A-t-on oublié les Outre-mer en convoquant des élections législatives anticipées ? Après la victoire du RN aux élections européennes et le décrochage de son parti dans les urnes, Emmanuel Macron a choisi de dissoudre l’Assemblée nationale et d’organiser de nouvelles élections législatives. Ce pouvoir, il le tient de l’article 12 de la Constitution, un article qui impose certaines limites. Le texte précise notamment que les élections doivent se tenir "vingt jours au moins" après la dissolution, pour permettre aux candidats de faire campagne, et "quarante jours au plus" après la dissolution, pour que la vacance du pouvoir législatif ne soit pas trop longue.
Emmanuel Macron a opté pour la fourchette la plus basse, soit vingt jours, en convoquant par décret le premier tour des élections législatives les 29 et 30 juin prochain. Mais pour l’Association de défense des libertés constitutionnelles (Adelico), les calculs ne sont pas bons. Parce que les élections sont organisées le samedi et non le dimanche dans certains territoires, le délai ne sera que de 19 jours pour une partie des électeurs d’Outre-mer et pour certains Français installés à l’étranger. Ce sera le cas à Saint-Pierre et Miquelon, en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à Saint-Barthélémy, à Saint-Martin et en Polynésie.
Un texte "écrit sur un coin de table"
"Non seulement ce décret semble avoir été rédigé dans la précipitation, mais peut-être aussi en oubliant que certains électeurs n’habitent ni à Paris, ni en métropole, décrypte Jean-Baptiste Soufron, avocat au barreau de Paris et membre de l’association. Pour les électeurs qui sont basés à Saint-Pierre et Miquelon, en Amérique du Nord, en Amérique du Sud, en Guyane… Pour tous ces gens-là, le délai ne sera pas de 20 jours comme la Constitution l’exige. Cela va créer une différence entre les Français : certains se verront appliquer les règles normales et d’autres non."
L’Adelico, qui considère que le décret est inconstitutionnel puisqu’il ne respecte pas l’article 12 de la Constitution, a déposé un recours devant le Conseil constitutionnel pour le faire annuler.
Le décret a visiblement été écrit sur un coin de table. (...) La Constitution s’applique pour tous les Français, qu’ils habitent en métropole, en Guyane ou dans des pays étrangers, c’est la même Constitution pour tout le monde.
Jean-Baptiste Soufron, avocat.
Au-delà du problème soulevé par les électeurs qui ne votent pas dans l’Hexagone, le recours concerne aussi la marge de manœuvre laissée aux aspirants députés. "Les candidats n’auront que jusqu’au 16 juin à 18h pour déposer leur dossier de candidature complet", pointe Jean-Baptiste Soufron, évoquant un délai "extrêmement serré" qui risque "de décourager" voire "d'empêcher" certains candidats.
Vers un report des élections ?
Et ensuite ? Si le Conseil constitutionnel est convaincu par les arguments de l’association, il peut annuler le décret convoquant les législatives anticipées. Cela ne veut pas dire que les élections n'auront pas lieu : il faudra produire un nouveau décret les reportant à plus tard. "L’Assemblée nationale a été dissoute, il va bien falloir élire une nouvelle Assemblée", résume l’avocat. Le Conseil peut aussi interpréter le droit autrement, et considérer que le décret est conforme à la Constitution. Dans ce cas, les élections se tiendront bien les week-ends des 29 et 30 juin pour le premier tour et des 6 et 7 juillet pour le second.
S’il est difficile de savoir combien de temps le Conseil constitutionnel mettra pour répondre, la décision est attendue dans les prochains jours. Les sages devront aussi se positionner vis-à-vis d'autres recours : le premier a été déposé contre le décret présidentiel par un avocat marseillais, le deuxième par des Guyanais et le troisième, qui dénonce le gel des inscriptions sur les listes électorales, par la France insoumise.