Cuba peaufine sa Constitution pour s’ouvrir à l’économie de marché

Vue du Parlement cubain en session, en juillet 2018.
Oui au marché : le Parlement cubain se réunit ce vendredi pour adopter un projet modifié de nouvelle Constitution, après consultation de la population, qui donnera le feu vert final lors d'un référendum le 24 février. Par contre, le mariage homosexuel attendra.
 
Le texte original, qui reconnaît le marché et la propriété privée comme parties intégrantes de l'économie, sans renoncer au socialisme, avait été mijoté pendant plusieurs mois par une commission dirigée par Raul Castro, premier secrétaire du Parti communiste (PCC, unique), et le président Miguel Diaz-Canel. Puis il avait traversé sans encombre les premières analyses menées par le PCC et le Parlement.
           
Mais les Cubains ont eu leur mot à dire : pendant trois mois, ils ont été 8,9 millions (sur 11 millions d'habitants) à participer à 130.000 débats organisés par quartier, centre de travail, université... Et dans un pays pourtant habitué à l'unanimité politique depuis un demi-siècle, ont soudain surgi 783.174 propositions de modifications, rajouts ou suppressions d'articles.
           

Article polémique

Les autorités socialistes, qui ont largement vanté cet exercice de démocratie, ont donc dû corriger leur copie, comme l'a expliqué cette semaine Homero Acosta, secrétaire du Conseil d'Etat et coordinateur de la commission de rédaction du texte. La commission a effectué 760 rectifications, sur 134 des 224 articles, soit 60% du projet, et propose d'en éliminer trois. Seuls 87 restent inchangés.
           
L'article le plus polémique : le 68, qui définissait le mariage comme l'union "entre deux personnes", et non un homme et une femme comme dans la Constitution actuelle de 1976. Cela ouvrait la voie au mariage homosexuel dans une île où, après la révolution castriste en 1959, cette communauté a été harcelée, voire envoyée en camps de "rééducation", puis exclue de tout emploi public avant d'être progressivement acceptée.
           

Mariage homosexuel

"L'article 68 a été le plus débattu par les citoyens", a indiqué l'Assemblée nationale. Et "sur les 192.408 avis exprimés, 158.376 proposent de remplacer la proposition (figurant dans le texte) par la formulation actuellement en vigueur". Revenir au texte actuel aurait fermé la porte au mariage gay. La commission de rédaction du projet propose, elle, une solution intermédiaire : définir le mariage comme "une institution sociale et légale", sans plus de précisions.
           
Charge ensuite au Code de la famille, qui doit être prochainement réformé, d'inclure éventuellement le mariage homosexuel puis de le soumettre à référendum d'ici deux ans. Fer de lance de l'adoption du mariage gay, Mariela Castro, fille de Raul Castro, a assuré qu'elle ne baissait pas les bras pour autant. "Nous n'avons pas cédé et nous n'allons pas céder au chantage fondamentaliste et rétrograde qui s'oppose politiquement au projet d'émancipation de la révolution cubaine", a-t-elle affirmé, alors que l'Eglise était vent debout contre ce projet.
 

Mandat présidentiel

Un autre article ayant suscité des réactions de rejet, selon la commission de rédaction, est celui limitant le mandat présidentiel à cinq ans, renouvelable une fois, avec 60 ans comme âge maximum pour débuter. Cela aurait été un grand changement, après les longs séjours à la présidence de Fidel Castro (1976-2008) puis de son frère Raul (2008-2018). En revanche, autoriser plusieurs partis ou l'élection directe du président - il est actuellement désigné par les députés du PCC - n'ont jamais été prévus dans le texte de la nouvelle Constitution.
           
Les quelque 600 députés, dont la séance pourrait durer plusieurs jours, se pencheront aussi sur les performances économiques de 2018 et le budget 2019. La croissance, déjà annoncée, devrait être d'un peu plus de 1% en 2018, pareil en 2019. Mais la "réalité ressemble de plus en plus à une récession", souligne l'économiste Pavel Vidal dans un article. Et "Diaz-Canel, pour le moment, maintient la voie de transformations graduelles sans toucher à la colonne vertébrale du système centralisé et du monopole de l'entreprise d'Etat", regrette-t-il.