Conditions d'incarcération à Nouméa : il reste beaucoup à faire, critique l'Observatoire international des prisons

Photo d'une cellule de la prison Camp-Est de Nouméa en Nouvelle-Calédonie
Alors que le Conseil d'État a fait le bilan deux ans après ses injonctions à améliorer la salubrité du centre pénitentiaire de Nouméa, la Section française de l'OIP dénonce l'inaction de l'État et appelle le gouvernement à agir plus vite.

Installations électriques défaillantes, excréments et détritus dans les cours et les cellules, enfermement dans des "conteneurs maritimes", manque de luminosité… En 2020, le Conseil d'État avait souligné les conditions dégradées de détention dans lesquelles les prisonniers de la maison d'arrêt de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, vivaient, enjoignant le ministère de la Justice à tout mettre en œuvre pour remédier à ces problèmes d'insalubrité et de sécurité.

Dans une décision du 11 février 2022, la haute juridiction administrative a fait le bilan point par point sur les mesures prises, depuis, par l'État. Résultat : "les conditions d’hygiène au sein du centre pénitentiaire de Nouméa se sont améliorées au cours de l’année 2020", ont reconnu les juges. Mais les conditions d'incarcération n'y sont pas devenues idéales pour autant.

"Il faudrait fermer" le centre pénitentiaire

La Section française de l'Observatoire international des prisons (SFOIP), association qui milite pour le respect des droits de l'homme en milieu carcéral, estime que "cet établissement, il faudrait le fermer", tellement les conditions de vie y sont déplorables.

En novembre 2019, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) avait constaté l'insalubrité au sein de ce centre pénitentiaire surpeuplé et délabré.

Au centre pénitentiaire de Nouméa, certains prisonniers sont logés dans des containers.

Depuis, rien, ou presque, n'a été fait pour améliorer les conditions de détention dans la prison de Nouméa, déplore Nicolas Ferran, responsable du pôle contentieux de la SFOIP, qui a piloté le volet judiciaire devant le Conseil d'État.

Agir vite

Dans son bilan, qui arrive deux ans après les injonctions du Conseil d'État du 19 février 2020 et du 19 octobre de la même, la juridiction dénote tout de même des améliorations : "le centre pénitentiaire de Nouméa a installé des espaces "laverie" dans chaque bloc", "l’administration a engagé un prestataire pour un traitement de désinsectisation des moustiques", "l’ancien espace d’attente, jugé indigne, a été détruit dans le cadre des travaux du quartier disciplinaire et d’isolement"...

Mais l'État accuse des manquements sur d'autres aspects, souligne toutefois le Conseil d'État, notamment en ce qui concerne les sanitaires et les points d’eau du quartier des mineurs, qui sont restés dans "un état de délabrement et d’insalubrité caractérisé", ou encore le difficile accès à des médecins addictologues pour les prisonniers qui en ont besoin.

"Le Conseil d'État a été un peu vite en besogne concernant certaines injonctions", critique Nicolas Ferran. Pour la plupart des points évalués par la haute juridiction, il est mis en avant que "l’administration a engagé, au cours de l’année 2021, un projet de réfection de l’ensemble de l’établissement, dont le marché de maîtrise d’œuvre a été signé le 15 juin 2021, pour une durée de 4 ans". Or, l'état de la prison de Nouméa appelait des mesures urgentes.

"À chaque fois, on nous dit qu'il y a des travaux qui vont être faits", s'agace le membre de la SFOIP, "mais ça veut dire que ce n'est toujours pas fait". Pour Nicolas Ferran, face à la gravité de la situation, l'administration doit agir vite.

Cet établissement est notoirement connu comme offrant des conditions de détention absolument dures et indignes.

Nicolas Ferran

Responsable du pôle contentieux de la SFOIP

1000 euros d'astreinte

Pour l'Observatoire international des prisons, qui estimait déjà que les injonctions du Conseil d'État émises il y a deux ans n'étaient pas suffisantes, la juridiction "a en quelque sorte couvert la lenteur de l'administration en considérant dans certains cas que, l'existence de projets de travaux suffisaient à considérer que c'était en cours d'exécution".

Reste que le ministère de la Justice pourrait devoir payer une astreinte de 1000 euros par jour si des mesures ne sont pas prises dès le mois prochain, notamment sur la question de l'accès par les prisonniers à des téléphones fixes, ainsi que l'installation de moustiquaires sur les fenêtres des salles d’enseignement et des cellules.