Venus d'institutions comme les universités de Cambridge, de Cayenne, de La Sorbonne, de l'Agence régionale de santé, de Santé Publique France, de l'Institut Pasteur, de l'INSERM, du CNRS ou encore du centre hospitalier de Cayenne, ils ont travaillé sur les effets des couvre-feux et des confinements locaux mis en place sur le territoire guyanais à l'issue du premier confinement, sur la période juin-juillet.
-36% de reproduction
En effet, après le 11 mai, date du déconfinement progressif, la Guyane voit son nombre de cas exploser. Autour du 20 mai, le taux de reproduction du virus passe de 1,35 à 1,78. L'une des causes pointées par l'étude est la proximité avec le Brésil qui connaît une très importante vague épidémique, "notamment dans les états amazoniens voisins".Le pic épidémique est alors attendu pour le mois de juillet. Face aux risques pour la population, un reconfinement général de dix jours est envisagé à partir du 27 juin ou du 4 juillet, mais il est vite balayé en raison des conséquences qu'il aurait sur l'économie déjà fragile.
Petit à petit, les autorités mettent donc en place des couvre-feux de plus en plus stricts, en plus des confinements localisés comme à Saint-Georges de l'Oyapock. D'abord, de 23h à 5h, puis de 21h à 5h et le dimanche complet jusqu'au 25 juin où il passe de 17h à 5h du matin avec la fermeture totale des restaurants. Les patients les plus durement atteints sont transférés vers la Martinique et la Guadeloupe afin de soulager les hôpitaux.
Des mesures payantes selon les auteurs de l'étude. Les mesures de couvre-feux ont agi directement sur les sphères privées, "où la distanciation sociale est plus susceptible d'être relâchée". En Guyane, le taux de reproduction baisse alors de 36% et le besoin de lits en unité de réanimation passe de 110 à 32.
La Guyane constitue un cas d'étude intéressant, où une combinaison de mesures strictes comme les couvre-feux et les confinements localisés ont permis de réduire considérablement la transmission du SARS-CoV-2.
Il faut toutefois prendre en compte que la population guyanaise est plus jeune, ce qui a réduit le risque d'hospitalisation et de décès. Avec un âge médian de 27 ans contre 42 ans dans l'Hexagone, le risque d'être hospitalisé pour une infection au SARS-CoV-2 est de 1,1% en moyenne en Guyane, contre 3,5% sur le territoire métropolitain.
Un modèle à suivre ?
L'étude note enfin que les couvre-feux ne sont pas sans conséquences pour l'économie, "en particulier pour l'hôtellerie, la restauration, les loisirs, ainsi que pour une large partie des emplois non-déclarés sur lesquels reposent les plus précaires de Guyane."Mais malgré les spécificités du territoire et les risques toujours présents pour l'économie, le groupe de chercheurs estime que les mesures prises en Guyane, en évitant un confinement généralisé, pourraient servir de base pour édifier des stratégies à l'échelle nationale.
Nous devons nous appuyer sur ces expériences locales pour déterminer progressivement un ensemble optimal d'interventions nécessaires pour contenir les vagues pandémiques du SARS-CoV-2.
L'étude, pas encore validée par la revue MedRvix dans laquelle elle a été publiée, a été citée dans la note du Conseil scientifique parue le 26 octobre. "Le contrôle de l'épidémie de la COVID-19 en Guyane en juin-juillet 2020 constitue un exemple intéressant", explique le conseil.
Il n'est cependant pas possible de distinguer l'impact du couvre-feu de celui des autres mesures ayant été mises en place de manière concomitante sur le territoire. Par ailleurs, il est important de rappeler que le contexte Guyanais est très particulier et que rien ne dit qu'une approche qui semble avoir fait ses preuves en Guyane sera efficace dans les métropoles françaises.