Les 150 citoyens tirés au sort doivent rendre ce dimanche 21 juin leurs propositions finales. Ils ont été guidés dans cette tâche par un objectif très clair fixé par le gouvernement : "atteindre une baisse d'au moins 40% des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 dans un esprit de justice sociale".
On ne sait pas encore si Emmanuel Macron viendra lui-même recevoir dimanche le résultat des travaux de la Convention. Les citoyens sélectionnés se sont donc livrés à un exercice inédit de démocratie dans une république française très jacobine.
►Groupe informel d'Outre-mer
Parmi eux, cinq jeunes originaires des Outre-mer qui se sont totalement investis dans l’aventure. Très vite, ils ont pris conscience que les Outre-mer avaient des spécificités qu’il fallait faire remonter. Ils ont pu se faire entendre et constituer un groupe informel, en plus des cinq groupes officiels Se Loger, Consommer, Se nourrir, Produire et travailler et Se déplacer.Pour l’instant, les quelques 150 mesures proposées au gouvernement n’ont pas été définitivement adoptées. Mais Outre-mer la 1ère a demandé à chacun des jeunes d’Outre-mer quelle mesure était à ses yeux la plus importante ?
►Education à l'environnement
Guillaume Robert vit à La Réunion où il travaille comme assistant d’éducation dans un collège. Originaire de la commune des Avirons, il est très impliqué dans une association en faveur de l’environnement, Roulé mon Z’Avirons. La Convention citoyenne pour le Climat l’a passionné et il n’a pas hésité à faire des allers-retours de La Réunion pour participer aux débats. Pour lui la mesure phare de la Convention, c’est l’éducation à l’environnement.
L’éducation est un véritable levier pour changer les comportements. C’est elle qui va conditionner notre avenir. Eduquer à se nourrir, à se déplacer, à travailler, c’est essentiel !
Pour le Réunionnais cette éducation à l’environnement doit s’adresser à l’ensemble de la population, "les jeunes bien sûr mais aussi les adultes par le biais de la formation continue et surtout les élus afin qu’ils changent réellement leur manière de travailler".
Guillaume Robert qui travaille actuellement dans un collège aimerait que les élèves aient 1 heure hebdomadaire d’éducation à l’environnement. "En histoire-géo,les professeurs pourraient parler des COP (Conférences sur le climat) par exemple ou du commerce équitable, mais aussi en mathématiques en calculant la superficie que prennent les déchets à La Réunion".
Le Réunionnais de 24 ans estime que cette convention n’a pas changé sa vie car il était déjà très sensible aux questions d’environnement, mais la façon très organisée dont les débats ont eu lieu lui a beaucoup appris."C’est une vraie leçon de vie cette convention", dit-il. Son seul regret : il aurait aimé des mesures spécifiques pour les Outre-mer et non pas seulement des amendements, même si la possibilité d'amender les mesures a fait l’objet d’un combat de la part des cinq jeunes d’Outre-mer.
C’est donc avec une certaine émotion qu’il va se rendre à cette dernière session de la Convention. Guillaume Robert aimerait maintenant que cette convention fasse des "petits" Outre-mer. Pourquoi ne pas imaginer une telle instance citoyenne se mettre en place dans chacun des territoires ? Le Réunionnais y croit et espère que l’aventure se poursuivra localement.
♦♦ L'interview radio de Guillaume Robert à écouter ci-dessous :
Guillaume Robert
►Crime d'écocide
Elle fait partie des piliers du groupe informel Outre-mer de la Convention citoyenne pour le climat qui a pu amender les propositions de la Convention. Alexia Fundere, étudiante originaire de la Guadeloupe ne pourra pas venir physiquement à la 7e et dernière session, mais elle suivra en ligne les débats et participera aux votes. Actuellement en Guadeloupe, elle aurait pu partir ce 18 juin, mais elle ne pouvait envisager qu’un retour le 28 juin, avec la crainte d’une annulation au dernier moment."Je vais poursuivre l’aventure jusqu’au bout, dit-elle à Outre-mer la 1ère, mais avec la distance ce n’est pas la même chose". En DU sur les troubles de la maladie d’Alzheimer à la faculté de médecine de l’université de Montpellier, la jeune femme de 22 ans s’est passionnée pour les travaux de son groupe (Se nourrir).
