La créolisation ne nous donnerait-elle pas quelques outils de compréhension face aux migrations, à l’accélération des modes de communication, aux questions liées aux genres, aux identités ?
Le terme de créolisation ne serait-il pas un mot-clé pour comprendre l’évolution du monde ? Le terme ne porte-t-il pas intrinsèquement les idées de métissage, d’adaptation, de transformation et d’imagination ?
La norme, longtemps symbolisée par l’homme occidental blanc, hétérosexuel de classe moyenne, en bonne santé, est tombée en désuétude. Les nouvelles générations ont soif de se définir autrement et d’inventer des catégories nouvelles pour s’identifier loin des schémas traditionnels.
Un constat partagé par les trois spécialistes intervenant dans cet épisode.
Créolisation et féminisme
Pour Myriam Moïse, spécialiste du genre, parler de créolisation à l’aune des enjeux contemporains revient à parler des féminismes.
Aujourd’hui, la créolisation permet aussi de décloisonner les féminismes.
Myriam Moïse
Pour la chercheuse, la dynamique même de la créolisation (en tant que vision plurielle, hors catégorisation et hors norme) comme dépassement des identités imposées peut s’appliquer à une vision féministe plus large, plus globale qui serait proche d’un néo féminisme comme celui prôné par la nigériane Chimamanda Ngozi Adichie (écrivaine et militante féministe), quand celle-ci dit que l’on devrait tous être féministe. "We should all be feminists"
- Myriam Moïse, est maîtresse de conférences en études anglophones à l’Université des Antilles (Martinique). Depuis sa nomination en 2018, elle est secrétaire générale d’Université Caraïbe, association des universités et instituts de recherche de la Caraïbe. Ses domaines de recherche concernent les études postcoloniales, les études sur le genre, et l’analyse du discours, plus particulièrement les textes produits par les femmes afros caribéennes.
Créolisation et genre
Le processus de créolisation trouve de nombreuses déclinaisons. Il serait également un outil intéressant pour les chercheurs qui travaillent auprès des personnes LGBTQIA+.
C’est l’avis d’Ary Gordien, anthropologue et chargé de recherche au CNRS.
La notion de créolisation pourrait être intéressante à mobiliser pour voir comment recomposer des univers nouveaux qui vont croiser des références différentes.
Ary Gordien
- Ary Gordien est anthropologue et chargé de recherche au CNRS, membre du comité éditorial de la revue Esclavages & post-esclavages.
Parmi ses thèmes de recherche : antiracisme et rapports sociaux de races aux Antilles et en France hexagonale ; Nationalisme, ethnicité et politiques identitaires dans la Caraïbe ; Danses, traditionalisme et folklore ; Articulation entre antiracisme et activisme LGBTQI à Paris et à Marseille ; Politisation de la mémoire de l’esclavage dans la Caraïbe et en France hexagonale.
Les enjeux contemporains liés aux identités sont donc multiples aujourd’hui. Avec cette contradiction qui demeure : la volonté d’appartenir à un tout créolisé mais la nécessité aussi de revendiquer des particularismes ethniques. C’est l’idée que développe l’anthropologue Morgane le Guyader, spécialiste de l’Amérique latine et de la Caraïbe en particulier.
- Morgane Le Guyader est anthropologue. Ses recherches portent sur les processus identitaires des minorités, les épistémologies des "Suds", les revendications dites "autochtones" et les groupes transnationaux. Depuis 2021, elle investit le champ de la recherche création en associant écriture, musique et photographie pour interroger les modes de construction et de circulation des savoirs.
Sa thèse de doctorat, aux confins de l’anthropologie et de la science politique a exploré les notions de double colonisation, de transaméricanité et d’existence résistante dans les sociétés post-esclavagistes à partir du cas de la communauté raizal des îles caribéennes de San Andres et Old Providence, au large de la Colombie.
"Sommes-nous tous devenus créoles ?", un podcast à retrouver ici.
Présentation : Valérie Bègue
Journaliste : Alice Milot
Reportages en Martinique : Jeanne Robet
Réalisation : François-Charles Domergue
Direction éditoriale d’Outre-mer la 1ère : Fabrice Hochard et Jean-Marc Party
Production Executive : Thomas Baumgartner et Thibaut Potdevin
Production originale : wave.audio
Durée : 20 min