboration de ce rapport sont d'ailleurs issus de l'opposition.
  

Trois axes principaux

Sophie Panonacle a commencé par résumer les aboutissements du rapport, sur trois grands axes : la sur-rémunération des fonctionnaires en Outre-mer, les retraites des agriculteurs, plus faibles en Outre-mer que dans l'Hexagone, et les réticences vis à vis de l'Allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa). La question de la sur-rémunération avait déjà été évoquée par Annick Girardin le 28 janvier. Les rapporteurs préconisent de mettre en place un simulateur pour le calcul des retraites, mais surtout d'étudier le mécanisme du niveau de cotisation, et d'intégrer la sur-rénumération au calcul de la retraite. Autrement dit : cotiser plus, ce qui ferait diminuer le pouvoir d'achat et les immédiates à court terme, mais potentiellement avoir une retraite plus avantageuse sur le long terme. Tous étaient d'avis de maintenir la sur-rémunération à son niveau actuel, pour lutter contre la vie chère en Outre-mer. 
 
Deuxième point : les retraites des agriculteurs. Selon la députée LREM, si la retraite des agriculteurs est déjà faible dans l'Hexagone (environ 375 euros en moyenne), elle l'est encore plus en Outre-mer (il y aurait 200 euros de différence avec l'Hexagone). La raison : l'absence de carrières complètes, liée au travail informel. Le rapport préconise donc de revaloriser ces retraites, avec un dispositif pour reconnaître le travail informel. 

Enfin, Sophie Panonacle a évoqué la méfiance des Ultramarins envers l'Aspa, qui sert de complémentaire à la pension minimale. Beaucoup refusent d'y avoir recours car cela pose des problèmes par rapport à la succession. Souvent, "le seul bien que possèdent les agriculteurs, c'est leur logement", précise-t-elle pour illustrer son propos. Et comme l'Aspa est une avance plus qu'une allocation, elle doit être remboursée après le décès de la personne. Ce qui veut souvent dire ne pas laisser d'héritage à la famille afin de pouvoir faire ce remboursement. Les rapporteurs demandent donc à ce que l'habitation principale soit exclue du champ de recouvrement sur la succession de l'Aspa, mais aussi de faire plus de publicité autour de ce dispositif afin qu'il soit connu par plus de gens pour lutter contre la précarité. 
  

Quelques ajouts  

Une fois la présentation terminée par les trois rapporteurs, d'autres députés ont pu exprimer leurs points de vue sur ce rapport. Il a été convenu de rajouter la proposition d'une mise en place d'un comité de suivi constitué d'acteurs locaux, sociaux et parlementaires pour l'instauration de cette réforme en Outre-mer. Serge Letchimy a fortement insisté sur l'importance des négociations si un tel comité venait à être mis en place, car selon lui la parole des acteurs, locaux comme parlementaires ou sociaux, n'était pas toujours prise en compte par le gouvernement. Ce qui pourrait être difficilement tenable pour un dossier aussi épineux que la réforme des retraites.