Le marché du nickel apprend qu'il existe une différence entre croire à une demande expansive pour les batteries des véhicules électriques, et la réalité d’une dépendance bien réelle au secteur sidérurgique chinois. L’offensive spéculative est arrêtée, la tendance est prudente.
Le marché reprend ses tours... Dans le langage de la finance, les ours, « bear » en anglais ont chassé les taureaux « bull ». Le mouvement baissier « bearish » a remplacé le mouvement haussier « bullish » du nickel. La tendance, sur le long terme, reste malgré tout positive.
Le chouchou des négociants
Le nickel a été le plus performant du secteur des matières premières, la semaine dernière, et pratiquement pendant ces deux derniers mois à la Bourse des Métaux de Londres. Presque tout le monde, des producteurs aux négociants en passant par les industriels de l’inox, parlait de ses perspectives positives, en raison de la hausse attendue de la production des véhicules électriques. Une première mise en garde est venue de part de certains producteurs. « Les batteries devraient contribuer à une demande supplémentaire de nickel de 300.000 tonnes par an. À condition que les prévisions se concrétisent rapidement…» Cette opinion prudente est émise par Vassilis Cambas, directeur des ventes de Larco-nickel, depuis ses bureaux d'Athènes.
La voiture électrique, un marché à venir
L'euphorie autour du nickel électrique a contribué à faire grimper les prix au plus haut en deux ans, 12.920 $, la tonne, le 6 novembre, mais depuis, le prix a chuté. « Il y a beaucoup de spéculation et d’intérêt autour des batteries, mais c'est un peu prématuré pour être honnête. La part des véhicules électriques et des voitures hybrides, continuera d'augmenter, mais cela se produira au cours des 10 à 20 prochaines années » a estimé Anton Berlin, directeur des ventes de Nornickel (Norilsk) dans une interview au Métal Bulletin le 20 novembre dernier.
Le nickel évolue autour de 11.400 $ la tonne ce 28 novembre, soit une baisse de 11% en deux semaines. Les perspectives positives à long terme pour le nickel en tant qu'élément essentiel des batteries pour les véhicules électriques n'ont pas changé au cours des deux dernières semaines, mais ce qui a changé, c'est le regard du marché et des négociants londoniens sur le secteur sidérurgique chinois.
La Chine rappelle les fondamentaux
Environ 70% des approvisionnements mondiaux en nickel sont utilisés dans la fabrication de produits en acier inoxydable, contre seulement 4% dans les batteries. Alors que l'utilisation du nickel dans les batteries augmente à un rythme annuel de près de 6%, selon Le Nickel Institute, il faudra plusieurs années avant que cette demande devienne suffisante pour agir comme un moteur sur les prix. « Et il y a des stocks substantiels de nickel dans les entrepôts de Londres et de Shanghai, en tout cas suffisamment pour le court terme » ajoute M. Berlin.
L'inox et la Chine font ou défont le prix du nickel
L'acier inoxydable continue à dominer le marché. Étant donné que la Chine représente environ la moitié de la production mondiale d'inox, il n'est pas difficile de comprendre pourquoi le secteur détermine la consommation et le prix du métal. Or, la production moyenne d’acier inoxydable chinois devrait baisser sous le seuil de 2,3 millions de tonnes en novembre : 28 villes industrielles chinoises appliquent pleinement les limites de production visant à limiter la pollution causée par la combustion du charbon dans les processus industriels. « On était dans l’euphorie politique après le congrès du parti communiste », et puis certains se sont dit « et si les chinois étaient sérieux, s’ils allaient réellement s’attaquer à la pollution et fermer des usines, produire moins, ralentir ? ». « Et tout le monde est parti à la baisse, et tous les marchés, pas seulement celui du nickel, le pétrole aussi » observe Jean-François Lambert, conseiller en investissement et expert du secteur des matières premières.
La qualité, un atout calédonien
Moins d’usines, moins d’acier produit, moins de nickel consommé, les cours baissent…Même sans les restrictions actuelles sur l'acier, l'appétit de la Chine pour le nickel a été plutôt modéré cette année. Encore faut-il dissocier le minerai, les concentrés de type NPI, et le ferronickel qui est le haut de gamme de l’acier inoxydable. Pour ce dernier, les importations chinoises sont en hausse de 54,3% à 1,09 million de tonnes. Et les prix payés par les sidérurgistes varient selon la qualité des alliages. Une analyse australienne souligne la qualité médiocre des alliages indonésiens, à faible teneur en nickel. A l’inverse, elle pointe la qualité des alliages de Nouvelle-Calédonie et la prime dont ils bénéficient. Traduction concrète, les livraisons indonésiennes de ferronickel, en septembre, avaient un prix au débarquement en Chine de 1.375,98 dollars la tonne, tandis que celles du deuxième plus gros fournisseur du Caillou atteignaient 3.009,44 dollars la tonne.
Perspectives 2018
Le métal devrait profiter de l'essor prévu des véhicules électriques, mais dans un marché qui se concrétisera à l’horizon 2020. D’ici là, les usines chinoises continueront à dominer le marché et à faire ou défaire le prix du métal au LME. L’hiver s’annonce délicat, les stocks mondiaux sont encore importants et les traders semblent l’avoir compris. Les positions vendeuses dominent désormais le marché du nickel tout au moins sur le court terme. Dans l’attente de repasser à l’achat un peu plus tard. Au printemps 2018, par exemple, pour accompagner la demande en « nickel électrique ». C’est en tout cas l’analyse que fait, ce mardi, le négociant londonien Marex Spectron depuis ses bureaux de Londres alors qu’une triste pluie d’hiver, abondante et froide, tombe sur la City. Le temps est gris lui aussi, comme la couleur du métal. Le nickel se maintient autour de 11.400 dollars, il baisse de 1,57 % en milieu d'après-midi.