Confinement, manifestations, grèves : la résilience d’une commerçante saint-martinoise à Paris

Malgré le retard pris pendant le confinement, quelques pièces estivales sont déjà en vente.
Relever la tête, c’est le défi des petits commerçants après deux mois de confinement et une fermeture forcée. Milkaya Laïjah a ouvert en décembre une boutique de vêtements au cœur de la capitale. Un rêve accompagné de nombreux imprévus que la native de Saint-Martin entend surmonter coûte que coûte.
Milkaya a ouvert sa boutique de prêt-à-porter à Paris début décembre 2019, avant les grèves qui ont paralysé la ville et le confinement qui l’a vidée de ses passants. Malgré des obstacles inattendus, la Saint-Martinoise croit en l’avenir des petits commerces et compte tout faire pour relancer la machine.
 

Cousu main et sur place

Elle loue un petit local au cœur du 1er arrondissement de la capitale. Son fonds de commerce : le prêt-à-porter principalement, un peu de sur-mesure aussi, le tout fait main et sur place. Un rêve que nourrissait la créatrice caribéenne depuis qu’elle a lancé sa première marque "Milkaya Laïjah" en 2015. Jusqu'ici, les ventes se faisaient grâce à un bon réseau et un site internet. 

Après quelques années passées à imaginer, dessiner et coudre des vêtements dans son appartement, elle a franchi cette nouvelle étape. C’était en décembre. Depuis, les défis à relever ont été nombreux : l'arrêt complet des ventes mi-mars s'est combiné aux dépenses habituelles, "loyer à payer, charges à payer, prêt à rembourser"

Et la reprise s'annonce morose, selon la Fédération nationale de l'habillement. Moins de 50 % des consommateurs se disent prêts à racheter des vêtements dans l'immédiat. Le chiffre d'affaires du secteur pourrait chuter de 40 % en 2020. Mais pas question pour Milkaya de baisser les bras. Celle qui se décrit comme "optimiste mais très très très émotive" espère que les petits commerces, comme le sien, vont tirer leur épingle du jeu. 
 

Collection printemps-été retardée

Le déconfinement a été amorcé le 11 mai à Paris, mais il a fallu quelques jours supplémentaires avant de déverrouiller la porte vitrée de la boutique. Car pour pouvoir, de nouveau, accueillir des clients, la commerçante originaire de Saint-Martin a dû rapporter son matériel, relancer la machine à coudre et réaménager l'espace.
Les jupes patineuses sont les premières pièces estivales exposées.

Pour ce retour aux affaires, c’est une nouvelle pièce de sa collection qui fait des ravages : le masque. Signe que les temps ont (au moins un peu) changé. "Dans un but éthique, écologique et aussi économique, j’avais prévu de faire des petits chouchous, des petites choses assez funs, avec mes chutes de tissu, explique la styliste. Mais, crise sanitaire oblige, je me retrouve à faire des masques."

Pour les pièces moins insolites, c'est plus compliqué. "La confection de ma collection printemps-été a été retardée", regrette Mikaya. Le mois d'avril et ses beaux jours, qui devaient galvaniser les premières ventes de pièces estivales, resteront associés à un zéro pointé pour les commerces, en dehors de ceux qui proposent des biens de première nécessité.

Pourtant, la Saint-Martinoise relativise : "tout ce que je vis, les grèves, le confinement, je ne suis pas la seule à les vivre. Je vois ça comme des challenges à remonter."
 

Débuts délicats

Ouvrir une boutique à Paris, c’était un rêve que Milkaya nourrissait depuis ses débuts dans la mode. Le bail signé, elle réalise des travaux pour aménager la boutique, transforme la cave en atelier, s'approvisionne en tissu et s'adjoint l'aide d'une jeune couturière indépendante. Tout cela grâce à un prêt de 7000 euros contracté auprès de l'Association pour le droit à l'initiative économique (Adie). L'aventure peut démarrer.
La boutique se trouve dans une petite rue de l'hyper-centre parisien.

L'ouverture se fait alors que des manifestations de gilets jaunes ont lieu à Paris et alors que démarrent, quelques jours plus tard, les grèves de la SNCF et la RATP qui vont paralyser les transports en Île-de-France. Résultat, les clients sont moins nombreux et se rendre jusqu'à sa propre boutique devient un défi quotidien pour Milkaya qui habite dans la banlieue sud de Paris.
 

Réconfort

"Heureusement, il y a eu des soldes en janvier et les pièces soldées sont très bien parties, sourit la commerçante. Et vous savez comment c'est, on vient pour les soldes et on craque sur autre chose..." Quelques semaines plus tard, quand le confinement est instauré et qu'il faut fermer boutique, l'Adie lui propose un report des mensualités de son prêt. "Ça change vraiment les choses pour moi dans le sens où j'ai pu utiliser cet argent-là dans la confection."

Depuis, l'heure du déconfinement a sonné. "Les mensualités vont reprendre et je suis contente parce que mon commercre repart aussi". Compte-tenu des dimensions de la boutique, trois ou quatre clients maximum pourront s'y trouver ensemble afin de respecter les règles sanitaires. Rien d'inhabituel. 
 

L’après-crise, un espoir

Et si les petits commerces tiraient leur épingle du jeu après la crise sanitaire ? "Peut-être que les gens vont jouer sur la prudence et préférer venir dans une petite boutique en sachant que leur santé ne risque rien", espère Milkaya qui y voit une opportunité.

La créatrice saint-martinoise veut croire que, dans les prochains mois, les clients vont fuire les grands magasins pour éviter les foules. Et peut-être reprendre goût à d'anciens modes de consommation, en achetant localement des produits inédits.