La mesure qui lui tient le plus à cœur est la reconnaissance du crime d’écocide. Qu’est-ce que l’écocide ? Selon les députés français qui avaient œuvré en décembre 2019 pour une telle mesure, en vain, il s’agit de "toute action concertée et délibérée tendant à causer directement des dommages étendus, irréversibles et irréparables à un écosystème, commise en connaissance des conséquences".
Or s’il y a crime, il y a sanction et réparation. Alexia Fundere ne peut s’empêcher de penser que si un tel crime avait été prévu par la législation française, la lutte contre les ravages causés par le chlordécone aurait pu être plus efficace.
On pourrait ainsi rechercher et dépister les cancers de la prostate causés par le chlordécone. Travailler à dépolluer ou nettoyer les sols pour qu’enfin nous puissions avoir une indépendance alimentaire en Guadeloupe ou en Martinique.
Le chlordécone a en effet durablement empoisonné les sols et la mer aux Antilles à tel point que certains tubercules et poissons sont interdits à la consommation. La jeune femme a elle-même mené des interviews en Guadeloupe en décembre où elle a rencontré des chercheurs pour parler du chlordécone et de ses méfaits.
Alexia Fundere espère qu'Emmanuel Macron viendra dimanche recevoir lui-même les propositions de cette Convention dont il favorisé la création à la suite du mouvement social des gilets jaunes. "Cela donnerait vraiment du poids à notre action", déclare-t-elle.
Elle aussi, estime que cette Convention a été très formatrice. Il a même fallu se battre un peu pour que les Outre-mer fassent entendre leurs voix. "Nous avons des contraintes géographiques, climatiques très différentes de celles de l’Hexagone. Outre-mer, il y a aussi très peu de recyclage et d’investissements en faveur de l’environnement. Tout est importé. Il fallait faire entendre notre son de cloche", estime la jeune femme.
Alexia Fundere qui va poursuivre ses études en Master1 sur les produits de santé pour les personnes âgées, se montrera "attentive" à la mise en œuvre des mesures préconisées par la convention.
►Développer les transports publics
Pour Carl S. (il ne veut pas dévoiler son nom), la Convention citoyenne pour le climat représente aussi un évènement fondateur dans sa vie personnelle. Etudiant dans une école de commerce à Rennes, ce Guadeloupéen de 21 ans a ressenti "de la liberté, mais aussi une sorte de pression" au moment des sessions. "Nos travaux sont remis au gouvernement, dit-il à Outre-mer la 1ère, c’est une grosse responsabilité".Le jeune homme s’estime chanceux d’avoir participé à cet événement "inédit", il pense aussi que la convention a fait "son maximum". Pour lui qui se trouvait dans le groupe Se déplacer, la question des transports est primordiale.
Pour moi, toutes les mesures qui visent à développer les transports publics sont essentielles. Il faut investir massivement dans les transports collectifs en particulier dans les Outre-mer où ils sont quasiment inexistants. Là on pourra enfin changer la donne. Actuellement, il n’y a pas d’alternative à la voiture en Guadeloupe que je connais bien. Si je retourne là-bas, je suis obligé de m’acheter une voiture. Or si on veut réduire les émissions de gaz à effet de serre, il faut absolument investir dans les transports en commun.
Le Guadeloupéen plaide aussi pour des pistes cyclables dignes de ce nom. Le 28 mai, les 5 jeunes des Outre-mer ont été reçus par Annick Girardin qui leur a exposé son projet Trajectoire Outre-mer 5.0 (zéro déchet, zéro carbone, zéro polluant agricole, zéro exclusion et zéro vulnérabilité). Les membres de la Convention regrettent que cette rencontre se soit faite à la fin des travaux de la Convention. "On aurait aimé entendre plus d’experts des Outre-mer", ajoute Carl.
Pour l’instant, Carl S. trouve que la Convention n’a pas vraiment eu beaucoup d’impact sur l’opinion publique. En revanche, pour lui, elle a eu des effets très concrets. "Elle a changé ma vision de la cause environnementale. On a pu entendre des experts et beaucoup d’intervenants qui nous ont ouvert les yeux". Depuis, le Guadeloupéen fait attention à ses achats, à ses déchets et au tri.
