Le 20 mars 1931, l’avocat et futur président du Sénat, le Guyanais Gaston Monnerville, plaidait dans le procès dit des "émeutiers de Guyane", connu aussi sous le nom d’ "affaire Galmot". Ses déclarations d'alors résonnent encore avec force dans le contexte de tension actuel.
Les mouvements de contestation en Guyane ne datent pas d’aujourd’hui. L’un des plus emblématiques est celui qui déclencha « l’affaire Galmot », connue également sous le nom du « procès des émeutiers de la Guyane » en 1931. Tout commence en avril 1928. A la suite d’élections jugées frauduleuses, la population guyanaise descend dans la rue et manifeste devant le palais du gouverneur en demandant « justice ». Selon les manifestants, leur candidat Jean Galmot, un métropolitain installé et très apprécié pour ses actions en Guyane, a été volé de sa victoire aux législatives.
Le 6 août, Jean Galmot décède brutalement. On soupçonne un empoisonnement à l’arsenic orchestré par ses adversaires politiques, et cette nouvelle se répand comme une traînée de poudre. Plus de 13.000 personnes en colère descendent dans les rues de Cayenne. Certaines se livrent à des pillages. Quatorze d’entre elles seront arrêtées et jugées devant la Cour d’assises de Nantes. C’est l’avocat guyanais Gaston Monnerville, qui deviendra plus tard président du Sénat (durant plus de 21 ans), qui est chargé d’assurer leur défense. Avec succès puisqu'il obtient leur acquitement. Il profitera de cette tribune pour faire une dure critique de l’administration coloniale de l’époque, déployant des arguments qui résonnent de manière particulièrement significative dans le contexte actuel en Guyane (lire ci-dessous).
« Le mécontentement renaît ; il grandit, il se transforme en une colère sourde qui fait naître le scepticisme dans les esprits. La France n’est-elle donc plus la terre de justice et de liberté ?... N’est-elle donc plus le pays de Lamartine et de Louis Blanc ?... La patrie de notre vénéré Schoelcher ?... En Guyane, on en arrive à douter des sentiments de la mère patrie pour la colonie sacrifiée ; les esprits s’échauffent, l’amertume s’aggrave dans les cœurs déçus. Un rien peut changer ce mécontentement en une dangereuse révolte. »
« (…) La France nous a enseigné qu’il faut mettre avant tout, au-dessus de tout, le respect de la personne humaine, et la sauvegarde de nos libertés. Si l’on ne nous a pas trompés, s’il est exact – ainsi qu’on nous a appris à le penser – que rien n’est plus sacré que la liberté de l’individu ; s’il est exact qu’un homme n’est digne de considération et d’estime que dans la mesure où il a conscience de sa dignité d’homme, et où il la défend, même au prix de sa vie, comment pourrez-vous reprocher aux Guyanais, outragés et tyrannisés, de s’être spontanément dressés en ces chaudes journées d’août 1928 pour la défense de leur liberté ? Vous ne devez pas les condamner. Condamner ceux-ci, en effet, serait donner raison à ceux qui ont martyrisé mon malheureux pays. Condamner, ce serait encourager la fraude officielle aux colonies, et permettre le retour en Guyane française de cette politique de mensonge, d’exactions et de haine qui a fait son malheur ».
Le 6 août, Jean Galmot décède brutalement. On soupçonne un empoisonnement à l’arsenic orchestré par ses adversaires politiques, et cette nouvelle se répand comme une traînée de poudre. Plus de 13.000 personnes en colère descendent dans les rues de Cayenne. Certaines se livrent à des pillages. Quatorze d’entre elles seront arrêtées et jugées devant la Cour d’assises de Nantes. C’est l’avocat guyanais Gaston Monnerville, qui deviendra plus tard président du Sénat (durant plus de 21 ans), qui est chargé d’assurer leur défense. Avec succès puisqu'il obtient leur acquitement. Il profitera de cette tribune pour faire une dure critique de l’administration coloniale de l’époque, déployant des arguments qui résonnent de manière particulièrement significative dans le contexte actuel en Guyane (lire ci-dessous).
VERBATIM : extraits de la plaidoirie prémonitoire de Gaston Monnerville, le 20 mars 1931 à la Cour d’assises de Nantes, dans le "procès des émeutiers de Guyane"
« Le mécontentement renaît ; il grandit, il se transforme en une colère sourde qui fait naître le scepticisme dans les esprits. La France n’est-elle donc plus la terre de justice et de liberté ?... N’est-elle donc plus le pays de Lamartine et de Louis Blanc ?... La patrie de notre vénéré Schoelcher ?... En Guyane, on en arrive à douter des sentiments de la mère patrie pour la colonie sacrifiée ; les esprits s’échauffent, l’amertume s’aggrave dans les cœurs déçus. Un rien peut changer ce mécontentement en une dangereuse révolte. »
« (…) La France nous a enseigné qu’il faut mettre avant tout, au-dessus de tout, le respect de la personne humaine, et la sauvegarde de nos libertés. Si l’on ne nous a pas trompés, s’il est exact – ainsi qu’on nous a appris à le penser – que rien n’est plus sacré que la liberté de l’individu ; s’il est exact qu’un homme n’est digne de considération et d’estime que dans la mesure où il a conscience de sa dignité d’homme, et où il la défend, même au prix de sa vie, comment pourrez-vous reprocher aux Guyanais, outragés et tyrannisés, de s’être spontanément dressés en ces chaudes journées d’août 1928 pour la défense de leur liberté ? Vous ne devez pas les condamner. Condamner ceux-ci, en effet, serait donner raison à ceux qui ont martyrisé mon malheureux pays. Condamner, ce serait encourager la fraude officielle aux colonies, et permettre le retour en Guyane française de cette politique de mensonge, d’exactions et de haine qui a fait son malheur ».