Crise de l'eau à Mayotte : "Ce n'est pas la réponse que nous attendions" de l'État, réagit l’association Mayotte a soif

Racha Mousdikoudine
La présidente de l'association Mayotte a soif, Racha Mousdikoudine, qui a vu vendredi 29 décembre les recours de son association être déboutés par le Conseil d'État, demande au gouvernement des chèques eau pour aider les Mahorais à payer leurs bouteilles.

Alors que l'État a décidé de prolonger le remboursement des factures d'eau des habitants de Mayotte, confrontés à une grave pénurie de cette ressource vitale sur leur île, Racha Mousdikoudine, présidente de l'association Mayotte a soif, estime sur franceinfo que "Ce n'est pas la réponse que nous attendions". INTERVIEW

Le prolongement du remboursement des factures d'eau par le gouvernement, c'est la réponse que vous attendiez ? 
Non, ce n'était pas la réponse que nous attendions parce qu'on est face à un service défaillant, pris en charge avec nos impôts. Tout ce que nous voulons, c'est de l'eau au quotidien. D'où les différents recours que nous avons intentés contre l'État et contre la SMAE (Société mahoraise des eaux).  
 
Malgré tout, cette prise en charge est un plus ? 
 Ça dépend. Par exemple, je n'ai vraiment pas d'eau chez moi, j'en ai une fois par semaine si j'ai vraiment de la chance parce que nous sommes en hauteur. Et pourtant les factures arrivent quand même, la dernière était de presque 300 euros. Certains reçoivent des factures de 1 000 € alors que l'eau n'arrive pas (...) Avant la crise, nous ne payions même pas 50 euros de factures d'eau tous les deux mois. On se pose des questions. Pourquoi les factures sont aussi élevées alors que nous subissons des coupes drastiques ? Et pourquoi la première réponse de l'État est de prendre en charge les factures ? Il aurait fallu déjà voir si ce sont les bons montants et la bonne consommation. 
 
Quel est le quotidien des habitants aujourd'hui ?  
 Même lorsque les calendriers de coupure d'eau sont respectés, nous vivons parmi nos excréments, on doit aller aux toilettes tous les jours et il y a des heures où on ne peut pas tirer la chasse d'eau. Des personnes peuvent se retrouver à devoir faire leur stockage à minuit ou à 2h du matin quand l'eau est là. Ce n'est pas normal. Notre quotidien c'est aussi de devoir renoncer à certains repas. 
 
On comprend bien que dans ces cas-là, la prise en charge des factures par l'État est une mesure presque dérisoire.  
 C'est dérisoire parce que ça ne compense rien du tout. C'est vrai que l'État nous paie les factures, mais en face, on est obligés de vivre avec des bouteilles d'eau. Et le pack de six bouteilles peut atteindre facilement 12 euros. L'association, depuis le départ, avait demandé des mesures assez simples, comme les chèques eau. Parce que concrètement, l'eau du robinet, on ne peut pas l'utiliser pour en faire à manger ou se brosser les dents. Si on avait des chèques, on aurait pu au moins compenser le coût des bouteilles en plastique achetées en magasin, un coût qui peut revenir presque à 1 000 € par mois. 
 
Le gouvernement avait envoyé des tonnes de bouteilles d'eau pour qu'elles soient distribuées. 
 Mais il y a des familles, comme la mienne, qui n'ont pas reçu leurs bouteilles d'eau parce qu'elles sont distribuées pendant les heures de travail. Et nous, par exemple, nous ne sommes pas véhiculés. Il faut payer un taxi pour aller chercher les packs d'eau, à condition qu'il accepte de les transporter. 
 
Nous sommes le 31 décembre, c'est la période des vœux. Quel est celui que vous voulez formuler aujourd'hui ?  
 Que l'État nous traite de la même manière que dans l'Hexagone. Je considère qu'il y a un traitement discriminatoire. Je pense que tous les Français en sont conscients, en tout cas tous les Français qui peuvent comparer leur vie dans les Outre-mer avec leur vie en France, surtout à Mayotte actuellement. Même si nous ne sommes que 300 000, que l'État ne sous-estime pas nos vies. Elles sont aussi importantes que si on était un million ou 60 millions. Et même si on n'était que 10 000, chaque vie compte. Et sans eau, il n'y a pas de vie.