De Mayotte à Paris, retour sur le parcours d'Andréas Maanli, jeune danseur professionnel

La Bamboo's compagnie en répétition pour leur sortie de résidence le dimanche 26 février. Parmi les huit danseurs, Andréas Maanli, 26 ans, danseur professionnel d'origine mahoraise.
Il a dansé pour Stromae, Mika, ou encore Soprano. À 26 ans, le CV d'Andréas Maanli est déjà bien rempli. Le jeune mahorais aux multiples casquettes revient sur son ascension, lors d'une rencontre à une répétition avec sa compagnie de danse.

"Cinq, six, sept et huit !" En rythme, les huit danseurs de la Bamboo's compagnie répètent la chorégraphie imaginée par Dylan, lui aussi danseur. En résidence pendant cinq semaines, tous répètent avant de montrer le fruit de leur travail le 26 février à Saint-Denis.

Ils commencent leur session de deux heures avec un premier filage. Sur une musique aux sonorités urbaines et jazz, ils revoient les pas ensemble. "Tu te déplaces en arrière mais pas en diago [diagonale, NDLR], tu vois ce que je veux dire ?", indique Bryan à Andréas Maanli, jeune mahorais de 26 ans, qui a raté des répétitions.

"Hier, ils ont bossé la fin. Le but, c'est que j'ai tout pour dimanche", éclaircit ce dernier, visiblement pas stressé. 

À gauche, Bryan Doisy, danseur martiniquais, explique des mouvements à Andréas Maanli, alias Karma.

À l'origine, ils sont tous "potes de l'AID", l'Académie Internationale de danse située dans le 16e arrondissement de Paris, contextualise Andréas Maanli.

Maintenant, c'est dans une petite salle de danse louée par la compagnie, dans le 14e arrondissement, que la bande d'amis se retrouve pour créer leurs propres projets artistiques. "On est une dizaine de danseurs avec l'objectif de produire le max de contenus. Entre nous, on a plusieurs styles : hip-hop, contemporain, jazz, classique, afro... On est partout !", décrit le danseur mahorais avec un grand sourire.

Chiconi, "la capitale de l'ambiance"

Andréas Maanli était pourtant loin de se douter qu'un jour, il serait danseur professionnel dans l'Hexagone. Né à Mayotte, il grandit dans le village de Chiconi, situé au centre-ouest de l'île.

Le futur danseur est enveloppé par la musique dès l'enfance : "Mon village était surnommé la capitale de l'ambiance ! C'était très animé, il y avait toujours de la musique et mes oncles avaient un groupe, Clan Demba, qui était assez connu sur l'île."

"J'ai toujours baigné dans cet univers, mais je ne me voyais pas danseur quand j'étais petit", explique-t-il. Andréas Maanli est resté à Mayotte jusqu'à ses 14 ans. En 2010, sa mère décide de plier bagage pour la Bretagne, avec les deux petits frères et la petite sœur de l'artiste.

Intégration difficile

Plus la même ambiance, plus le même climat... Andréas Maanli se retrouve à Quimper, loin de son île natale et de la chaleur du bassin indien : "Je suis arrivé dans l'Hexagone le jour de mon anniversaire, le 14 août, et j'ai passé tout l'été en doudoune !", rigole le jeune mahorais. 

Au-delà de l'adaptation à la météo bretonne, il a dû s’acclimater à son nouveau mode de vie. Sa rentrée scolaire en classe de troisième l'a particulièrement marqué. "J'avais un chapeau et un gant en diamants façon Michael Jackson lors de ma rentrée. Les gens m'ont catégorisé direct, ils ont vu un mec comme ça débarquer, ils se sont demandés d'où je sortais et pour qui je me prenais", se rappelle le danseur, encore un peu remué.

Entre les clans dans la cour de récré et les jugements de la part des collégiens, le Mahorais peine à se faire une place dans son établissement. "Même si c'était compliqué au début, je suis solitaire de base, je me suffis à moi-même", ajoute-t-il d'un air affirmé.

Très vite, le jeune garçon se réfugie dans ce qu'il aime : la danse. Sous l'impulsion de sa grand-mère par alliance, il commence à prendre des cours dans une association de hip-hop. "J'ai pris mes premiers cours de hip-hop à Quimper, j'étais en autodidacte à Mayotte. Ça m'a aidé à m'intégrer comme je découvrais la vie ici", raconte Andréas Maanli.

La danse était le seul repère que j'avais. C'était comme une échappatoire de prendre des cours. Je savais que j'allais relâcher la pression et m'amuser.

Andréas Maanli

Après le collège, l'artiste mahorais se dirige vers une formation plus exigeante en danse. Il cumule les cours et le conservatoire dans un lycée à Brest. "C'est là que j'ai commencé mes formations en jazz, en classique et en contemporain." C'est là qu'Andréas Maanli devient Karma, son nom de scène.

"Ça n'arrive pas qu'aux autres"

Avec son bac et son diplôme d'études chorégraphiques (DEC) en poche, le Mahorais part pour la capitale. Il commence par donner des cours de hip-hop çà et là avant de trouver une nouvelle formation au sein de l'AID. "Je voulais venir à Paris pour le potentiel de la ville. Ça m'a ouvert des portes, je n'aurais pas pu rêver mieux !", lâche Karma.

Le danseur obtient son premier gros contrat, il performe au côté du chanteur Soprano lors des NRJ Music Awards en 2018. "C'était irréel. Pour moi, ce sont les autres qui font ce genre de trucs, c'est ce que tu vois sur Insta... Mais ça n'arrive pas qu'aux autres ! Un jour, tu as signé un contrat et c'est ton tour", retrace Andréas Maanli.

S'ensuit une série de contrats commerciaux avec les chanteurs Stromae, Mika, et des spectacles : le Roi Lion à Disneyland, la Fashion Week parisienne de 2022 pour le défilé de la marque Off-White, comme le montre la publication ci-dessous... "Ça, c'était ma bonne étoile, c'était une opportunité de fou malade !", se remémore le danseur de 26 ans, jetant un coup d’œil en l'air.

Créer un lien humain

Karma n'est pas un grand adepte des contrats commerciaux. Le Mahorais se sent plus à l'aise au sein d'une troupe de danseurs : "Quand tu es dans une compagnie, il y a quelque chose de plus humain, les gens viennent pour toi et créer un lien. Pour des clips ou des concerts, tu n'es qu'un produit et on t'oublie."

Andréas Maanli intègre sa première compagnie de danse contemporaine en 2020. Depuis deux mois, lui et ses amis danseurs ont monté la Bamboo's compagnie, une compagnie associative qui se veut indépendante et autogérée collectivement. "Ici, tout le monde partage ses idées et chorégraphie. Là, on répète un projet à l'initiative de Dylan, le prochain sera porté par Margaux", indique Karma. 

La Bamboo's compagnie en répétition pour leur sortie de résidence le dimanche 26 février. ©Inès Apetovi / France Télévisions

Sa bonne étoile semble être encore à ses côtés : Andréas Maanli vient pour la première fois de signer un contrat dans une agence de mannequins mi-février.