En 1977, un millier de Hmong sont arrivés en Guyane. Ces réfugiés fuyaient le régime communiste du Laos. Ils étaient accusés d’avoir collaboré d’abord avec les colons français puis les Américains. Connus pour être des cultivateurs hors pair, le gouvernement français les a envoyés en Guyane dans l’idée de peupler le département et de développer l’agriculture.
Vicky Lyfoung, elle, a grandi en région parisienne. Elle a un peu de famille en Guyane qu’elle ne connaît pas. Née en 1990, elle a appris tardivement les traumatismes vécus par sa famille Hmong. Elle a décidé d’en faire un récit sous forme de bande dessinée intitulée Hmong (Éditions Delcourt/Encrages). Invitée par la librairie Case à Bulles, elle se rendra en avril pour la première fois de sa vie en Guyane.
Outre-mer la 1ère : qu’est-ce qui vous a décidé à faire cette BD sur le peuple Hmong ?
Vicky Lyfong : C'est vraiment le reportage de Cyril Payen (NDLR : grand-reporter et spécialiste de l'Asie du Sud-Est) qu’il a fait il y a une quinzaine d’années qui m'a donné cette envie. J’avais 15 ans quand je l'ai vu et ça m’a fait l’effet d’un coup de poing, car j’étais en pleine interrogation sur mes origines. Je me suis promis à ce moment-là de faire une BD sur les Hmong, pour savoir d’où on vient, quels sont mes origines. En tant qu’adulte, j’ai eu besoin de savoir d’où je venais pour savoir où aller dans le futur.
Est-ce que vous avez réussi à comprendre l’origine des Hmong ?
L’origine des Hmong est assez floue. Ils viennent du nord de la Chine, c’est là où on a réussi à retrouver les plus vieilles archives. C’est un peuple très ancien. Les premières traces des Hmong relèvent de la mythologie. On trouve des récits datant de -3000 avant JC.
Pourquoi les Hmong ont-ils quitté la Chine ?
Les Hmong ont leurs propres traditions et leur manière de vivre. Les Chinois ont voulu assimiler la population Hmong comme ils avaient l’habitude de le faire avec les ethnies minoritaires. Mais les Hmong ne se sont pas laissés faire. Ils se sont rebellés, ils voulaient être libres. Ça s’est terminé en bataille au Mont Leigong en 1726 au cours de laquelle 10 000 Hmong ont été décapités et 400 000 sont morts de faim. Après, il y a eu des rébellions tous les 60 ans. Une partie des Hmong a fini par être assimilé. Une grosse partie a décidé de fuir la Chine.
Les Hmong ont donc pour une partie d'entre eux migré au Laos et ils se sont souvent trouvés dans le camp des Français. Pour quelles raisons ?
Les Hmong ont beaucoup collaboré avec les Français. Ils ont fourni du pavot, matière première de l’opium, ce qui a permis de financer les guerres. En parallèle, certains Hmong ont pu aller l’école, certains Hmong animistes se sont convertis au christianisme. À cette époque-là, un alphabet Hmong a été imaginé par les Européens. Mais tous les Hmong n’ont pas collaboré avec les Français. Il y avait deux camps, comme du temps des Chinois.
Il y a eu un deuxième grand départ des Hmong au moment de la guerre du Vietnam. Pourquoi les Hmong ont-ils été obligés de quitter, pour beaucoup, le Laos ?
Les Hmong ont beaucoup travaillé avec les Français. Une fois que les Français ont perdu la guerre, les Américains sont arrivés et les Hmong ont aussi travaillé avec eux. Cela a été très mal vu par le régime communiste. Quand les communistes ont pris le pouvoir, les Hmong ont été considérés comme des ennemis. Pour mes parents, il fallait donc fuir. C’était une question de survie. S’ils restaient, ils étaient sûrs d’être abattus. Mes parents n’ont pas eu le choix. Ils sont ainsi allés dans les années 70 dans un camp en Thaïlande dans l’espoir de vivre une vie décente dans un autre pays. Mes parents sont arrivés en 1977 en région parisienne.