Crise en Nouvelle-Calédonie : comment souscrire aux aides apportées par l'État ?

Le Haut-commissaire de la République avait évalué le 8 juin à plus de 1,5 milliard d'euros le tribut économique payé par l'archipel depuis le début des manifestations mi-mai.
Le haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie a annoncé le déploiement d'aides économiques pour soutenir l'archipel. Fonds de solidarité, prêts et subventions, comment fonctionnent ces aides et qui peut y prétendre ? Décryptage.

Plus de 20 000 emplois du privé touchés. Selon les dernières estimations du haut-commissaire de la République, la crise en Nouvelle-Calédonie impacte durement les entreprises. Le 2 juillet, le représentant de l'État a communiqué sur les mesures d'urgence déployées pour soutenir l'économie de l'archipel. Du fonds de solidarité à des crédits à taux zéro, plusieurs dispositifs sont accessibles aux entreprises calédoniennes et au gouvernement calédonien. 

  • Un fonds de solidarité

Les TPE et PME affectées de manière directe ou indirecte, par les émeutes peuvent souscrire à une aide exceptionnelle. Pour être éligible, "les entreprises devront avoir subi une perte d’au moins 25 % entre le chiffre d’affaires réalisé en mai 2024 et la moyenne mensuelle de son chiffre d’affaires de 2022. Ce seuil sera porté à 50 % pour le mois de juin."

Il leur suffit ensuite de se connecter sur le site impots.gouv.fr et de remplir le formulaire. Aucun justificatif n'est nécessaire. Seuls quelques renseignements seront demandés tels que le numéro fiscal, le chiffre d'affaires de l'année 2022 ou encore le nombre de salariés. Les entreprises créées en 2023 ou 2024 peuvent tout de même prétendre à cette aide, le gouvernement annonce que le dispositif sera adapté pour les inclure. 

Le montant de l'aide équivaut à 7,5% du chiffre d'affaires mensuel moyen 2022 de l'entreprise, plafonné à 3 000 euros (environ 360 000 francs CPF) pour le mois de mai. Alors que pour le mois de juin, cette aide sera équivalente à 15% du chiffre d'affaires mensuel moyen 2022, plafonné à 6 000 euros (environ 720 000 francs CPF). "Au total, vous avez une aide qui couvre un mois et demi, avec un plafond de 9 000 euros", résume Ivan Odonnat, président de l'Institut d'Emission d'Outre-mer (IEDOM). 

Les demandes doivent être déposées au plus tard le 31 juillet et sont traitées en une dizaine de jours, avance le ministère de l'Économie. Plus de 5 000 demandes ont déjà été déposées et plus de 1 300 entreprises auraient déjà reçu cette aide, selon le communiqué de presse. 

  • Faciliter les prêts des entreprises

Pour permettre aux entreprises de reprendre leur activité, deux mesures sont engagées. La première concerne les banques locales. Une ligne de liquidités à taux zéro est mise à leur disposition depuis le début de la semaine par l'IEOM. Grâce à cela, les banques peuvent proposer des prêts aux entreprises qui sont en attente de l'indemnité des assurances. 

Taux zéro cela veut dire que l'entreprise reçoit l'argent de la banque, et elle devra rembourser exactement le même montant. C'est un processus qui a vocation à faciliter la mise en place de prêts, et qui permet aux entreprises d'attendre le versement d'indemnité de l'assurance.

Ivan Odonnat, président de l'IEOM

Un autre dispositif vise davantage le moyen terme : la garantie publique des crédits octroyés aux TPE et PME. "Une fois que les entreprises ont redémarré, un autre problème se pose, analyse Ivan Odonnat. Certaines n'ont pas fonctionné de manière normale pendant des semaines, donc elles se demandent comment reconstruire leur business."

Pour cela, de nouveaux fonds ont été investis par l'État à la Société de Gestion des fonds de garanties d'Outre-mer (SOGEFOM). Ce fonds est une garantie publique qui facilite l'octroi bancaire. C'est-à-dire que si une entreprise défaillante demande un prêt, la banque peut tout de même lui accorder puisqu'elle a la garantie de récupérer sa mise grâce à la SOGEFOM. 

Cette mesure vise à renforcer ce dispositif. On donne plus d’argent au fonds, donc ça lui permet de faire plus de prêts et on élargit un peu sur la taille des entreprises en incluant les entreprises de taille intermédiaire. Avec comme objectif que ça permette de faire redémarrer un certain nombre de secteurs de Nouvelle-Calédonie.

Ivan Odonnat, président de l'IEOM

  • Soutenir le gouvernement calédonien

Dans son communiqué de presse, le haut-commissariat de la République détaille des mesures destinées à soutenir le tissu économique, à travers un appui financier au gouvernement calédonien. Alors que le territoire est en cessation de paiement depuis la mi-juin, le gouvernement calédonien est censé financer le dispositif de chômage partiel. Plus de 19 000 personnes seraient concernées selon Bercy.

L'État a annoncé accompagner financièrement ce dispositif, à parité avec le gouvernement calédonien, et ce, pour un total de 51 millions d'euros (6,1 milliards de francs CPF). À noter que la Province Sud propose son propre dispositif de soutien pour ses habitants, également co-financé par l'État, et que les deux aides ne sont pas cumulables. Les démarches pour en bénéficier sont accessibles sur les sites des autorités concernées. 

Afin d'entamer la reconstruction du territoire, un prêt de 50 millions d'euros (6 milliards de francs CPF) sera accordé par la Banque des Territoires au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

C'est un dispositif complémentaire. Le gouvernement calédonien a besoin de ressources. Une partie de la ressource va être fournie par l’État français, à hauteur de 100 millions d’euros, puis une autre partie vient des acteurs bancaires.

Ivan Odonnat, président de l'IEOM

Cette "avance remboursable", dont le montant est inférieur à celui demandé par Louis Mapou, est toutefois conditionnée "au vote par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie d'un budget supplémentaire fin juillet qui devra traduire (...) la chute des recettes fiscales et la baisse des dépenses publiques" indique l'État. 

Derrière ça, ce qui est à la clé, c'est une discussion sur l’augmentation ce certaines taxes ou certaines cotisations sociales. C’est un débat qui est très sensible en Nouvelle-Calédonie parce qu'augmenter les cotisations sociales, c'est faire peser une partie du fardeau sur les entreprises, les salariés. Ou avec l’imposition, faire peser une partie du fardeau sur la population.

Ivan Odonnat, président de l'IEOM

Un débat mal engagé alors que le territoire est en pleine crise. Selon l'économiste Alain Trannoy, ce paquet de mesures d'urgences a le mérite de répondre à la crise à court terme. "Mais si la situation ne se normalise pas et si on ne revient pas à un avenir pacifique tracé pour le territoire, ça risque de ne pas suffire", alerte le directeur de l'école des hautes études en sciences sociales EHESS. L'économiste pointe le risque d'un effondrement de l'investissement face à l'instabilité politique et suggère une "politique de grands travaux pour relancer l'économie".