Carl S. a surtout été "bluffé" par l’organisation des débats. Il est "optimiste" mais s’inquiète de la mise en oeuvre par le gouvernement des mesures préconisées par la Convention. Lui aussi a vu d’un très bon œil la création d’un groupe informel des Outre-mer.
Parfois, on nous a un peu critiqué car nous expliquions que certaines mesures comme la création de nouvelles taxes n’étaient pas applicables Outre-mer, en raison de la vie chère. Il y a un principe de réalité. Le contexte n’est pas le même dans l’Hexagone et Outre-mer. Si la mesure est considérée comme injuste, elle ne peut pas passer.
►Réduction du temps de travail
Ce principe de réalité, Natacha Turko y est aussi très attachée. Cette étudiante guyanaise a beaucoup apprécié les travaux de la Convention, mais elle se dit "la plus sceptique" du groupe informel des Outre-mer. "Je ne crois pas vraiment à la volonté de ce gouvernement d’appliquer les mesures de la Convention", déclare-t-elle à Outre-mer la 1ère.En revanche, l’étudiante en premier année de master d’études culturelles à Montpellier salue "la démarche participative, les propositions, la représentativité en terme d’âge et de parcours" de cette Convention. "On voit vraiment qu’il y a une conscience de l’urgence climatique, une envie d’une société plus juste au sein de notre assemblée" dit-elle encore.
Pour la jeune femme, il est nécessaire d’envisager la réduction du temps de travail. "Avec les experts, on a compris qu’on ne peut pas prétendre vouloir sauver la planète en continuant à consommer à outrance et en vivant de la même façon".
L’étudiante guyanaise estime qu’il faut "en finir avec la surproduction" ce qui permettra de "réduire les émissions de gaz à effet de serre". "Pendant le confinement, les industries étaient paralysées, les hommes travaillaient moins et la pollution a énormément diminué. Il faut donc repenser le travail, auquel on a donné trop d’importance". En réduisant le temps de travail, il y aura moins de transport, plus de temps libre et de justice sociale. L’idée c’est de mieux vivre", insiste Natacha Turko.
♦♦ L'interview radio de Natacha Turko à écouter ci-dessous :
Natacha Turko
►Des transports efficaces
Tristan Dourouguin rêve aussi de changement. Ce Réunionnais en école de commerce à Clermont-Ferrand a cumulé des études prenantes et un investissement notable à la Convention citoyenne pour le climat. Pendant le confinement, comme ses collègues d’Outre-mer, il a suivi de nombreux webinaires pour faire avancer les travaux de son assemblée.Comme Carl S., il estime que la mesure la plus importante préconisée par la convention est le développement des transports collectifs. "Avec le logement, le transport fait partie des domaines particulièrement émetteurs de gaz à effet de serre", souligne le Réunionnais.
Il faut penser à la gratuité des transports en commun pour les rendre plus attractifs, mais surtout il faut réduire l’attente. A La Réunion, il y a souvent un bus toutes les 1 à 2 heures, ce n’est pas possible. Certaines zones ne sont pas du tout couvertes par les transports en commun, notamment vers le sud à Saint-Pierre. Il est temps de mettre fin au lobby de la voiture.
Tristan Dourouguin reconnait, lui aussi, que la Convention lui a beaucoup appris. Avec Guillaume Robert, il aimerait que le modèle de la Convention citoyenne pour le climat se décline dans les Outre-mer.
Convention citoyenne sur le climat : "une première réponse" de Macron le 29 juin
Emmanuel Macron recevra les 150 membres de la Convention citoyenne sur le climat lundi 29 juin à l'Elysée "afin d'apporter une première réponse à leurs propositions", a indiqué l'Elysée vendredi. C'est la ministre de la Transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne qui viendra dimanche recevoir leurs propositions, qui doivent être adoptées par vote durant la dernière session de la Convention jusqu'à dimanche.Elisabeth Borne, interrogée sur franceinfo, s'est dite vendredi favorable à un référendum sur leurs propositions, une hypothèse évoquée par Emmanuel Macron dès le 10 janvier, lorsqu'il avait rencontré pour un débat les membres de la Convention. Il a encore évoqué cette possibilité lors d'une rencontre avec des éditorialistes cette semaine.