Petite confusion matinale sur l’heure de rendez-vous mais tout va bien : Daniel Léocadie est bien là , assis dans ce petit café parisien, à la veille de son retour à La Réunion. Il vient de se produire pendant quelques jours à Versailles dans la pièce Marie Stuart, mise en scène par Maryse Estier, et reviendra d’ailleurs dans l’Hexagone en décembre, pour la rejouer du côté de Nancy. Avant cela, c'est son propre texte Kisa mi lé qu’il a proposé - entre autres - dans le cadre du Mois Kreyol initié par Chantal Loial.
Le Réunionnais comédien-metteur en scène aime voyager et heureusement : son métier le pousse à ces allers-retours mais il n’aime pourtant rien tant que créer et travailler chez lui à La Réunion. C’est important, dira-t-il tout au long de L’Oreille est hardie, de montrer au public réunionnais qu’il existe un imaginaire, un décorum, une langue, riches au point de pouvoir les représenter sur scène et d’en être fier.
Place des Outre-mer nichés au cœur de la République française, force du créole et des langues ultramarines, représentation au théâtre, autant de sujets abordés de front par Daniel Léocadie dans L’Oreille est hardie :
Texte inspiré
Pour Kisa mi lé, Daniel Léocadie veut bien endosser la casquette d’auteur mais ce n’est pas l’exercice avec lequel il est le plus familier. Nécessité fait loi, ce texte est né en entendant à la radio un grand-père qui, s’exprimant lui-même dans la langue, interdisait à son petit-fils de parler le créole dans sa maison. Histoire que le créole ne "gâte" pas son français et avec, ses chances de réussite dans la vie.
Deux faces d'une même pièce
C’est contre toute cette déconsidération de la langue réunionnaise que Daniel Léocadie a écrit ce texte qu’il joue inlassablement depuis quelques années sur les scènes. Kisa mi lé c’est la part française d’un homme qui cherche à se réunir avec la part réunionnaise de son identité qu’on lui avait cachée. Le personnage qui parle est en colère…
Tout le contraire de Daniel Léocadie : lui n’a jamais été en colère. Le créole, personne ne l’a jamais empêché de le parler. Et c’est même lui qui reprenait ses parents sur le français, qu’il apprenait à l’école et qu’il ramenait tout fier à la maison !
RĂ©union avec La RĂ©union
Depuis son retour à La Réunion, il y a quelques années, après ses études théâtrales menées en France, il se rend compte combien le créole a été étouffé, etranglé, dévalorisé au point où, même encore aujourd’hui, les jeunes ne sachant pas manier le français enterrent d’eux-mêmes toutes leurs chances de réussir !
C’est pourquoi le comédien et metteur en scène a décidé de travailler d’abord à monter des projets sur place dans lesquels le bilinguisme a toute sa place. Faire du créole et des éléments culturels constituant La Réunion, parties intégrantes des spectacles qu’il conçoit est pour lui une priorité et les faire se rencontrer avec des textes classiques, une vraie jubilation, à l’entendre raconter comment il a concilié La Réunion et la tragédie antique d’Antigone.
Écoutez L'Oreille est hardie...
Et prenez langue avec un amoureux de la scène, du jeu, de son pays, des gens. Suivez Daniel Léocadie dans l’évocation de ses réalisations théâtrales et de celles auxquelles il participe. Entendez à quel point il défend sa langue, le créole et pourquoi il mène ce combat pour lui donner le rayonnement qu’elle mérite aussi bien à La Réunion qu’en dehors de ses frontières.
Retrouvez le comédien et metteur en scène, Daniel Léocadie dans L’Oreille est hardie, c’est par ICI !
Ou par lĂ :
"Kisa mi lé", pièce de Daniel Léocadie, texte paru aux éditions K'A Aster.
"Marie Stuart", de Friedrich Schiller mise en scène de Maryse Estier du 12 au 15 décembre, Théâtre de la Manufacture à Nancy.