"Une telle situation de sécheresse, avec une demande en eau qui augmente, c'est quelque chose qui avait déjà été envisagée", pointe Charlène Descollonges, hydrologue et invitée ce lundi sur Franceinfo, alors que 330 000 bouteilles d'eau sont distribuées chaque jour à Mayotte et que l'eau du robinet ne coule que 18 heures consécutives tous les trois jours, en raison de la sécheresse.
Elle a détaillé un "scénario identifié dans les documents de gestion de l'eau" qui prévoyait "trois usines de dessalement" mais seule une a été construite à ce jour.
Des solutions de gestion immédiate de crise peuvent également être envisagées, pour éviter la distribution de bouteilles en plastique, "une usine de dessalement mobile". Elle cite pour exemple la Guadeloupe après la tempête Fiona, "50 000 litres par jour" qui permettent de "répondre aux besoins prioritaires".
Autre solution : mettre un coup d'arrêt à la déforestation à Mayotte. Si l'île "était un pays, elle serait le cinquième pays le plus déforesté au monde. Or, on connaît le rôle de la forêt pour alimenter les nappes phréatiques et garder l'eau dans les sols".
Franceinfo : Aurait-on pu envisager une telle situation de sécheresse ?
Charlène Descollonges : Une telle situation de sécheresse, avec une demande en eau qui augmente, c'est quelque chose qui avait déjà été envisagée. C'était un scénario possible, identifié dans les documents de la gestion de l'eau sur l'île de Mayotte. À cet effet, ils avaient imaginé la construction de trois usines de dessalements de l'eau. Mais aujourd'hui, il n'y en a qu'une, l'usine de Pamandzi, qui produit 1 300 mètres cubes d'eau par jour et ce n'est pas suffisant. Les autres projets d'usine, sont encore en cours.
Des ressources en eau limitées, une sécheresse et une gestion discutable, ce sont ces trois facteurs qui ont déclenché la crise ?
C'est effectivement la somme de ces trois facteurs qui conduisent à cette situation catastrophique.
La distribution de bouteilles en plastique est très critiquée, aurait-on pu l'éviter ?
Il y a des solutions d'urgence qui permettraient d'éviter ces bouteilles, avec la pollution désastreuse qu'elles engendrent. Il y a notamment la question de mettre en place une unité de dessalement de secours. C'est quelque chose qui avait été mis en place en Guadeloupe après tempête Fiona en septembre 2022, une petite usine de dessalement mobile de 50 000 litres d'eau par jour et qui permet subvenir aux besoins prioritaires.
Mais ce n'est évidemment pas quelque chose de durable. Il faut repenser en profondeur la question du déficit quantitatif sur cette île avec des besoins qui sont très croissants sur fond de crise migratoire.
Y a-t-il des mesures à prendre, au-delà de la question des infrastructures ?
Il y a la question de la gestion de la forêt. Si Mayotte était un pays, ce serait le cinquième pays le plus déforesté. Or, on connaît le rôle des forêts pour alimenter les nappes phréatiques et garder l'eau dans les sols.
Il y a donc aussi une question politique dans cette gestion de cette crise ?
Exactement, il faudrait repenser la gestion au long cours et repenser cette façon de gérer la crise, car cela va se répéter avec le changement climatique, avec le changement des régimes de précipitations, des sécheresses plus longues et plus intenses.
Mais la gestion de crise doit s'arrêter le plus vite possible, ce n'est plus possible d'avoir une telle situation qui dure depuis des mois.