Coronavirus : la ruée sur les supermarchés avant le confinement, racontée par deux employées

Ce sont des images qui tournent en boucle sur les réseaux sociaux : celles de clients qui se ruent dans les supermarchés pour tenter de faire des stocks, par peur d'une pénurie. Deux employées ultramarines de magasins en région parisienne racontent.
Ces vidéos sont très nombreuses sur les réseaux sociaux depuis le début de la crise du coronavirus. Dans certaines grandes surfaces, les clients en sont venus aux mains pour des rouleaux de papier-toilettes ou des paquets de pâtes alimentaires.
 

Un quotidien stressant

Pour les employés de ces grands magasins, ce quotidien, ces scènes, ces tensions, sont particulièrement stressantes. Outre-mer la 1ère a recueilli les témoignages de deux employées originaires des Outre-mer. Olga (prénom d'emprunt) travaille dans une grande surface de Créteil. Originaire de Martinique, elle est étudiante en Droit et travaille comme employée dans ce supermarché pour financer ses études.
 

Carrefour Créteil est l'un des plus gros débits de tous les Carrefour de France. J' y travaille douze heures par semaine. Mais depuis les mesures de confinement, mon contrat est passé à trente heures car beaucoup de salariés permanents restent chez eux pour garder leurs enfants.

Je suis hôtesse de caisse. Mais là, on me demande de désinfecter les paniers et les scanettes qui passent de mains en mains. Ce n'est qu'aux étudiants qu'ils demandent çà.

Le premier jour, on nous a fourni des gants. Ensuite, rien, sous prétexte que ça ne faisait pas partie des procédures Carrefour ! Mais depuis les annonces de confinement, nous disposons de gel et de gants, parce que les syndicats les ont réclamés.

Lundi, les caissières ont demandé plus de sécurité. Des vitres plexiglas ont été installées. Mais c'est histoire qu'on se taise. Elles ne sont pas efficaces et elles n'empêchent pas les agressions verbales.

Pour moi, même en période de soldes, c'est plus calme. Les clients mettent la pagaille dans les rayons. Ca nous oblige à rester plus longtemps sur place. Et les clients ne respectent pas le mètre de distance entre eux.

En revanche, coté positif, depuis le confinement, Carrefour ferme à 20h et non plus à 22h. Et la direction nous autorise à venir faire nos courses avant 9 heures, l'heure d'ouverture pour les clients.


"Je vais travailler la boule au ventre"

Stéphanie (prénom d'emprunt afin de respecter son anonymat), 32 ans, est originaire de Guadeloupe. Elle travaille dans un magasin Lidl, à Paris. Ce commerce de première nécessité ne ferme pas et Stéphanie a décidé de continuer à travailler : "j'ai peu d'ancienneté et j'ai peur de ne pas percevoir 100% de mon salaire si je choisis de m'arrêter pour m'occuper de mon fils".  

Stéphanie est effrayée par la situation dans le magasin depuis l'aggravation de la crise, en fin de semaine dernière. Mardi dernier, premier jour du confinement, elle a raconté à Outre-mer la 1ère son quotidien des jours précédents :

C'est comme si on était en guerre.

Les clients se ruent dans le magasin et remplissent trois ou quatre caddies par famille. Il y a des émeutes pour le papier-toilette. Les gens sont très agressifs, il y a des violences, des bagarres, des agressions. Je suis caissière et les clients nous toussent dessus toute la journée.

A ce jour, nous n'avons pas de protection : pas de masques et une petite bouteille de gel-hydroalcoolique pour l'ensemble des salariés. Les seuls gants que nous avons sont ceux du rayon boulangerie. La direction nous a promis du gel et des masques pour demain. On verra. 

Pour aller au travail, j'ai 30 minutes de trajet en train. Je vais travailler la boule au ventre.



Stéphanie poursuit : "Au magasin, tout le monde est débordé. Les livraisons sont plus nombreuses pour éviter les ruptures de stock. Hier, la direction a décidé de réduire l'accès au magasin : les clients ne pouvaient pas rentrer à plus de vingt en même temps. Cela a provoqué une émeute devant le magasin. On a du appeler la police.