Couvre-feu à Nouméa après une nuit de chaos : incendies, pillages et affrontements

Commerce en feu au soir du 13 mai 2024, à une entrée de Nouméa, près de la grande rade, à hauteur de la Vallée-du-Tir.
Véhicules incendiés, magasins pillés, affrontements entre manifestants et forces de l'ordre: des violences ont émaillé la nuit de lundi 13  à mardi 14 mai à Nouméa. Le haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie a annoncé un couvre-feu pour la nuit de mardi 14 à mercredi 15 mai dans l'agglomération de Nouméa, théâtre de troubles d'une "grande intensité" en écho à l'examen à Paris d'une réforme constitutionnelle dénoncée par les indépendantistes.

Un couvre-feu est décrété de mardi 18H00 à mercredi 06H00 en Nouvelle-Calédonie, a annoncé dans un communiqué diffusé peu après 08H00 locales mardi (23H00 lundi à Paris) le représentant de l'Etat dans ce territoire du Pacifique sud. "Il pourra être reconduit autant que nécessaire", précise le haut-commissariat de la République.

En outre, tout rassemblement est interdit dans le grand Nouméa, de même que le transport et le port d'armes et la vente d'alcool dans l'ensemble de la Nouvelle-Calédonie, indique le haut-commissariat, qui invite les quelque 270.000 habitants de l'archipel océanien à rester chez eux.

A l'entrée de la "capitale" calédonienne, une importante usine spécialisée dans l'embouteillage a été victime d'un incendie volontaire et totalement ravagée par les flammes.

Plusieurs supermarchés ont été pillés à Nouméa, mais aussi dans les villes limitrophes de Dumbéa et du Mont-Dore. Au moins deux concessions automobiles étaient également la proie des flammes vers 23H00.

Le quartier populaire de Montravel, à Nouméa, a également dû être coupé à la circulation à plusieurs reprises, de même que la voie express qui relie la ville au nord de l'île.

Depuis la tombée de la nuit, gendarmes mobiles et policiers sont aux prises avec de jeunes manifestants masqués ou encagoulés, qui se sont notamment emparés de plusieurs ronds-points.

Des feux ont été allumés sur la chaussée pour entraver la circulation tandis que des tirs de lanceur de balles de défense et de grenades de désencerclement se faisaient entendre dans toute l'agglomération. "Des troubles à l'ordre public d'une grande intensité se sont déroulés cette nuit (lundi à mardi) à Nouméa et dans les communes limitrophes, et sont encore en cours à cette heure", déplore le haut-commissariat, faisant état de "nombreux blessés" parmi les forces de l'ordre. Selon un premier bilan du Haut commissariat, 35 gendarmes ont été blessés et 48 personnes interpellées.

Une femme de Boulouparis devait accoucher, elle a été évacuée en urgence au Médipôle, mais elle n’a pas pu passer avec le SMUR au niveau du pont des Erudits, à Dumbéa. Elle a finalement été évacuée à La Foa mais le bébé est mort in utero.

Les premières altercations avec les forces de l'ordre ont commencé dans la journée de lundi, en marge d'une mobilisation indépendantiste contre la réforme constitutionnelle examinée en ce moment à l'Assemblée nationale, qui vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales en Nouvelle-Calédonie.

Etabli en 1998 par l'accord de Nouméa, le corps électoral est en effet gelé, ce qui a pour conséquence, 25 ans plus tard, de priver de droit de vote près d'un électeur sur cinq.

Pour le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin, qui a porté cette réforme constitutionnelle, cette disposition "n'est plus conforme aux principes de la démocratie".

Mais les indépendantistes critiquent à l'inverse un dégel qui risque de "minoriser encore plus le peuple autochtone kanak".

Le projet gouvernemental sera soumis à un vote solennel des députés mardi après-midi.